L'émission "blues"
de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST
a
Comment un gamin de banlieue, comme toi, a-t-il pu
découvrir le Blues et le Rock à l'époque ?
Je vivais, en fait, à Belleville qui est presque la banlieue de Paris.
En tout cas à l'époque c'était la mienne
J'ai découvert les Beatles et, bien sûr, les premiers albums
des Rolling Stones qui reprenaient, alors, des vieux standards du Blues.
J'ai 52 ans aujourd'hui et lorsque j'étais enfant il était
difficile de se procurer des disques.
Chez moi il n'y avait que le Monoprix qui vendait quelques 33 et 45 tours.
Tout le reste se procurait " sous le manteau ", en import, par
l'intermédiaire de gens considérés comme des illuminés,
les amateurs de Blues. Ces personnes, plus âgées, venaient
souvent du Jazz
Quoiqu'il en soit, c'est tout de même dans le Monoprix local que j'ai
dû acheter " On the Road Again " des Canned Heat, des disques
des Beatles, des Stones et des Kinks
Le reste avec, entre autres, Antoine et ses " Élucubrations
" ne m'intéressait absolument pas, ce n'était pas ma
tasse de thé.
De plus j'avais un physique ingrat et, de ce fait, je me suis lancé
dans l'apprentissage de la guitare après avoir constaté que
c'était un atout vis-à-vis des filles. Je m'étais dit
" Si je veux avoir un jour une vie sexuelle normale, il faudrait peut
être que j'achète une guitare " (rires)!
Par la suite, la pratique courante de cet instrument m'est venue à
force de travail et d'abnégation.
Je ne sortais plus de chez moi et écoutais tout ce qui sortait. Ainsi,
dans le même mois, pouvaient sortir le nouveau Led Zeppelin, le nouveau
Deep Purple, le nouveau Beatles etc
C'était une période fantastique, musicalement parlant.
Un jour Richie Blackmore me crucifiait, le lendemain c'était Jimmy
Page, puis Eric Clapton, puis Jeff Beck et je me disais que je n'y arriverais
jamais
Par la suite je me suis mis à " gratter " plus en profondeur
afin de mettre la main sur des " perles " moins connues du grand
public. J'ai ainsi découvert Electric Flag, Spirit, Captain Beefheart
et tous ces groupes d'une richesse inouïe.
Quel est le premier concert auquel tu aies assisté
?
Alors que j'avais, environ, 14 ans mon père m'a emmené voir
les Variations, Triangle, Martin Circus, Nuage Rose aux Halles et c'était
super!
Peux-tu revenir sur tes premiers pas et les premiers
groupes que tu as intégrés ?
L'un des premiers était aussi constitué de Yves Brusco dit
" Vivi " à la basse, Norbert Krief dit " Nono "
à la guitare et Omar Ben El Mabrouk à la batterie.
Ce groupe se nommait HLM, il est devenu par la suite Volcania, puis Paris,
puis Trust
Ensuite j'ai un peu joué avec Louis Bertignac. Généralement,
nous nous retrouvions tous à Pigalle où se situent les magasins
de guitares. Nous y passions nos journées assis sur les amplis
à " boeuffer ".
Nous mangions " une frite et une merguez " et le soir nous nous
rendions dans la cave de l'un ou de l'autre afin de jouer " Jumpin'
Jack Flash " pendant 3 heures puis " All Right Now " pendant
4, tu vois...
Après il y a eu un épisode important de ma vie avec Rock'n'roller.
C'était la première fois qu'on m'apprenait le métier,
en me guidant dans les attitudes et les gestes à adopter en plus
de la gestion du stress, de l'alcool, de la route etc
Les autres musiciens avaient 10 ans de plus que moi et j'ai pleinement
profité de leur expérience.
Nous avons fait les premières parties de Téléphone,
de Little Bob, de Chuck Berry, de Little Richard etc
Tu as aussi connu la période glorieuse
du Golf Drouot, cela devait être plus simple de se produire à
l'époque
Oui, nous ne nous emmerdions jamais. Le week-end il suffisait de prendre
un taxi et d'aller au Gibus faire un " boeuf ". Après
nous buvions un canon puis allions au Golf Drouot, puis au Bus Palladium
etc
C'était, à chaque fois, voyage au bout de la nuit
Aujourd'hui il reste très peu de Clubs pour les groupes en dehors
de l'Utopia et du One Way
Les propriétaires ont déjà peur des guitares acoustiques
alors quand ils voient nos amplis
Les premiers enregistrements ont-ils été
réalisés dès la période HLM ?
Avec eux il n'y a eu que quelques maquettes
En fait, la première fois que je suis rentré en studio c'était
pour jouer sur le premier album de Mike Lécuyer "Mike et sa
clique", je devais avoir 16 ou 17 ans.
Cet album était produit par Christian Décamps (du groupe
Ange, Nda) qui m'a démontré qu'en studio on ne pouvait
pas se contenter d'à peu près. Cela aussi m'a fait du bien
Avec le groupe Rock'n'roller nous avons fait deux albums chez Vogue. Le
premier, en trio, était produit par Jacques Wolfsohn qui était
le vice-président de la firme et qui avait signé en premier
Johnny, Dutronc, Gainsbourg. Il avait aussi, en édition, Sidney
Bechet, pour te dire l'importance du bonhomme
Pour le deuxième album j'ai fait des séances de guitare
avec Rolling, Doudou Weiss et toute l'équipe d'Hallyday de l'époque.
Puis il y a eu des hauts et des bas. J'ai fait le Palais des Congrès
avec un très bon groupe qui se nommait Grand Hôtel mais qui,
malheureusement, n'a jamais connu le succès.
Avant la période Reverend Blues Gang, te
faisais-tu déjà appeler The Reverend, était-ce pour
venir en aide aux âmes perdues du Blues ?
A l'époque je jouais avec un harmoniciste. Il m'arrivait, à
moi aussi, d'avoir des coups de mou et quand la flamme baisse c'est difficile
de devoir trouver un autre emploi pour pouvoir vivre.
A une période j'ai baissé la tête et les bras mais,
aujourd'hui, je suis déterminé à ne plus " rechuter
"!
Sinon, ton pseudo est forcément inspiré
par quelques grands noms du Blues et du Rock
Oui, absolument!
Comme le Reverend Gary Davis, le Reverend Horton Heat etc
Je voulais, aussi, me construire un personnage et avec ma corpulence je
pouvais difficilement prendre un pseudo genre Prince Charmant, Roméo
ou Lord Maxime!
Je fais un Révérend sauvage et parfois doux, sur le bidon
duquel on aimerait bien poser sa tête.
Je me suis, aussi pour ces deux aspects inspiré du film "
La nuit du chasseur " avec Robert Mitchum qui résume bien
ce que nous sommes tous. Des êtres oscillant entre le bien et le
mal
Peux-tu revenir sur la belle épopée
du Reverend Blues Gang ?
C'était, au départ, une réunion d'amis qui voulaient
faire une musique sans concession en se foutant des labels et autres engagements.
Nous avons produit notre premier album, qui a été enregistré
en 1 semaine, avec nos maigres économies. A notre grande surprise
il a eu une bonne critique dans " Rock'n'Folk " et d'autres
supports. Nous nous sommes donc piqués au jeu en amplifiant nos
répétitions. Par la suite les propositions de concerts se
sont multipliées
Nous avons donc voulu offrir un produit plus abouti pour notre deuxième
album. Le troisième, quant à lui, est une grande fierté
puisqu'il restitue à merveille sous la forme d'un CD et d'un DVD
l'un de nos concerts au Plan de Ris-Orangis.
On y retrouve de nombreux invités et un son exceptionnel grâce
à l'équipe de Garage Production.
Pour info leur ingénieur du son travaille actuellement avec Phil
Collins et Genesis, c'est dire le talent du Monsieur.
Tout cela pour en arriver à ton nouvel
opus (" I have a Dream " label Nocturne Why Note) enregistré
en solo. Nous y retrouvons de nombreux invités tels que Little
Bob
Oui j'ai tenu à faire la reprise de son titre " Libero "
que j'aime beaucoup.
C'est l'histoire de son père, un émigré italien qui
travaillait dans une fonderie comme ouvrier. C'est donc aussi, un peu,
l'histoire de mon père qui avait le même emploi
C'est une étrange similitude sur nos vies qui étaient dures
même si nous étions des mômes heureux.
Il a été touché que j'aime autant son texte et a
été d'accord pour le ré-enregistrer en duo avec moi,
me disant que nos pères en seraient fiers
Il y avait vraiment du frisson lors de l'enregistrement. Bob est quelqu'un
que j'aime beaucoup
Lui et son épouse Mimie sont des belles âmes!
On retrouve aussi Beverly Jo Scott qui chante
en français alors que toi tu chantes en anglais, c'est paradoxal
On s'est rencontrés au tout début du Reverend Blues Gang.
Nous sommes restés en contact
J'adore sa voix ainsi que son aspect simple et naturel.
Quand elle chante seule, en s'accompagnant à la guitare, le temps
s'arrête
C'était un peu la rencontre de la Belle et de la Bête sur
disque, entre son côté fragile et moi " les routiers
sont sympas " (rires)!
Une autre belle surprise la venue, sur quelques
morceaux, de Paul Personne. Le connais-tu depuis longtemps ?
Oh oui, vers l'âge de 17-18 ans quand il était batteur de
La Folle Entreprise.
J'ai beaucoup d'anecdotes avec lui mais je ne peux pas toutes les raconter
!
Même si c'est difficile à croire je lui ai montré
des plans à la guitare, un jour, dans un magasin de Pigalle!
Il faut dire qu'en échange il m'avait appris à jouer "
Dust my Broom "
A l'époque tout se faisait dans une grande camaraderie et nous
n'hésitions pas à apprendre aux autres nos plans
Avec Nono Krief, Louis Bertignac, Paul Personne et tous les autres il
y avait un vrai partage, sans esprit de compétitivité malsaine
Cet état d'esprit a malheureusement changé mais, de mon
côté, je tiens à le conserver. C'est comme une grande
table, s'il y a assez à manger pour tout le monde il faut partager!
Etre un musicien de blues c'est avant tout cela!
Pour conclure cet entretien aurais-tu un souhait
à formuler ?
Oui que l'on transforme les CRS, Compagnie Républicaine de Sécurité
en Compagnie de Réconfort et de Solidarité. J'aimerais qu'il
y ait un peu plus d'humanité sur cette terre, que les gens s'écoutent,
se regardent c'est si important la communication!
C'est tellement facile de ne pas se taper sur la gueule.
Alors que Dieu, le Diable ou n'importe qui vous garde