The Honeymen
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Du haut de leurs 25 années d’expérience, totalement vouées à la cause du blues,Elmor (chant, harmonica) et Jimmy Jazz (chant, guitare, percussions) peuvent se targuer d’être à la base d’un certain renouveau de cette musique en France. Un phénomène qui s’est accentué à la fin des années 1990, en partie, sous l’impulsion de leur groupe Doo The Doo. Un combo souvent primé et qui n’a eu de cesse de propager la bonne parole, à coups de milliers de kilomètres parcourus et d’albums finement ciselés. Le compteur des deux frères n’est, cependant, pas sur le point de s’arrêter. En effet, insatiables, ils ont formé The Honeymen. Un duo qui a conduit les quimpérois jusqu’à mon micro, afin de répondre aux quelques questions qui suivent…

Vos noms d’artistes sont inspirés d’une chanson du groupe The Clash, « Jimmy Jazz », alors que le nom du groupe que vous constituez ensemble est un clin d’œil direct à Slim Harpo. Pouvez-vous, de ce fait, m’en dire davantage sur l’étendue de vos influences musicales ?
Jimmy Jazz : A la base, ce patronyme de Jazz n’était pas un nom de scène. C’était un surnom que l’on m’avait donné car, au moment de la sortie de l’album « London Calling » du groupe The Clash (disque édité en Angleterre en décembre 1979, nda), le morceau « Jimmy Jazz » était paru en face B d’un 45 tours. Ce dernier passait régulièrement dans un juke-box situé dans un bar que je fréquentais. Suite à une soirée durant laquelle nous avons beaucoup diffusé ce morceau, tout le monde a commencé à m’appeler Jimmy Jazz. J’ai conservé ce surnom lorsque j’ai commencé à jouer de la musique…66

Je souhaiterais revenir, plus précisément, sur vos influences. Avant de fonder des groupes très ancrés dans un blues traditionnel (Doo The Doo, The Honeymen) étaient-elles très diversifiées ?
Jimmy Jazz : Le blues est venu à moi par l’intermédiaire d’autres groupes que j’écoutais, en particulier The Clash et quelques autres. Ces combos connaissaient les racines des musiques américaines et citaient régulièrement Bo Diddley, Chuck Berry et des tas de bluesmen. De plus, j’écoutais pas mal de rockabilly et de rhythm and blues.

Naturellement, je me suis retrouvé à m’intéresser au blues. Si mes souvenirs sont exacts, je crois que le premier album de blues que j’ai acheté est « Soulin’ » de Jimmy Reed (paru à l’origine en 1967 sur le label Bluesway, nda) dont je possède toujours le 33 tours.

Dans quelles circonstances vous-êtes-vous lancés dans l’apprentissage de la musique ?
Jimmy Jazz : Au départ, je n’avais pas forcément la vocation de devenir un musicien. Je n’avais pas appris la musique mais, comme beaucoup de gamins, c’est le hasard des rencontres qui a fait que j’en devienne un. C’est donc avec des potes que j’ai commencé en fondant un groupe. Je me suis mis à jouer de la guitare puis tout est venu progressivement…

En amont de la fondation de The Honeymen, vous avez bien sûr vécu une formidable aventure au sein des Doo The Doo. Avez-vous connu d’autres expériences de groupes auparavant ?
Jimmy Jazz : Oui nous avons, chacun de notre côté, intégré certaines formations avant de fonder Doo The Doo. A titre personnel, j’étais dans un ensemble qui mélangeait plusieurs de mes influences (rockabilly, punk, surf, rhythm and blues). Il se nommait Caragoulas…A la fin de cette expérience, j’étais de plus en plus attiré par le blues (ce qui n’était pas le cas pour l’autre guitariste du groupe, d’où son arrêt). Comme Elmor s’était mis à l’harmonica, nous avons décidé de lancer la machine Doo The Doo ensemble.

Pouvez-vous revenir sur votre parcours avec Doo the Doo et me dire en quoi cette expérience a été la plus formatrice pour vous ?
Jimmy Jazz : C’était une expérience très enrichissante car, à une certaine époque, nous tournions vraiment de manière intensive. A une certaine période (qui a duré 2 ou 3 années), nous donnions jusqu’à 170 concerts par an. Nous faisions déjà beaucoup de concerts, avant même de commencer à avoir la prétention de devenir un groupe qui tourne à l’échelle nationale. Donner 170 concerts par ans représente (avec les trajets) jusqu’à 200 jours passés loin de chez soi. C’est donc une expérience de vie exceptionnelle. Nous passions nos journées à six dans un camion, avec tout ce que cela peut représenter. C’était une grande aventure…

Doo The Doo est le groupe qui a fait prendre conscience à la France qu’une scène blues existait dans le Finistère. Etiez-vous nombreux à porter cette musique dans cette région française ?
Jimmy Jazz : Il y avait quelques groupes de blues comme nos ainés d’Unlimited Blues Time à Brest (mené par une figure majeure du blues breton, Jacques Le Guellec). Bien sûr, Philippe Ménard était déjà présent. Puis il y a eu Southside Blues (également originaire de Quimper) qui est arrivé après nous et qui était l’une des premières formations de Loretta (future Loretta & The Bad Kings).

Pourquoi avoir fait le choix de fonder un groupe en parallèle de Doo The Doo ?
Jimmy Jazz : Il faut croire que nous n’en faisions pas encore assez (rires) !L’existence des Honeymen est, également, liée à un concours de circonstances. Il y avait un restaurant-bar tex-mex à Quimper (Le Charly’s) qui, un jour, a dû faire face au désistement d’un groupe. Le patron nous a appelés en catastrophe afin de trouver une solution de remplacement. Avec Elmor, nous avons donc passé la journée afin de dresser la liste des chansons que nous pouvions jouer à deux et nous nous sommes lancés le soir-même, sans aucune répétition. C’était très spontané et l’accueil que nous avons reçu s’est révélé être excellent. Nous avons ainsi pris conscience qu’il nous était possible de faire quelque chose dans une configuration plus réduite, puis nous avons monté un répertoire ensemble. Cela s’est passé à une période durant laquelle nous faisions beaucoup de salles et de Festivals avec Doo The Doo. Nous souhaitions retrouver une certaine proximité avec le public et revenir à l’ambiance des clubs et des bars. Une chose, qu’à ce moment-là, nous avions perdue avec Doo The Doo. Pour faire la promotion de ce duo, nous voulions enregistrer un CD 4 titres mais, une fois en studio, nous nous sommes rapidement retrouvés avec une douzaine de titres et nous avons décidé de sortir directement notre premier album « Nothing But The Devil » (Congo Square, 1998).

En quoi ces deux ensembles sont-ils complémentaires dans vos vies de musiciens ?
Jimmy Jazz : Ils nous permettent d’aborder les choses de manière différente. Le répertoire n’est, en effet, pas tout à fait le même d’un groupe à l’autre…

The Honeymen est un groupe qui met, particulièrement bien, en valeur la musique du sud des Etats-Unis. Chacun de vos disques est une invitation au voyage entre Clarksdale et la Nouvelle-Orléans. Vous est-il déjà arrivé de vous rendre dans ces contrées lointaines et d’y rencontrer les artistes locaux. Ceux qui sont à la source de la musique que vous jouez en France ?
Jimmy Jazz : Nous n’avons, malheureusement, pas eu l’occasion d’y aller…Une tournée était programmée juste après l’enregistrement du deuxième album de Doo The Doo « It Stands To Reason ». C’est le chanteur-harmoniciste américain Paul Orta qui nous avait trouvé quelques dates, chez lui, au Texas. Malheureusement, il y a eu quelques problèmes techniques sur l’enregistrement de cet album que nous produisions nous-mêmes. De ce fait, nous avons été contraints de rallonger la durée de nos sessions et de passer plus de temps que prévu en studio. Le résultat nous a coûté plus cher que prévu et comme la tournée américaine devait tout juste se rentabiliser par elle-même nous avons préféré ne pas prendre de risque. D’autant plus que nous souhaitions la réaliser dans le but d’y présenter ce deuxième album. Nous avons donc privilégié la fin de l’enregistrement plutôt que la tournée…
Si nous ne sommes pas allés aux Etats-Unis nous avons, par contre, eu la chance de pouvoir participer au Festival de Jazz de Montréal. Cela demeure l’une des grandes expériences de notre carrière…

Comment pourriez-vous qualifier votre répertoire au sein de The Honeymen ?
Jimmy Jazz : Au départ, nous nous sommes inspirés de la musique produite par des labels tels qu’Excello, Vee-Jay ou Chess Records. Aujourd’hui nous nous posons moins la question de savoir comment nous allons aborder notre musique. Cela fait longtemps que nous jouons ensemble et nous ne cherchons plus à nous identifier à un style ou un autre. Nous faisons les choses à notre façon, en tenant à nous éloigner au plus de nos influences… afin de ne pas produire des « copies conformes »…

Vous qui êtes bretons, n’avez-vous jamais été tentés d’ajouter des sons celtiques à votre blues ?
Jimmy Jazz : Nous ne l’avons jamais fait sur nos disques mais il nous est déjà arrivé de le faire sur scène. Nous avons eu l’occasion de jouer, pour des demandes particulières lors de festivals en Bretagne, aux côtés de bombardes par exemple…

Etait-ce des parenthèses ou seriez-vous prêts à aller plus loin dans cette démarche ?
Jimmy Jazz : Nous y avions pensé à une période mais, au final, cette idée nous a semblé opportuniste. D’autant plus, qu’à titre personnel, nous n’avons jamais vraiment été influencés par la musique celtique… en dehors de celle que nous entendions dans la rue lorsque nous étions gamins. Il y a donc, certainement, un petit quelque chose qui reste inconsciemment ancré en nous…Par contre, on nous a déjà dit que certains de nos morceaux possèdent des intonations celtiques. Si c’est le cas, ce n’est pas forcément voulu. Puis il y a eu des groupes comme L’Héritage des Celtes ou Red Cardell qui ont dépoussiéré la musique traditionnelle bretonne. Toute une nouvelle scène s’est développée derrière eux. Donc, même si cette idée nous a effleurés, nous n’y avons pas donné suite, afin de ne pas passer pour des « suiveurs » opportunistes…

En l’espace de quelques années, la scène blues française s’est enrichie de nombreux talents très différents les uns des autres. De quels musiciens ou groupes vous sentez-vous, actuellement, les plus proches ?
Jimmy Jazz : En raison de notre situation géographique, nous sommes un peu à l’écart de la scène blues française. Cependant, nous y comptons de nombreux potes comme les membres de Flyin’ Saucers Gumbo Special, Loretta & The Bad Kings, Nico Duportal, Benoit Blue Boy et bien d’autres…

Seriez-vous prêts à adjoindre d’autres musiciens au duo que vous formez avec The Honeymen ?
Jimmy Jazz : En fait nous continuons à jouer, de manière sporadique il est vrai, avec Doo The Doo. Nous avons, par exemple, donné un concert lors de la dernière édition de La Route du Rhum. Donc, le groupe Doo The Doo n’est pas mort. En ce qui concerne The Honeymen, cela se fera en fonction des rencontres que nous aurons l’occasion de faire. Par le passé, il nous est déjà arrivé d’intégrer des percussions avec Jacques Moreau qui en est un spécialiste. Il nous avait rejoints, le temps d’un « bœuf » à l’issu d’un concert et nous avions trouvé cela sympa. Du coup, il a collaboré avec nous durant 6 ans. Nous évoluerons, peut-être, encore…D’un autre côté, nous nous sentons très bien à deux. Il n’y a donc rien de planifié à ce niveau-là…

Quels sont vos projets les plus immédiats ?
Jimmy Jazz : Nous souhaiterions enregistrer un nouvel album car le dernier a déjà 4 ans. Il faut que l’on se botte les fesses à ce sujet (rires) !Puis nous continuons de faire vivre nos différents projets entre The Honeymen et notre spectacle jeune public. Ce dernier est une création et il existe depuis 3 ans. Son écriture a été très longue tout comme celle d’un show commémorant le centenaire de la naissance de Muddy Waters (né le 04 avril 1013, nda). Ce spectacle a, pour le moment, été partiellement mis en scène. Il n’est donc pas tout à fait aboutit et nous souhaiterions vraiment venir à bout de ce projet. Ne pouvant être partout à la fois, je pense que ce sera l’enregistrement de notre prochain album qui passera en priorité.

Quand on pense aux frères Jazz, on pense systématiquement aux frères Blues, donc aux Blues Brothers. Vous qui avez parcouru des centaines de milliers de kilomètres, j’imagine facilement que vous avez souvent dû vous retrouver dans des situations qui ont pu vous faire penser à ce film de John Landis (datant de 1980) ?
Jimmy Jazz : (rires) Oui, mais il n’y aurait pas assez du format d’un film pour tout raconter !

Est-ce que vous avez une conclusion à ajouter à cet entretien ?
Jimmy Jazz : Nous n’avons pas souvent l’occasion de venir en Alsace. Entre Kaysersberg et Colmar, nous avons découvert des endroits magnifiques… dont les habitants sont très accueillants. Nous sommes très contents d’avoir pu passer deux jours ici !

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Interview réalisée
Le Badhus (Festiblues)
Kaysersberg
le 14 novembre 2014

Propos recueillis par
David BAERST

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