The Sonics
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Nda : En signant l’un des disques de référence de la scène rock garage (en l’occurrence « Here Are The Sonics » en 1965) le groupe The Sonics, originaire de Tacoma dans l’état de Washington, est probablement l’inventeur de l’acouphène chez tout bon rocker de base de son époque.Précurseur d’une musique puissante, brute et cradingue, ce quintet a révolutionné la scène des sixties en déployant un état d’esprit jusque-là inédit et qui, en une cinquantaine d’années, a continué de se propager chez de nombreux artistes se revendiquant de leur lignée (des Stooges aux White Stripes en passant par les Cramps, Nirvana ou encore les Dead Kennedys). Après une fulgurante première partie de carrière (de 1960 à 1968), The Sonics a entamé avec succès une deuxième vie en 2007. Depuis, les concerts se succèdent à un rythme effréné et attestent que le combo américain n’a rien perdu de sa superbe et de son énergie.Plus que jamais, The Sonics reste à l’ultra pointe de sa musique et continue de convertir de nombreux gamins aux joies d’un son gravé à tout jamais sur les tablettes sacrées du rock’n’roll. C’est après un long soundcheck, dont ils ont profité afin de répéter quelques-unes de leurs nouvelles chansons, que trois membres de la formation actuelle ont accepté de répondre à mes questions. Un moment forcément privilégié, que voici retranscrit…

Afin de débuter cet entretien, pouvez-vous me présenter le line-up actuel du groupe ?
Rob Lind : Le groupe est actuellement composé de Freddie Dennis, qui joue de la basse et qui est notre chanteur principal. Il y a également Dusty Watson à la batterie, Larry Parypa à la guitare, Gerry Roslie aux claviers et au chant alors que, pour ma part, je joue du saxophone, de l’harmonica et je chante au sein des Sonics.66

Pouvez-vous me parler de la scène musicale que vous fréquentiez à vos débuts dans les années 1960, notamment du côté de Tacoma dans l’état de Washington ?
Freddie Dennis : Nous sommes les contemporains de groupes tels que The Dynamics, The Wailers (qui a été surnommé The Fabulous Wailers afin de ne pas être confondu avec le combo qui a accompagné plus tard Bob Marley, nda), Don & The Goodtimes, The Kingsmen et certains autres issus quant à eux de la côte ouest. Je veux évoquer par là des pionniers de la musique surf comme The Beach Boys, Dick Dale, Jan & Dean etc…C’est ce que nous écoutions en grandissant (rires) !
Rob Lind : Il est bon d’ajouter à cela que nous subissions les influences de deux grandes villes principales, qui ont joué un rôle important dans le développement de la musique de cette époque. Il s’agit, en l’occurrence, de Seattle et de Tacoma qui sont toutes deux situées dans l’état de Washington dont le groupe est originaire. Seattle est une grande métropole alors que Tacoma est une cité portuaire dominée par la classe ouvrière. Nos pères, pour la plupart, portaient des bleus de travail et exerçaient des professions difficiles. Naturellement, la musique était assez différente d’une ville à l’autre. A Seattle, les musiciens étaient particulièrement doués, accomplis et donnaient dans des arrangements soignés et propres. Par contre, à Tacoma, les gens qui jouaient d’un instrument faisaient, généralement, moins de chichis. Leur musique était plus sale et rude. Avec les cinq membres originaux des Sonics, c’est dans cette dernière ambiance que nous avons grandi. De ce fait, cela s’est immédiatement ressenti dans notre jeu. D’ailleurs, nous voulions obtenir un son qui soit le plus dur possible. C’est de cette manière que nous avons commencé à jouer et, après toutes ces années, nous cherchons actuellement à revenir à cet état d’esprit. Nous utilisons la même technique qu’à l’époque…

Comment l’idée de fonder The Sonics est-elle, précisément, venue à vous ?
Rob Lind : Nous faisions, à l’origine, partie de deux groupes distincts. Larry Parypa et son frère Andy (bassiste original des Sonics, nda) avaient un petit groupe qui s’appelait The Sonics. Gerry Roslie, Bob Bennett (premier batteur du groupe, nda) et moi-même étions membres d’un autre ensemble nommé The Imperials. La notoriété du groupe de rock’n’roll des deux frères commençaient à grandir dans le cercle des musiciens de Tacoma et, un jour, ils ont demandé à Gerry de les rejoindre en tant que chanteur. Ce dernier était enchanté à cette idée et leur a dit qu’il avait l’habitude de jouer avec deux autres gars, chacun experts du rock’n’roll dans leur registres respectifs (batterie et saxophone). C’est donc par cette entremise que Bob et moi-même sommes devenus membres des Sonics. Nos premières répétitions avec le groupe au complet se dont, d’ailleurs, déroulées dans la cave de Bob Bennett.

Quelle serait votre propre définition du son produit par The Sonics ?
Rob Lind : Le son des Sonics se caractérise par sa dureté et son agressivité. Nous jouons de la manière la plus agressive que nous pouvons, de manière à pouvoir « heurter » chacun des spectateurs qui viennent nous voir. Ceci, quelque-soit le nombre de personnes qu’il y a devant nous, 25.000 ou juste 100… Notre démarche est toujours la même !

Aujourd’hui, de nombreux jeunes continuent d’aimer et se revendiquent de ce son que vous avez produit dès le début des années 1960. Comment expliquez-vous cela ?
Rob Lind : Nous nous estimons très chanceux de pouvoir constater cela. A l’origine, nos fans ont grandi en s’intéressant au rock’n’roll. Ce n’est qu’il y a quelques années, particulièrement en Europe, que les gamins ont découvert nos disques. C’est d’ailleurs pour cela que nous trouvons toujours un grand intérêt pour venir en Europe afin d’y donner des concerts. Avant de refonder le groupe, Gerry, Larry et moi avons répété pendant deux ans. Puis, en 2007, nous avons donné nos deux premiers concerts (depuis la séparation du groupe en 1968, nda) à New-York. Nous avons été surpris de constater que de nombreux européens avaient spécialement fait le déplacement pour assister à cet évènement. Nous avons immédiatement reçu une offre afin de donner un grand concert à Londres. Une fois sur place, le promoteur londonien a été contraint de programmer une deuxième soirée, tant l’engouement des gamins était important. C’est de là que tout est reparti pour nous…

Vous restez très attachés à la musique que vous produisiez dès vos débuts. Estimez-vous qu’elle a, malgré tout, évolué ces dernières années ?
Rob Lind : L’idée de base reste la même. Nous avons enregistré un nouvel album qui sortira bientôt et dont tu as pu entendre quelques extraits durant notre soundcheck de tout à l’heure. Pour ces titres, nous ne pouvons pasà proprement parler de nouvelle musique car nous tenons à conserver notre touche originelle, à suivre la même voie.
Freddie Dennis : On y trouve, malgré tout, deux chansons qui sont un peu différentes des autres. Comme « Save the planet, it’s the only one with beer » dont la clé est différente mais qui demeure dans l’esprit de ce que nous avons l’habitude de faire.
Rob Lind : Dusty, notre nouveau batteur, a aussi une part importante dans le son actuel du groupe. Notre musique traduit les expériences qu’il a pu vivre dans le passé.
Dusty Watson : Je suis issu d’un environnement punk rock et j’ai joué avec de nombreux artistes issus de la scène musicale des années 1960. J’ai, par exemple, accompagné Dick Dale pendant de nombreuses années mais aussi The Safaris, Davie Allan & The Arrows. Je trouve des similitudes entre ces genres respectifs car ils sont emprunts d’une même rapidité et d’une énergie commune. J’essaye aussi de faire passer une certaine réaction affective lorsque nous jouons…

Pensez-vous avoir eu une influence sur des groupes tels que The Stooges ?
Rob Lind : Je crois que nous avons, par bonheur, pu avoir un impact sur un certain nombre de groupes de rock. Quand nous avons découvert que nous avons pu avoir de l’influence sur ces artistes et les voir reprendre nos chansons, nous l’avons toujours bien pris. Cela est un réel honneur….

Parmi les groupes de la nouvelle génération, estimez-vous avoir des successeurs ?
Rob Lind : Oui… D’ailleurs, lors du show new-yorkais que je citais précédemment, nous avons rencontré le groupe The Fuzztones. Ce dernier revenait alors d’une tournée en Allemagne et il est venu nous voir, après notre show, alors que nous étions installés autour d’une table afin d’y signer nos disques au public. Les membres dudit groupe nous ont alors présenté leur album « The Fuzztones : Boom » qui est constitué de nos morceaux et qui est un hommage au Sonics (le titre faisant, bien sûr, référence à l’album « The Sonics : Boom » paru en 1966, nda). Ils nous ont demandé d’en signer la pochette, c’était très drôle…Nous sommes mêmes devenus amis et avons eu l’occasion de jouer sur la même scène à deux reprises, à Berlin. Le groupe suédois The Hives fait aussi partie de nos amis et cite régulièrement The Sonics parmi ses références. Ces musiciens sont très bons et nous les apprécions beaucoup.
Freddie Dennis : Il y a également une scène garage rock très dense aux Japon, où nous comptons de nombreux fans. Beaucoup de groupes très talentueux s’y réclament comme étant issus de notre école.
Rob Lind : Il y a aussi des groupes tels que The Mummies qui ont repris notre chanson « Shot down »…J’aimerais profiter du micro qui m’est tendu pour rendre hommage à celui qui est à côté de moi. Monsieur Freddie Dennis qui, en plus d’être un bassiste extraordinaire, est aussi un chanteur de très grand talent. Nous avons ainsi deux vocalistes qui se complètent à merveille… Nous avons vraiment beaucoup de chance de pouvoir compter sur Freddie Dennis !
Freddie Dennis : C’est moi qui suis très chanceux d’avoir pu intégrer un tel groupe…

Avec le recul… De quoi êtes-vous les plus fiers depuis la création du groupe ?
Rob Lind : Oh, mon Dieu… Tu sais, je suis heureux d’avoir contribué à faire changer les choses avec ce groupe de rock’n’roll. C’est un tel plaisir de jouer ce style de musique avec ces gars. Nous pouvons être fiers d’être toujours là et de faire du rock’n’roll pour les gens qui aiment ça !

Au contraire, avez-vous des regrets ?
Rob Lind : Je pense qu’il n’est pas bon d’avoir des regrets. Si on en a de trop, il ne nous reste plus qu’à nous jeter à l’eau depuis un pont. Il y a peut-être une ou deux choses que je ferais différemment aujourd’hui mais je ne crois pas avoir de gros regrets. Je pense que les autres gars pensent comme moi…Nous avons un nouveau disque, que je pense être très bon, qui sortira bientôt et nous avons édité un 45tours avec nos amis du groupe Mudhoney de Seattle (à l’occasion du Record Store Day 2014, nda). Je suis très fier de tout cela. Il faut dire que nous avons travaillé de manière très intensive afin de pouvoir proposer un nouvel album qui aura beaucoup de tenue. Il possède un très bon son et sortira probablement au mois d’août 2014 !

Auriez-vous quelque chose à ajouter à l’attention de votre public français ?
Rob Lind : (rires) C’est toujours un plaisir de venir ici. Nous n’avons pas tourné en Europe l’an dernier car nous préparions notre prochain opus. C’est vraiment formidable d’être ici !

Pourquoi, le public est-il différent de celui qui vous suit aux Etats-Unis ?
Freddie Dennis : Nous avons donné davantage de concerts aux USA l’an dernier et avons pu nous rendre compte que les réactions du public sont exactement les mêmes des deux côtés de l’Atlantique. Les « kids » adorent ce que nous faisons. Les concerts sont souvent complets, c’est vraiment fun !
Rob Lind : L’une des choses intéressantes avec l’Europe c’est que, même dans les endroits où l’anglais n’est pas la langue principale (comme à Helsinki en Finlande), nous ressentons une relation très forte avec les gens. Il suffit de voir leurs réactions devant la scène, lorsque Gerry commence à chanter les premières paroles de notre chanson « Strychnine »… Tout le monde se met à la fredonner, les gens la connaissent par cœur…. Cela fait vraiment du bien, c’est une chose très « cool » !

Remerciements : Bryan Swirsky (Forblongit Management)

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Interview réalisée
Le Grillen
le 26 avril 2014

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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