Nda : Exilé volontaire en France, le québécois They Call Me Rico (de son vrai nom Frédéric Pellerin) s’est rapidement intégré à la scène blues du pays. Ses impressionnantes prestations lui ont même permis de décrocher le fameux sésame qui lui offrira l’opportunité de représenter notre nation, en 2016, lors de l’International Blues Challenge à Memphis (catégorie solo/duo). Quelques jours avant d’apprendre cette nouvelle, il s’est confié à mon micro en compagnie de son complice…le violoniste Charlie Glad.
Frédéric, de quelle manière as-tu découvert la musique au Québec ?
C’est par le biais de la discothèque de mon grand-frère et de ma grande-sœur. Ainsi, j’ai pu écouter des vinyles de Stevie Wonder et des Rolling Stones. Cela a représenté une grande découverte !Puis, j’ai commencé à jouer de la batterie à l’âge de 12 ans puis de la guitare 3 années plus tard. Par la suite, tout s’est enchainé…
Etais-tu autodidacte ou as-tu appris les rudiments de ces instruments avec l’aide de professeurs ?
J’ai pris quelques cours mais je me suis perfectionné par moi-même…
As-tu connu de nombreuses expériences de groupes avant de fonder Madcaps, qui t’a fait connaitre ?
Non pas beaucoup. J’ai, cependant, joué dans quelques formations à l’adolescence. Nous interprétions, principalement, des reprises. Puis j’ai fondé Madcaps que je considère comme mon seul vrai groupe avant de me lancer dans le projet They Call Me Rico.
Peux-tu, justement, revenir plus en détails sur cette expérience au sein de Madcaps ?
C’est un groupe de funk-rock québécois qui a été fondé au tout début des années 2000. Son existence s’étale sur 10 ans. Nous avons, principalement, tourné au Québec mais aussi un peu en France. Nous étions 5 membres à le composer et notre son était très rock. Après cette expérience, j’ai décidé de revenir à mes premières amours, c’est-à-dire le blues. Madcaps ne s’est jamais vraiment arrêté mais nous nous voyons moins…en théorie il existe toujours (rires).
Les amateurs français de blues connaissent un peu la scène québécoise. Est-elle, réellement, aussi riche qu’elle semble l’être ?
Elle est riche est, aussi, assez traditionnelle. Depuis quelques temps on y ressent, cependant, un certain renouveau. C’est une grande famille dont une partie est totalement immergée dans le chicago blues. De nouveaux venus, inspirés par des artistes tels que Jack White et une musique un peu plus « crade », font leur apparition ces temps-ci. C’est une chose qui me fait plaisir car j’apprécie particulièrement ce son.
Depuis que tu t’es installé en France, as-tu gardé des contacts avec cette scène. As-tu encore beaucoup d’amis sur place ?
Oui, j’y retourne d’ailleurs régulièrement afin d’y donner des spectacles…
Qu’est-ce qui t’a décidé à te produire en solo, dans une formule one-man band ?
J’avais envie de faire du blues, mais les gens avec lesquels je jouaient à l’époque ne partageais pas ce désir. Jouer cette musique avec des gens qui ne l’aiment pas donne encore plus le blues, ce n’est pas très intéressant (rires). Je me suis donc lancé tout seul dans ce registre et, pour avoir plus d’impact, je me suis aussi mis à la grosse caisse en plus de la guitare. Puis, j’ai rencontré Charlie Glad qui m’a, d’abord, accompagné à l’occasion de « grosses » dates. Dès que cela est possible, je fais appel à lui. Je l’aime bien et il est, lui-aussi, un homme-orchestre à sa façon. En effet, il joue du violon et des claviers.
Justement, je profite de la présence de Charlie afin de lui poser quelques questions. Peux-tu te présenter et évoquer l’environnement musical dans lequel tu baignes depuis ton enfance, ainsi que la raison pour laquelle tu as décidé de jouer du violon ?
Charlie Glad : J’ai commencé très tôt la pratique du violon puisque je suis rentré au Conservatoire alors que j’avais trois ans et demi. Mon père, qui était comédien, écoutait beaucoup de musique. J’ai donc suivi des études classiques avant d’intégrer des groupes de musiques actuelles. J’ai fait du jazz manouche, j’ai voyagé en Louisiane afin d’aller jouer avec les cajuns, à Chicago (où j’ai vu Buddy Guy) je me suis produit au Québec avec Rico et j’ai roulé ma bosse en Irlande afin de me frotter à la musique traditionnelle locale. A mon retour en France, je suis devenu musicien de studio et j’ai formé des groupes. J’ai rencontré Rico car nous avions le même label. Nous avons estimé que nos parcours respectifs pourraient très bien se compléter.
Quels sont les groupes avec lesquels tu évoluent, en marge de ton parcours avec Frédéric ?
Charlie Glad : Je joue avec des groupes de musique irlandaise ou de musique cajun. J’ai, aussi, fondé un projet sous mon nom. Ce dernier mélange la musique de Louisiane à des rythmes electro. Je fais aussi du jazz et je m’aventure, parfois, dans le domaine de l’opéra en tant que baryton. Mon panel est donc assez large…
Frédéric, afin de revenir à ton concept They Call me Rico, peux-tu évoquer l’origine de ce nom ?
Rico est mon surnom depuis que je suis tout petit. Ma mère m’appelait Frederico qui a été, rapidement, transformé en Rico. They Call Me Rico est, également, un clin d’œil humoristique aux albums et aux chansons de Muddy Waters ou de Pinetop Perkins (« They Call Me Muddy Waters », « They Call Me Pinetop »). De ce fait, le public ne sait pas trop de quoi il en retourne. Ce n’est pas comme si j’avais choisi Rico Blues Band ou Fred Blues Band. Cela pique la curiosité des gens et, en plus, ça sonne bien !
Ta musique est emprunte de blues traditionnel et on y trouve un côté plus garage, ainsi que des sons cajuns avec l’apport du violon de Charlie. Comment la qualifies-tu ?
Je la qualifie de manière un peu « ennuyeuse ». En effet, je dis simplement que c’est de la musique américaine, de l’americana. On y trouve, aussi, une pointe de rock qui sera en mise en évidence sur mon prochain album. Ce dernier sera fait de contrastes, il se partagera entre un blues roots et un rock plus alternatif. Ce sera un disque fait d’extrêmes, entre titres calmes et morceaux plus énergiques.
Sur ton dernier album en date, tu as repris une chanson d’un artiste qui peut aller de la musique folk au rock. Il s’agit de Bruce Springsteen. Es-tu touché par le grand songwriter qu’il est ?
Je l’aime beaucoup… Lorsque j’ai commencé, je me considérais davantage comme un musicien que comme un parolier. Au fil des années, ce dernier aspect s’est davantage développé. Depuis mon dernier disque, je passe plus de temps sur mes textes. Ils prennent une place plus importante. Avant, ils étaient avant tout fait pour accompagner ma musique. L’expérience aidant, j’ai davantage de choses à dire. Il m’est devenu plus facile d’écrire, que cela l’était il y a 10 ou 15 ans…
Certains sujets t’inspirent-ils plus que d’autres ?
J’évoque beaucoup les relations de couple, les relations humaines et la place de la personne dans la société. Comment trouver sa place dans un monde qui parait si hostile…
C’est un peu, justement, à l’image de Springsteen. Ce dernier aime évoquer l’Amérique profonde…
Oui, c’est vraiment un grand songwriter. Il est l’un de mes modèles. J’essaye de saborder les clichés et de travailler avec des thèmes qui me sont familiers. Dans le blues c’est un peu « la vie, l’amour, la mort », il n’y a pas 150.000 thèmes. Je tente donc de trouver ma petite touche personnelle. Je suis plus francophone qu’anglophone et je soumets mes textes à un ami de culture anglaise, afin de connaitre son avis. Il les apprécie car il considère que mon regard sur la langue anglaise est différent. Il me dit que je me censure moins car les anglophones n’oseraient pas toujours évoquer ce que je chante. Bizarrement, le fait d’être francophone m’aide à écrire en anglais. Je baigne dans ce paradoxe. Cela donne un esprit d’ouverture aux textes…
Tu es, par ailleurs, également auteur de nouvelles…
J’ai écrit des nouvelles mais personne ne les a lues. J’écris beaucoup mais, pour le moment, je n’ai rien publié. Ces nouvelles sont en français et, lorsque j’en aurai le temps, je chercherai un éditeur afin qu’elles puissent paraitre.
Est-ce un travail différent que celui d’écrire une chanson ?
Oh oui… Une chanson est très délimitée. Il faut suivre le rythme. C’est un peu comme en poésie avec les vers et les pieds. Il faut suivre une structure, ce qui est assez difficile. Avoir des idées est une chose simple, le fait de les introduire dans une structure mélodique l’est moins. Ecrire une nouvelle est une chose moins restrictive. Il est vraiment complexe de signer un texte de chanson. A titre personnel, je suis un admirateur de l’auteur québécois Luc Plamondon. Certaines personnes lui reprochent son côté trop « variété ». Moi j’admire ce mec-là, qui réalise des textes audacieux sur des mélodies pop. Peu de gens y parviennent…
De quelle manière sera enregistré ton prochain album ; en solo, avec Charlie, voire avec une équipe plus étoffée ?
Nous avons commencé à travailler dessus avec Charlie. Son apport y est considérable et nous y avons passé beaucoup de temps ensemble. Il y a écrit une chanson et nous en avons cosignées d’autres à deux. Il m’apporte un regard neuf et extérieur qui m’est très précieux. C’est une chose intéressante et nous sommes, en ce moment, en plein travail. Nous verrons ce que cela va donner…
Le concept They Call Me Rico est-il évolutif, penses-tu t’entourer de davantage de musiciens dans un futur proche ?
Non, car j’ai trouvé le meilleur collaborateur en la personne de Charlie Glad. Je lui lance souvent le pot, donc, je peux bien lui lancer les fleurs de temps en temps (rires). Il m’apporte beaucoup de choses et joue aussi bien des claviers que du violon alors que je joue de la guitare et de la batterie. Avec tous ces éléments réunis nous pouvons déjà aller assez loin. De plus, je préfère travailler avec une seule personne avec laquelle je m’entends bien…plutôt que quatre avec lesquelles il faut toujours gérer des problèmes d’égo (rires) !
Tu es, maintenant, installé en France depuis deux ans. T’a-t-il été facile de t’intégrer à la scène française, as-tu pu nouer des liens rapidement avec des artistes qui l’a composent ?
Je connaissais déjà des gens en France avant de venir m’installer dans ce pays. Grâce à ces contacts, je ne suis donc pas vraiment parti de zéro. C’était, tout de même, une prise de risque car je ne savais pas ce qu’il allait arriver. Pour le moment tout se passe bien. Je pense que le fait d’être un peu différent peut aider… Le côté américain de ce que je fais me permet de me démarquer. Le fait d’arriver avec cet aspect a été une force. Puis j’adore la France aussi bien pour la musique que pour le style de vie qu’on y retrouve. J’y ai fait de très belles rencontres et me suis constitué un bon portefeuille d’amis. Je devais m’installer pour 6 mois avec ma compagne et, au final, cela fait deux ans et demi que nous sommes ici. Nous verrons bien pour la suite…
D’un point de vue musical, y-a-t-il des choses qui te manquent…que tu trouvais au Québec et qui n’existent pas en France ?
Au Québec c’est 1, 2, 3 et on y va. On branche les instruments et il n’y a pas de discussion, on joue. Je pense que c’est culturel… Au Québec c’est comme aux Etats-Unis. Il y a beaucoup de gens qui font de la musique mais peu arrivent à se produire. C’est un milieu très compétitif… On trouve aussi moins de registres musicaux différents en France, même si la scène est variée. Chez nous il y a beaucoup de jazz, de rock… Par contre tu ne verras pas beaucoup de musiciens de jazz manouche ou d’accordéonistes au Québec. Il y a, peut-être, des choses qui me manquent mais je ne dois pas vraiment m’en rendre compte…
As-tu une conclusion à ajouter à cet entretien ?
Ce passage à Cognac était très agréable, c’est une très belle ville !Sinon, nous sortirons un nouvel album en mars 2016, j’ai soif et la vie est belle…merci !
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