Thomas Kieffer
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Ex membre des groupes de rock Green Jaw Cathy et P-Brane, Thomas Kieffer s’est lancé dans un registre largement inspiré par la musique folk il y a quelques années. Après un premier album solo (« Beautiful Hands »), sur lequel il jouait de tous les instruments, l’artiste a décidé de revenir à une formule de groupe pour son nouvel opus « We’ll Touch The Line ». Il retrouve ainsi une certaine puissance rythmique, insufflée par des musiciens tels que Nic-U (batterie), David Obeltz (basse), Gino Monachello (guitare), Stéphane Escoms (claviers) ou encore Uli Rohde (pedal steel guitar). Une équipe solide et soudée, qui n’hésite pas à s’adjoindre les compétences d’une section de cuivres (David Florsch au saxophone et Fabrice Toussaint au trombone) ou de la violoncelliste Elise Humbert ainsi que du violoniste Etienne Kreisel. Le résultat final est d’autant plus crédible que le chanteur-guitariste a écrit ses nouveaux morceaux en compagnie du talentueux parolier Jérôme Marchiset. De quoi ajouter un voile de poésie à ce parcours aussi sincère qu’atypique…

Thomas, je crois savoir que tu es un musicien autodidacte. Peux-tu, cependant, m’en dire davantage quant à ton cursus ?66
J’ai commencé la pratique de la guitare à l’âge de 14 ans. Il faut dire que l’émission de télévision « Music California », que nous pouvions voir juste avant « Les Enfants Du Rock » sur Antenne 2, a eu un gros impact sur moi.

Il s’agissait d’un programme (diffusé à l’origine sur la chaine américaine MTV) qui m’a permis de découvrir le groupe Jane’s Addiction (par l’intermédiaire de l’un de ses clips). Je me souviens du guitariste, Dave Navarro, qui jouait sur une Gibson Les Paul devant un mur d’amplis Marshall. Cela m’a littéralement fasciné, voire hypnotisé. C’est ce qui m’a donné l’envie de me lancer, à mon tour, dans l’apprentissage de cet instrument.

Etait-ce là ta découverte du rock ou connaissais-tu déjà cette musique ?
J’avais déjà fait une véritable « crise de nerfs », dans un supermarché, pour que mes parents m’achètent l’album « Highway To Hell » d’AC/DC. Ils n’ont pas eu d’autre choix que de céder (rires) ! Puis, je me suis mis à écouter des groupes français tels que Trust. Je lorgnais donc principalement du côté du hard rock.

En tant que fan de Trust, as-tu été sensibilisé par les textes engagés de son chanteur, Bernie Bonvoisin ?
Tout à fait ! Je crois que Bernie Bonvoisin est l’un des rares chanteurs français de rock qui a su placer des textes intelligents sur ce type de musique. Il fallait vraiment le faire à l’époque ! Ce groupe était totalement en phase avec son temps. J’ai, par exemple, été très touché par la chanson « Ton dernier acte » écrite en hommage à Bon Scott, le regretté premier chanteur d’AC/DC. Ce titre est très fort…

A tes tous débuts, pouvais-tu compter sur l’appui de copains-musiciens ou jouais-tu seul ?
J’ai pris, en tout est pour tout, deux semaines de cours avec un professeur qui m’a enseigné les rudiments du solfège. Puis j’ai lâché l’affaire, au grand désespoir de mes parents (qui pensaient que j’allais totalement arrêter la guitare), car je n’en pouvais plus. Je suis donc rentré chez moi, j’ai posé un disque sur la platine et je me suis mis à travailler à l’oreille. C’est ainsi que j’ai essayé de comprendre comment les musiciens faisaient leurs accords. Aujourd’hui, avec internet, on a en mains des outils incroyables pour apprendre une chanson….

Peux-tu évoquer tes premières expériences de groupes ?
J’ai travaillé, de manière assidue,la guitare pendant deux ans puis j’ai passé une audition pour un groupe de métal. Ce dernier était en quête d’un guitariste rythmique. Au bout de la troisième chanson, les différents membres m’ont demandé d’arrêter car ils estimaient que je n’avais pas le niveau. Je suis donc rentré chez moi bien énervé (rires). Pour leur montrer que possédais ce fameux niveau, je me suis mis à bosser comme un taré et je suis retourné les voir quelques mois plus tard. A ce moment-là, ils n’avaient plus de chanteur… Je me suis donc retrouvé intégré au groupe en tant que guitariste mais aussi en tant que chanteur. Je suis parvenu à concilier les deux. Puis j’ai enchainé sur d’autres groupes (dans un registre plutôt hardcore) en tant que chanteur-guitariste.

J’ai alors découvert la scène (nombreux concerts en Allemagne) et le studio (enregistrements de mini LP). Puis j’ai connu d’autres projets, dans le mouvement indus, au sein desquels nous avons commencé à utiliser des samples. Mon dernier groupe de métal était un power trio, nommé P-Brane, dont la musique se situait entre Black Sabbath et Metallica. A l’âge de 33 ans, j’ai estimé que j’avais fait le tour de la question en ce qui concerne cette musique et j’ai souhaité passer à autre chose. Je me suis mis à écouter d’autres sons, notamment de l’électro (la french touch avec Daft Punk) et énormément de folk via de vieux songwriters.

Comment as-tu amorcé ce, tardif, virage à 180° ?
J’ai découvert Bob Dylan et John Lennon tardivement il est vrai. J’ai aussi été influencé par des songwriters plus jeunes (Damien Rice par exemple). Passer d’un univers électrique à des ambiances folk a constitué un cap important. Avec le métal, l’émotion passait par le volume et par la puissance. J’ai souhaité retrouver une autre forme d’émotion en passant par une guitare acoustique.

Cette démarche aurait-elle pu t’être inspirée par quelqu’un comme Eddie Vedder, qui est passé d’un rock solide (avec son groupe Pearl Jam) à un registre plus dépouillé en solo ?
Le mouvement grunge des années 1990 m’a, aussi, fortement marqué. Il y a, alors eu, une véritable explosion de groupes. Cette décennie a été très fructueuse, surtout pour les gens de ma génération. Eddie Vedder est, de ce fait, forcément l’une de mes influences même si j’étais plus fan de Soundgarden et de son chanteur Chris Cornell.

Nous parlions de diversité au sein de te parcours et de ton œuvre musicale. N’as-tu pas eu peur, à un moment donné, de te « perdre » au milieu de ces changements de caps et d’avoir du mal à te forger ta propre identité artistique ?
Je pense que c’est ma voix qui est le ciment de tout ce que j’ai pu faire. On m’a souvent dit que c’est elle qui est le centre de ma musique. De ce fait, tout cequi se passe autour peut être différent. On peut avoir la même émotion avec une guitare qu’avec des sons issus du mouvement électro. C’est comme un bonbon. Peu importe l’emballage, c’est le contenu qui compte !

Cette voix, justement, est-ce que tu la module lorsque tu passes d’un registre à l’autre ?
Venant du métal je me suis rendu compte, en commençant mon projet folk, que j’avais certains tics. Je chante toujours fort mais, avec les années, j’ai appris à moduler cette voix et à davantage jouer sur les émotions lorsque j’interprète des morceaux calmes. Ceci dit, mon côté métal restera toujours…il fait partie intégrante de ma personne.

Avec ton nouvel album, tu reviens accompagné par un groupe. Est-ce quelque chose qui te manquait après quelques aventures en solo ?66
Oui ! C’est en effectuant une tournée aux USA que, lors d’un day off, j’ai pu participer à une jam qui se déroulait dans un bar. J’y ai interprété « Nights in white satin » du groupe The Moody Blues et un grand batteur black (ainsi qu’un de ses amis bassiste), style Motown, c’est joint à moi.

Au bout de quelques secondes, j’avais déjà l’impression que nous jouions ensemble depuis 15 ans. C’était incroyable ! Grâce à eux, en rentrant en France, j’ai composé les titres qui figurent sur mon nouvel album et j’ai eu envie de les graver avec un groupe. J’ai tenu à ce que ce dernier soit constitué de personnalités fortes et très humaines. C’est ensemble que nous avons commencé à « maquetter » les nouveaux titres…

Tu as vécu beaucoup d’expériences différentes (registres, salles, pays et continents divers). Quelles sont, à tes yeux, celles qui ont été les plus formatrices ?
Les clubs londoniens ont constitué une très bonne école. On s’y retrouve au milieu d’un océan de songwriters qui sont tous excellents. Le fait de jouer dans ces clubs m’a permis de rencontrer énormément de bons artistes. Il n’est pas évident de s’y faire une place, car ils sont très durs et connaissent leur sujet sur le bout de leurs doigts. Ils sont à la pointe de ce qui se fait. Aux Etats-Unis, les gens sont très curieux. Lorsqu’un musicien vient de France ou d’ailleurs, ces derniers écoutent attentivement sa musique. J’ai adoré les USA et jouer là-bas a été une très belle expérience. J’ai envie d’y retourner avec mon groupe au complet.

As-tu tissé des contacts sur place, notamment avec des musiciens ?
Oui, j’ai joué deux fois en Caroline du Nord. Lors de ma première venue j’ai participé au Moonshine Festival qui se déroule en plein milieu d’une forêt. Le seul éclairage présent est un grand feu de camp (rires).C’était magnifique ! Quelques mois plus tard, j’ai été contacté par un couple d’américains qui avait entendu parler de moi (un français qui joue de la musique folk). Ces personnes réalisent des clips pour la scène locale et ont demandé l’intégralité des paroles de mes chansons. Depuis nous sommes devenus amis et ils m’ont invité à faire une deuxième tournée américaines. Ils ont même assuré ma promotion, en me permettant de participer à des émissions de radio sur place. Aujourd’hui, mon rêve serait de donner des concerts sur la côte ouest…

On sent sur cet album que tu as puisé aux sources des musiques américaines…
Absolument ! Je me suis d’ailleurs inspiré de groupes issus de la scène de Caroline du Nord, comme Bon Iver qui a vécu à Chapel Hill. Il y a aussi le groupe Bowerbirds, et quelques autres artistes d’un excellent niveau, qui m’ont donné l’envie de faire cet album.

A l’inverse, as-tu apporté de ta musicalité française aux USA ?
La « french touch » (rires) ! J’ose espérer…en tout cas je n’ai eu que des bons retours ! Une amie m’avait dit de ne pas me présenter en tant qu’artiste français lorsque je me produisais dans les clubs londoniens. J’ai suivi ce conseil et, effectivement, les gens venaient me voir après en pensant que j’étais australien ou néo-zélandais. Lorsque je leur disais que j’étais français, s’il n’y avait pas un mouvement de recul, tous étaient étonnés. Les américains, eux, sont plus ouverts et étaient même attirés par le fait que je vienne d’outre-Atlantique.

A ce nouvel album intitulé « We’ll Touch The Line », penses-tu justement avoir atteint un certain but ?
Peut-être une certaine maturité…Je n’aurais probablement pas écrit ce genre de chansons il y a 3 ou 4 ans. Ce disque marque une évolution dans mon écriture et m’a permis de passer un stade. Je suis très fier du résultat qui nous a demandé beaucoup de temps. Je voulais avoir le line-up parfait et je l’ai trouvé, comme l’attestent nos dernières performances scéniques. Ce sont des moments tels que ceux-là que je recherche. Jouer ma musique, la partager avec d’excellents musiciens et avec le public.

Tes musiciens proviennent tous d’univers musicaux différents (rock, blues, musique classique). A-t-il été facile, pour tous, de s’adapter à ce projet ?
Oui et je n’avais aucune appréhension à ce sujet, à l’inverse de l’ingénieur du son (rires) ! J’avais une idée précise en ce qui concerne ce disque. Je tenais à ce que le résultat soit « fourni » et que l’auditeur découvre de nouvelles choses écoute après écoute.

Quels sont tes projets ?
Tourner au maximum afin de présenter ce nouvel album que nous voulons défendre au maximum. Nous avons aussi commencé à travailler sur de nouveaux titres qui constitueront un disque très différent de « We’ll Touch The Line ».

Comme il se doit, je tiens à te laisser le mot de la fin…
Merci pour cette invitation. Nous avons besoin d’émissions de ce type donc… bravo !

www.thomas-kieffer.com
https://www.facebook.com/pages/Thomas-Kieffer/19667063325

 
Interviews:
Les photos
Les vidéos
Les reportages
 

thomas-kieffer.com
www.facebook.com/Thomas-Kieffer

Interview réalisée
Studio RDL -
Colmar le 4 mars 2015

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

Le
Blog
de
David
BAERST
radio RDL