Thomas Schoeffler Jr
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Habitué de l’émission Route 66 c’est, cette fois-ci, dans le cadre majestueux d’un théâtre « à l’italienne » (le Théâtre Municipal de Colmar, inauguré en mars 1849), que Thomas Schoeffler Jr a répondu à mes question. Un entretien largement consacré à la sortie de son album « The Hunter ». Un disque sur lequel l’artiste affirme ses origines musicales (blues et country) tout en s’offrant des escapades du côté du rock et même de la new wave. Une manière idéale d’évoquer ses origines, tout en se projetant vers un avenir qui s’annonce sous les meilleurs auspices.

Thomas, ton nouvel album est titré « The Hunter ». Ce choix est judicieux car tu sembles y chasser des musiques qui n’étaient pas, forcément, présentent sur tes précédents opus…
Oui complètement, c’est bien vu ! Sur cet album, l’idée était de pouvoir prendre un peu de liberté sur les influences que je peux avoir et de m’autoriser à réinterpréter (comme j’ai pu le faire avec le blues et la country sur mes albums précédents) quelques registres qui sont la new wave et le rock d’artistes (tels que Nick Cave) qui me « parlent » beaucoup. J’avais vraiment envie de m’accorder la possibilité de faire cela…66

Quel est ton objectif avec ce disque qui, artistiquement, se démarque de ses prédécesseurs ?
L’idée était de ne rien s’interdire. J’ai l’impression, qu’en musique, on est vite identifié comme étant un artiste de country music ou un bluesman. Mon objectif était donc d’aller vers des musiques que j’avais, préalablement, moins explorées et de les emmener sur scène. Cela me permettra de proposer des prestations au sein desquelles on retrouvera mes influences de base (blues et country) tout en émaillant mes concerts de choses différentes. Mes sets seront donc encore un peu plus variés qu’aujourd’hui…

Tu citais Nick Cave au tout début de notre entretien. Où as-tu puisé l’ensemble des influencesqui jalonnent ce disque ?
En dehors de Nick Cave, je peux te citer 16 Horsepower ou Joy Division qui sont également des groupes qui m’ont beaucoup marqué dans les années 1990. Bien sûr il y a, également, le mouvement grunge des « nineties ». Tout cela me permet de proposer une musique qui est un peu plus tendue et rock que ce que je faisais jusqu’à présent. J’ai toujours écouté ces sons, au même titre que ceux d’Hank Williams par exemple. J’avais très envie d’aller puiser dans ces sonorités que je n’avais pas encore explorées en profondeur….

Le fait de « reproduire » les sons, inspirés par ces artistes, constitue-t-il une difficulté lorsqu’on se produit dans une formule one man band ?
C’est une bonne question… Avec Sam, qui a enregistré l’album, on a construit un ampli Bassman. Ce dernier me permet d’obtenir un son de guitare un peu plus gros, plus important. En live, je fais maintenant sonner ma guitare électrique de telle manière qu’elle fasse rejaillir beaucoup de basses. En même temps, la contrainte de mon exercice est très intéressante. Avec les mêmes instruments, les mêmes outils, j’ai envie de proposer une musique qui soit légèrement différente. J’essaye, cependant, d’utiliser un minimum d’effets car je suis un partisan du « plus c’est brut, mieux c’est ». Je rajoute juste un peu de delay sur la grosse caisse pour lui donner davantage de profondeur. J’ai aussi un peu plus d’effets sur la voix, afin de la rendre un peu plus lointaine. Ce sont des choses nouvelles en ce qui me concerne mais, avec ces toutes petites nuances, j’arrive à installer une petite ambiance. En dehors de cela, j’espère que ce sont les compositions qui, en elles-mêmes, font la différence. La nature de la chanson, les riffs de guitare, ma manière d’interpréter…
Je cherche toujours ma voix et, actuellement, je chante un peu moins « dans le nez » et j’use moins des trémolos. J’utilise une voix de poitrine, qui est plus profonde… Avec cette simple nuance, je peux passer d’un morceau country blues à une chanson qui est un peu plus new wave.

J’aimerais, justement,évoquer le morceau qui a été choisi pour lancer la carrière de l’album. Il s’agit de « Sauerkraut » qui est la parfaite illustration de ta mutation musicale (même si, de par son titre, il affirme tes origines). Quelles est la signification de cette chanson ; un hommage à la choucroute maternelle voire un clin d’œil au krautrock ?
Pas du tout ! Lorsque je compose une chanson, il peut y avoir des mots qui arrivent sans que je sache pourquoi. En élaborant ce morceau et en créant le riff de guitare, j’ai dû voir ce mot apparaitre quelque part. J’ai trouvé ce terme rigolo et joliment écrit. Il n’a aucun rapport avec le texte de la chanson qui n’a rien à voir avec la choucroute. Venant d’Alsace et me nommant Schoeffler, je trouvais marrant de faire ce petit clin d’œil à mes origines géographiques. Il n’y a aucune fierté, ni de honte particulière par rapport à cela. C’est, cependant, une manière de me dévoiler. J’aime l’idée de ne pas montrer de signification particulière pour ce genre de choses. Le mot sauerkraut me parlait, je le trouvais joli…donc je me suis dit qu’il serait le titre de la chanson. J’avais même hésité à donner ce nom à l’album mais, pour le coup, j’ai pensé que ce serait « too much ». En effet, dans ce cas-là, il y aurait toujours eu des allusions à la saucisse et aux pommes de terre. Pour un morceau ça passe, peut-être pas pour tout un album (rires)…

En ce qui concerne les autres morceaux du disque, quels sont les thèmes que tu as souhaité aborder ?
Sur ce disque, on retrouve les « grands » thèmes qui sont toujours, un peu, les mêmes d’album en album. « Sauerkraut » est une histoire très romantique. Une sorte de « Roméo et Juliette » sur un couple d’évadés, qui cherche à s’enfuir et à passer une frontière afin d’échapper à quelque-chose qui le poursuit. Comme souvent dans mes chansons, les personnages ne parviennent pas à leur but et, de ce fait, l’histoire ne se termine pas très bien.
C’est un disque que j’ai composé après une rupture, donc beaucoup de morceaux évoquent ce sujet. Tout cela est très personnel mais, plus on cherche à être personnel, plus on devient universel.Quand je présente, sur scène, un titre parlant d’une fille que j’ai aimais… j’ai l’espoir que chacun puisse se retrouver là-dedans. Comme, en France, les gens ne comprennent pas toujours la teneur de mes textes, il est important qu’ils puissent savoir de quoi on parle. Donc, mes textes sont souvent orientés vers la rupture et on y retrouve toujours une certaine charge sociale.
Sans être politisé, je suis très sensible au contexte social actuel. Ce dernier n’est pas facile. Il n’est pas évident de pouvoir s’en sortir et de trouver sa place au milieu de tout cela. Il n’est pas simple d’être positif quand on entend ce qui se passe et que l’on voit ce qu’il y a autour de nous. Ma manière d’exorciser cela est de raconter des histoires de personnes qui se battent face à un système. J’espère que cela peut, un minimum, fédérer. L’idée est de conjurer ce qui me hante au quotidien (les gens qui sont partis ou ceux qui restent alors que l’on n’aimerait pas les avoir autour de nous)…

Tu évoquais Sam tout à l’heure, peux-tu revenir sur les autres personnes qui t’ont entouré durant la conception de ce projet ?
La conception de ce disque a été, un peu, particulière…
Pour l’album précédent j’étais en coproduction avec Echo Productions, qui est le label qui me soutien depuis le début. Cette fois-ci, j’ai désiré produire « The Hunter » seul afin d’avoir le maximum de liberté pour son contenu ou, par exemple, pour son visuel. Je n’ai pas, forcément, pris la direction qu’Echo Productions souhaitait que j’emprunte. J’ai travaillé seul, de manière « bricolo », ce qui n’a pas été simple tous les jours. Le fait de comprendre les tenants et les aboutissants d’un tel projet était ma volonté de départ. Cependant Sam, qui fait souvent mon son en live et qui m’a enregistré dans ce cas de figure, m’a beaucoup aidé. Elsa Constantopoulos, de INKYPYT, mon attachée de presse fournit un très gros travail autour de la sortie de l’album. J’ai, également, la chance de travailler avec L’Autre Distribution qui prend en charge la diffusion du disque. Je tiens, surtout, à citer Echo Tour (mon tourneur) qui me fait confiance depuis quatre ans et qui est très content de l’album. Cette structure souhaite m’emmener au-delà des endroits que j’ai déjà pu visiter avec ma guitare. Nous avons de hautes espérances pour « The Hunter »…

J’ai toujours été très touché par ta musique en elle-même mais, aussi, par l’aspect visuel qui l’accompagne (pochettes des albums, vidéos…). La photo qui orne « The Hunter » te montre plus solitaire que jamais. Tu y es, cependant, orienté vers un horizon qui peut sembler mystérieux. Que dévoile cet horizon, est-il riche en rencontres…ou en interrogations ?
Merci ! C’est exactement l’idée !
Le but était de me montrer éloigné, au bout d’un chemin, en plein milieu d’une forêt. « The Hunter » parle de cela…on y chasse plein de choses. On peut y chasser l’amour, le bonheur etc.
Avec cet album, on regarde de l’avant, en évitant de refaire un « Jesus Shot Me Down » (précédent opus, paru en 2015, nda). Si j’aime toujours faire le « country boy », je voulais donc avant tout aller de l’avant. Tu fais très bien de parler du visuel car, dans les gens qui m’accompagnent, il y a Eric Antoine qui est photographe et qui a signé les pochettes de mes trois albums. A chaque fois, il illustre parfaitement ce que j’ai en tête et il donne un relief particulier à mes productions.

Je sors d’une interview avec les Mountain Men qui, sur scène, ont transformé leur duo en un quartet. Envisages-tu, un jour, d’abandonner ta panoplie de one-man band…afin de te dévoiler à ton public en étant accompagné par d’autres musiciens ?
Je ne pense pas le faire tout de suite sous le nom de Thomas Schoeffler Jr, qui est mon projet solo. Je trouve, en effet, cette « contrainte » musicalement intéressante. Avoir peu de moyens pour produire un maximum d’effets est une chose qui me plait toujours. Dans le contexte actuel, il faut toujours être pragmatique. Le fait d’être un musicien seul sur la route est ce qui fait que j’arrive à vivre de ma musique. Depuis maintenant quelques mois, je t’avoue que le fait de me produire avec des gens me manque. Avoir une interaction avec d’autres musiciens est agréable. Je suis constamment seul sur la route (sauf dans le cadre de premières parties comme avec les Mountain Men) et je deviens nostalgique de ces échanges. C’est pour cela, qu’avec des potes, je suis en train de monter un petit groupe. Notre premier objectif est de nous amuser. Malheureusement, je n’arrive pas à dégager autant de temps que je le souhaiterais afin de répéter avec eux. J’ai, cependant, l’espoir de pouvoir monter sur scène avec ce combo en 2017. Ce n’y ferai pas mes propres chansons mais d’autres morceaux originaux, spécialement écrits avec mes comparses dans le cadre de ce projet. Cela me permettra de m’éclater en faisant quelque chose de différent. Je pense, parallèlement, pouvoir emmener mon concept en one-man band bien plus loin. Il y a encore beaucoup de choses à faire de ce point de vue là…

Les premières critiques de « The Hunter » sont extrêmement positives. Cela te motive-t-il afin d’aller encore plus loin ?
Oui, complètement ! D’autant que, par ma propre volonté, j’ai souhaité gérer cela seul. Il en résulte que je suis davantage fait pour composer des chansons que pour m’occuper de toute la partie administrative (rires). Avec cet album, j’espère pouvoir proposer une autre facette de ma personnalité artistique aux gens. Je souhaite, également, tourner à l’étranger avec cet album. Nous sommes, actuellement, à la recherche de subventions. Il est encore un peu tôt pour en parler mais il se pourrait que des dates à l’international se profilent. Le fait d’étoffer mon réseau serait une excellente chose pour moi et j’ai bon espoir d’être vu par des personnes qui, à la base, n’étaient pas attirées par mon côté country-blues. Ce registre était, malheureusement, identifié comme étant ringard. Avec « The Hunter » j’espère pouvoir toucher un public un peu plus grand et nous croisons les doigts pour que cela puisse fonctionner.

Dans l’attente de te revoir, très bientôt, dans le studio de l’émission, souhaites-tu ajouter une conclusion à ce nouvel entretien ?
Mes chers amis, il faut que vous écoutiez cet album. N’hésitez pas à y jeter une oreille…Puis, pour rassurer ceux qui avaient aimé les exercices précédents, le changement n’est pas diamétral. C’est toujours un gars tout seul, avec sa guitare et ses deux boites sous les pieds, qui se demande de quoi demain sera fait…et qui espère y aller avec le sourire !

Remerciements : Elsa Constantopoulos (INKYPYT)

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Interview réalisée
Théâtre Municipal - Colmar
le 3 février 2017

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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