Nda : L’entretien suivant a été enregistré lors de la venue de Tomcat Blake dans l’émission Route 66 (voir reportage ICI). L’artiste américain y était accompagné par l’excellent pianiste français de blues, Michel Carras. Ce dernier a répondu à quelques-unes des questions transcrites ci-dessous. Lorsque cela est le cas, son nom est notifié en caractères gras.
Tom, peux-tu me parler de ton enfance à Saint-Louis, Missouri et de l’environnement dans lequel tu évoluais alors ?
C’était une vie tranquille dans la banlieue de Saint-Louis. J’écoutais beaucoup la radio à ce moment-là. De plus mes parents possédaient énormément de disques. Mon père était un « vieux hippie », il a rapidement compris que je m’intéressais beaucoup à la musique.
Te souviens-tu, avec précision, du premier artiste qui t’a vraiment marqué ?
A l’âge de 6 ou 7 ans, je suis devenu un grand admirateur de Ringo Starr des Beatles. J’aimais beaucoup ce groupe et, en particulier, son batteur… C’est lui qui m’a donné l’envie de me lancer dans l’apprentissage de cet instrument.
C’est donc en tant que membre des Beatles que tu l’as apprécié dans un premier temps, avant qu’il ne se lance dans une carrière sous son propre nom…
Oui, mais j’ai aussi suivi sa carrière dès qu’il a commencé à se produire en solo. Ceci-dit, le déclencheur a vraiment été pour moi la découverte de la musique des Beatles.
Mon grand-père paternel était un DJ réputé aux USA dans les années 1940-50. Il se nommait Randy Blake (né en 1906 à Chicago où il a commencé, sa longue et impressionnante carrière, en 1935 sur la station WJJD, nda) et était spécialisé dans la musique country et le hillbilly. Il m’a offert des disques de Hank Williams, Big Bill Broonzy, Elvis Presley etc…
Ceci représente, probablement, le début de ma vocation.
C’est donc par son intermédiaire que l’amour des musiques roots américaines est venu à toi…
Peut-être bien, j’ai appris beaucoup à ses côtés !
Le fait de commencer à jouer de la guitare s’est-il naturellement imposé à toi ?
Comme j’étais un admirateur de Ringo Starr, j’ai débuté par la batterie dans un registre rock’n’roll. C’est la deuxième fois que j’ai vu Eric Clapton en concert que j’ai décidé de changer d’instrument. Je me suis dit « wouah, c’est exactement ce que je veux faire, je ne veux plus être derrière tout le groupe… je pourrais très bien être devant (rires) » !
A quand remontent, professionnellement ou non, tes débuts sur scène ?
Je n’ai pas beaucoup joué à Saint-Louis. J’ai quitté cette ville à l’âge de 18 ans et j’ai voyagé, deux ou trois ans, un peu partout à travers les Etats-Unis.
J’y suis pourtant revenu en 1982 afin d’accompagner un grand bluesman natif du Mississippi. Il s’agissait de Henry Townsend (surnommé « Mule », 1909-2006, nda). C’est après cette collaboration que je me suis, réellement, plongé dans une carrière de musicien. C’est d’ailleurs Henry qui m’a un peu poussé à le faire.
Est-ce immédiatement après cette première expérience marquante que tu as intégré le groupe de l’harmoniciste Rock Bottom ?
C’est arrivé un peu plus tard, lorsque j’ai déménagé à Tampa Bay en Floride.
Je suis tombé sur Rock Bottom et son groupe alors que je devais passer ma première ou deuxième nuit sur place. Je me suis alors exclamé « un jour, je jouerai avec eux ! ». C’est ce qui s’est passé 4 ou 5 ans plus tard… Notre collaboration a, alors, débuté et nous avons beaucoup tourné en Europe ensemble. C’est pour cette raison que j’ai « atterri » ici…
Peux-tu me présenter, plus en détails, Rock Bottom qui est un peu oublié en France ?
Rock Bottom était certainement l’un des meilleurs musiciens de la scène de Tampa Bay, entre les années 1970 et 1990. Il tournait également beaucoup en Europe et, notamment, en Scandinavie. Son groupe était considéré comme une « école du blues ». Tous les musiciens de la scène locale voulaient l’intégrer car chaque musicien pouvait apprendre beaucoup de choses grâce à ce type. Rock était un formidable harmoniciste, un formidable showman et un grand chanteur. C’était une chance incroyable pour chaque musicien de Tampa Bay que de pouvoir le côtoyer. Il était très pur et proche des racines du blues et même du rockabilly.
Tu as voyagé avec lui dans de nombreux pays européens. Pourquoi as-tu choisi la France comme port d’attache ?
Tout simplement parce qu’il n’y a pas de cancoillotte ailleurs (rires) !
En fait pendant une tournée, en 1992, j’ai rencontré une femme qui est devenue ma femme.
Avec elle, je me suis installé dans sa région d’origine, dont elle apprécie particulièrement l’aspect un peu montagneux.
Quels sont les premiers musiciens français que tu as rencontrés ?
Le premier musicien français que j’ai rencontré et un batteur qui joue dans un autre combo (Import-Export, nda), en compagnie de Michel Carras. Il s’agit d’Alain Mussard. J’étais en tournée en Suisse avec un groupe helvète au sein duquel figurait aussi mon bassiste américain, qui avait fait le voyage avec moi. Nous avons, tous les deux, donné un concert en France à cette occasion. Comme aucun batteur ne nous avait accompagnés, il fallait en trouver un sur place pour un engagement de deux nuits que nous avions dans un club. Le premier gig s’est fait en formule duo mais je tenais absolument avoir un batteur pour le second. Le gars du club a donc contacté Alain qui est, ainsi, devenu le premier musicien que j’ai rencontré ici…
Pour ces concerts suisses, accompagnais-tu Rock Bottom ?
Oui, c’était une longue tournée de 3 mois avec ce groupe suisse. Rock nous rejoignait sur scène, tout comme Chicago Bob Nelson. Je garde un grand souvenir de ces concerts. Nous ouvrions le bal pendant 45 minutes avant d’être rejoints successivement par les deux artistes que je viens de citer. Chaque soirée se terminait par une jam géante, c’était formidable.
D’où provient ton surnom de Tomcat ?
Cela remonte à la période durant laquelle j’ai commencé à perdre mes cheveux… il y a donc très longtemps (rires). Avec mes copains nous étions des fans de blues et de rockabilly. Nous écoutions des titres tels que « Go cat go ».
C’est un ami, également prénommé Tom, qui m’a proposé de joindre les deux et, ainsi, je suis devenu Tomcat.
Quand j’ai quitté Saint-Louis, j’ai emmené ce nom avec moi (rires).
Peux-tu me parler de ta rencontre avec le pianiste Michel Carras, qui collabore avec toi depuis quelques années ?
Oh tu sais, il n’y a pas beaucoup de musiciens de blues à Besançon. Nous nous sommes donc rencontrés naturellement. Nous faisons la même musique et partageons les mêmes goûts. Par contre, j’ai du mal à me souvenir des circonstances exactes de notre première rencontre.
Michel Carras : A un moment donné avec le groupe Import-Export, pour des raisons diverses, nous nous sommes retrouvés sans chanteur-guitariste. Comme nous avions quelques gigs à honorer, Alain Mussard a contacté Tom afin qu’il nous rejoigne. Depuis, nous travaillons ensemble.
De quelle manière collaborez-vous ?
Michel Carras : Avant d’enregistrer un disque, nous travaillons beaucoup en amont. Nous sommes pointilleux sur les chansons et les arrangeons aussi bien pour le studio que pour la scène. Les séances de travail s’intensifient jusqu’au début des sessions…
Ta palette musicale est très large (blues, rhythm & blues, country, rock…), comment qualifierais-tu précisément ton style ?
J’ai un problème pour réellement le définir, je ne peux pas catégoriser mon style. J’aborde tant de genres musicaux dans mes compositions…
J’interprète simplement ce que je ressens en me servant de toutes mes influences.
J’ai joué avec de nombreux groupes de blues et de rockabilly mais, maintenant, je préfère évoluer avec une musique qui vienne vraiment de moi. Elle doit refléter d’où je viens et correspondre à mon réel état d’esprit. Je me sers de tout ce que j’aime et, de ce fait, aborde le blues, la country et le jazz à ma manière. Je conserve aussi un attachement particulier pour la musique des années 1970 avec des groupes tels que Led Zeppelin, Cream etc…
Je pense que la catégorie musicale qui me correspond le mieux est l’americana. Ceci parce qu’elle découle de nombreuses sources différentes et qu’elle est définitivement ancrée dans la grande tradition artistique américaine.
Comme toi, je suis aussi un grand appréciateur de country music. Tu reprends régulièrement des chansons de Hanks Williams que tu as découvert grâce à ton grand-père. Que représente exactement cet artiste pour toi ?
J’ai commencé à l’écouter alors que j’étais très jeune. Lorsque je me suis mis à jouer de la guitare, il me fallait des chansons « simples » afin de parfaire mon apprentissage. Des choses faciles à jouer et à chanter… Comme je possédais beaucoup de ses disques, je me suis engouffré dans son œuvre. Depuis, mon amour de la country music n’a cessé de s’amplifier… Spécialement en ce qui concerne Hank Williams !
Tu es un très bon auteur-compositeur. En tant que songwriter, comment travailles-tu et quels sont les thèmes que tu aimes aborder ?
La plupart de mes chansons évoquent l’amour, ses bons et ses mauvais côtés. Je traite un bon amour sur un rythme soul alors que je garde le blues pour évoquer un mauvais amour (rires) !
Je ne m’inspire pas forcément d’évènements qui me sont propres. Parfois, mes chansons proviennent de nulle part. Je prends ma guitare, commence à en jouer puis tout me vient naturellement. Je peux aussi, parfois, trouver de nouvelles idées en interprétant une vieille chanson… Quand je parle d’amour, je ne veux pas qu’exclusivement évoquer des relations hommes-femmes. Je peux aussi l’aborder en évoquant des sujets plus graves comme la perte d’un être cher par exemple… Ce qu’il se passe lorsque tu perds quelqu’un qui était important dans ta vie…
Les ressentiments qui te traversent l’esprit alors…
Peux-tu me présenter, en détails, ton dernier album en date « Till I Get Back Home » ?
Oh, c’est un excellent disque (rires) !
Il regroupe toutes les musiques qui me sont chères. J’y reprends aussi quelques titres d’artistes importants à mes yeux.
Lorsque j’ai terminé l’enregistrement, en choisissant l’ordre des chansons, je me suis rendu-compte que tous ces morceaux alignés sont représentatifs de ma propre histoire.
C’est mon histoire en musique !
Ce n’était pas une chose voulue au départ, mais c’est un véritable « road trip » qui surgit de mon esprit. C’est un voyage qui me conduit de mon lit d’enfant, lorsque j’écoutais Hank Williams, jusqu’à aujourd’hui.
C’est vraiment un album très personnel, je ne sais pas si j’arriverais à en faire un autre qui me soit aussi proche (rires) !
J’aimerais poser une question à l’attention de Michel Carras. Pour toi, en quoi Tomcat Blake est-il différent de tous les autres artistes américains avec lesquels tu as eu la chance de travailler ?
Michel Carras : C’est un authentique songwriter qui écrit dans une variété de styles très différents. Les artistes que j’accompagnais précédemment avaient tous un registre très ciblé. C’est un grand plaisir de pouvoir aborder tant de genres que j’aime avec un seul homme. C’est une chose qui lui est propre…
Tomcat, as-tu déjà des projets définis… de nouvelles chansons en tête ?
Oui, je suis constamment en train d’écrire. Ce nouveau disque m’a encore davantage motivé pour continuer à travailler dur et à écrire les meilleures chansons possibles, tout en proposant le meilleur de moi sur scène. Je pense même commencer l’enregistrement d’un nouvel album en 2013…
Avez-vous, l’un et l’autre, une conclusion à ajouter ?
Michel Carras : Je suis content de t’avoir revu… notre dernière rencontre remonte à bien des années, alors que j’accompagnais d’autres artistes. C’était un plaisir de se retrouver dans ce studio, merci à toi !
Tomcat Blake : Je n’ai rien à ajouter, merci beaucoup… j’espère que les auditeurs ont aimé cette émission !
www.tomcatblake.com
www.myspace.com/tomcatblake
www.myspace.fr/michelmugsycarras
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