Tommy Schneller
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Saxophoniste, doté d’un timbre de voix qui n’est pas sans évoquer celui de Dr. John, Tommy Schneller est résolument l’un des artistes allemands les plus talentueux de sa génération. A la tête d’un groupe d’envergure internationale, il insuffle un groove irrésistible à une musique dont la puissance n’a d’égal que sa capacité à se faire lever des salles entières. S’il n’est pas reconnu à sa juste mesure dans nos contrées, l’artiste parvient malgré tout à se produire régulièrement en France. C’est d’ailleurs dans le cadre du Munster Jazz Festival qu’il a répondu à mes questions, avant de conforter sa réputation face à un public ébahit. Ce dernier a, d’ailleurs, plébiscité le légendaire artiste germanique jusqu’au bout de la nuit. Une reconnaissance plus que méritée pour celui qui, depuis 3 décennies, met en valeur les musiques afro-américaines outre-Rhin.

Tommy, en préambule à cet entretien, peux-tu revenir sur tes origines exactes ?
Je suis originaire d’Osnabrück, en Allemagne. J’y suis né et j’y suis resté même s’il m’est arrivé d’habiter à des endroits différents. Ainsi, j’ai vécu à Francfort ainsi qu’en Espagne pendant une petite période de ma vie. Au bout de 8 ans je me suis, en effet, réinstallé dans ma ville d’origine qu’est Osnabrück.66

Quel a été l’éducation musicale que tu as suivie et de quelle manière s’est déroulée ton enfance en Allemagne ?
Je viens d’une famille très conservatrice. On entendait de la musique classique dans toute la maison et j’imagine que je devais être considéré comme un rebelle. En effet, j’avais un frère et une sœur qui jouaient, tous les deux, du violon. Mes parents avaient, d’ailleurs, fait en sorte que je prenne des cours afin d’apprendre cet instrument. Au bout de 6 semaines d’apprentissage, la personne qui tentait tant bien que mal de m’en inculquer les rudiments a baissé les bras. Elle a dit que j’étais, davantage, fait pour jouer des cuivres. Je me suis donc lancé dans cette brèche en débutant par la clarinette.

Puis, il y a eu le saxophone…Qu’est-ce qui t’a le plus touché dans cet instrument ?
Pour moi, le saxophone est comme une voix humaine à part entière. On peut s’aider de n’importe quel instrument pour parler mais je trouve que c’est, surtout, avec un saxophone que cela est le plus évident. Avec ce dernier, on peut transcrire ses humeurs et différentes atmosphères. Tu peux dire beaucoup de choses avec cet instrument…

Quelles ont été tes premières influences musicales ?
J’ai découvert quelques albums de jazz qui figuraient parmi la collection de disques de mon père. Des choses telles que Louis Armstrong, Lionel Hampton… Au beau milieu de nombreux 33 tours de musique classique, il n’y avait que quelques enregistrements de ces gens là. C’est, pourtant, eux qui m’attiraient le plus. Alors que je devais être âgé de 7 ou 8 ans, l’un de mes amis m’a donné une cassette audio de Bill Haley & His Comets. Puis, un peu plus tard, j’ai pu mettre la main sur un « Greatest Hits » d’Elvis Presley. Cela m’a confronté, pour la première fois, avec des sons proches du rhythm and blues. Ma vie en a été définitivement bouleversée !

En plus d’être un grand musicien, tu as été tourneur pendant quelques années. Tu as, par exemple, managé Ray Brown ou Clark Terry. Quels sont tes souvenirs les plus importants liés à cette période ?
Lorsque j’occupais le poste de tour manager pour des artistes tels que Clark Terry, Red Holloway, Ray Brown et tous ces gens, je n’avais aucune idée de qui je m’occupais vraiment. Je faisais, simplement, attention à ces musiciens sans me rendre compte qu’il pouvait m’arriver de traiter avec de vraies stars. En effet, je n’avais pas conscience de la portée de leurs notoriétés respectives. Je restais moi-même et je faisais au mieux pour que ces personnes âgées soient le mieux traitées possible et qu’elles soient satisfaites du travail que je produisais pour elles. Je me souviens d’elles comme étant des gens très amicaux et très généreux. Ils ne possédaient absolument aucune part d’égocentrisme. Bien sûr, je m’intéressais beaucoup à leurs qualités artistiques et je me rendais compte que ces êtres humains n’étaient en rien arrogants. Ils possédaient un cœur gros comme ça, étaient très humains et amusants…

Est-ce que d’illustres chanteurs-saxophonistes américains, comme Big Jay McNeely ou A.C Reed, ont été des sources d’inspiration pour toi ?
Oui, ils l’ont été ! J’ai eu l’occasion de travailler avec Big Jay McNeely. L’un de mes amis a été à la tête d’un label (à savoir Out Of Space Records) et avait, à ce titre, eu l’occasion de sortir un disque avec Big Jay McNeely. J’y avais participé en tant que producteur et musicien. L’album, paru en 1999, s’appelait « Deacon’s Hop Since 1949 ». Pour moi cet artiste est celui qui a popularisé le saxophone dans le blues. Il l’a colporté un peu partout avec son style hurlant. Ce type est l’un de ceux qui ont posé les règles du rock’n’roll. Bien sûr, il a une place confortable au sein de ceux qui ont forgé mon style. A.C. Reed, quant à lui, était une figure tutélaire du saxophone et a conduit cet instrument au sommet, dans un registre blues pur et dur. Il dégageait une émotion non feinte et j’ai également été influencé par lui. Ceci dit, pour être le plus honnête possible, j’en suis arrivé au saxophone car j’avais entendu et fait de la clarinette alors que j’étais enfant. En effet, à mon adolescence, je n’écoutais que des guitaristes. J’étais très fan de hard rock et de heavy metal. Je me passionnais pour le rock à cette période de ma vie. J’ai, également, toujours écouté des artistes tels que B.B. King, Albert Collins, Albert King, Stevie Ray Vaughan, T.Bone Walker et tous ces grands bluesmen. Puis, j’ai découvert des gens comme Louis Jordan qui était un saxophoniste. De ce fait, tout ce que je joue est un mélange entre tous ces sons que j’ai pu écouter et assimiler depuis que je suis enfant.

En France, en tant que bluesmen allemands, nous connaissons principalement Henrik Freischlader et Timo Gross. Comment se développe la scène, propre à cet idiome, dans ton pays ?
Cette scène a changé au fil des ans. Ce que des gens appellent aujourd’hui le blues est, en fait, un son proche de ce que faisaient les groupes de rock au début des années 1970. Il devient difficile de trouver des personnes qui produisent un son proche de celui que jouait B.B. King. Les artistes que tu citais, Henrik Freischlader et Timo Gross, sont très humbles et connaissent parfaitement les racines de leur musique. Cependant, dans l’ensemble, la nouvelle génération a plutôt une approche très rock du blues. Henrik Freischlader est un vrai génie musical. Il a beaucoup d’influences différentes et connait aussi bien le jazz que le rock. On peut trouver de tout dans l’art de ce gars qui est une véritable éponge et qui parvient à créer quelque chose de nouveau à partir de toutes ses propres influences. Il est également, bien sûr, très connaisseur en classic blues. Pour nous tous, en Allemagne, c’est une très grande chance de pouvoir compter parmi nous une telle personnalité. Le blues rock est très populaire en Allemagne et un artiste comme Joe Bonamassa y est très populaire. Ces 10 dernières années, il s’est produit dans tous les grands festivals allemands et dans des salles immenses à travers tout le pays. Il n’est plus possible d’assister à l’un de ses concerts dans un endroit qui ne peut pas contenir, au moins, 5000 spectateurs.

Peux-tu me parler des musiciens qui t’accompagnent. Comment et pourquoi as-tu créé le Tommy Schneller Band ?
J’ai commencé à donner des concerts en 1988-1989 alors que j’étais âgé de 19 ou 20 ans. Puis, j’ai enregistré mon premier CD sous mon propre nom en 1997. C’est à ce moment-là que je considère que le Tommy Schneller Band est vraiment né. Ce groupe a évolué au fil des années et s’est renouvelé à plusieurs reprises. De cette manière j’ai pu explorer de nouvelles voies, en étant au contact de musiciens différents. C’est vers 2011 ou 2012, au moment de la sortie de l’album « Smiling For A Reason » (paru sur le label Cable Car Records) que le line up de ma formation s’est établie à 7 membres. C’est donc dans cette configuration que nous avons poursuivi notre route durant, environ, 5 ans. Puis l’année dernière le batteur, le bassiste, le claviériste et le guitariste de ce groupe ont changé. Il faut dire que nous habitions à 4 heures de route les uns des autres, ce qui ne facilite pas les choses. Avec ma formation actuelle, nos lieux d’habitation sont beaucoup plus rapprochés. Je bénéficie donc de l’appui de jeunes musiciens qui apportent un souffle nouveau à mon son. C’est une véritable joie de travailler à leurs côtés. Il y a Steffen Schöps à la guitare, Adman à la basse, Fabian Koke à la batterie, Krill Vorwald aux claviers. Au trombone, nous retrouvons Dieter Kuhlmann avec lequel je joue depuis environ 25 ans alors que la trompette est tenue par Gary Winters qui est avec moi depuis 2011. Ce dernier est, à mon sens, une véritable icône musicale. C’est un type formidable qui a joué avec Fred Wesley et d’autres prestigieux musiciens. Je fier de lui avoir fait intégrer le Tommy Schneller Band. C’est formidable de pouvoir travailler avec de tels gens. Ils sont tellement bons…

De quelle manière ton répertoire est-il constitué ?
Presque tout notre répertoire est basé sur des compositions personnelles. Nous travaillons comme un groupe de blues mené par un guitariste, agrémenté par une solide section de cuivres. C’est cette dernière qui nous offre notre personnalité. Au sein de nos influences, tu peux trouver du blues ainsi que du rock, de la musique funk, de la soul. C’est un mélange de tout cela… Je ne me considère pas comme étant un puriste. A une époque, la scène blues était uniquement constituée de gens qui écoutaient et qui s’inspiraient de ce qui se faisait avant les années 1960. Aujourd’hui, cette situation a changé. Je m’inspire de tout ce que je considère comme étant de la bonne musique. Cela passe par le dixieland, le swing, le rock etc. La musique est une chose qui est en perpétuelle évolution et je m’attache à cette chose. Comme je te le disais, je ne suis pas un puriste et je m’intéresse à tout…pas forcément qu’à la musique ancienne.

Peux-tu me parler, en détails, de ton dernier album studio en date « Backbeat » (paru en 2016 sur le label Timezone) ?
« Backbeat » est, en effet, sorti au début de l’année 2016. J’en ai écrit les chansons avec Jens Filser qui était alors notre guitariste depuis quelques années. C’est un type formidable et un excellent instrumentiste ! Le disque est paru sur le label Timezone qui est basé dans ma propre ville, à Osnabrück. Le fait de travailler avec son fondateur, Gerald Oppermann, est une chose très agréable. Il reste très attentif à ce que nous voulons faire. Nous avons reçu un prix pour ce disque, celui des critiques allemands de disques. J’en suis très fier et je considère cela comme un grand compliment formulé à notre égard.

Quels sont tes projets les plus immédiats ?
Nous travaillons sur un nouveau projet. Une musique plus sage et, pour la première fois, nous allons écrire des textes en allemand. C’est une grande aventure et je suis très curieux d’en découvrir le résultat. Ceci parce que la langue allemande est vraiment très différente de la langue anglaise. En anglais, tu peux évoquer une recette de crêpes et tu trouveras que le résultat sonne super bien. Ce n’est vraiment pas le cas en allemand… Ce travail d’écriture est donc très compliqué car il faut savoir trouver les bons mots et faire en sorte qu’ils collent parfaitement à la musique que nous produisons. Il ne s’agit pas de partir sur des thèmes maintes fois ressassés ou évoquer ton chien qui vient de te quitter. Nous vivons dans une période difficile, il suffit de voir tout ce qu’il se passe à travers le monde et de se tenir informé des actualités. Il y a beaucoup de faits à relater. Je tiens à transmettre un véritable message, qui puisse être compris par les gens qui nous écouterons.

Tu es très connu en Allemagne mais, malheureusement, beaucoup moins dans les pays qui ne sont pas de culture germanique. Tu es, aujourd’hui, de retour en France. Que cela représente-t-il pour toi ?
Je suis très heureux d’être de retour en France. J’ai travaillé, en 2014, avec quelques personnes de Nantes dans le cadre d’un projet avec le chanteur américain Karl W. Davis qui s’y est installé. J’avais, alors, intégré son groupe The Sweetpeas. J’aimerais vraiment revenir plus régulièrement afin de jouer de la bonne musique pour les français, comme je le ferai ce soir !

Remerciements : Jean-Pierre Vignola

www.tommyschneller.de
https://fr-fr.facebook.com/tommy.schneller

 

 
Interviews:
Les photos
Les vidéos
Les reportages
 

tommyschneller.de
facebook.com/tommy.schneller

Interview réalisée au
Jazz Festival - Munster
le 11 mai 2018

Propos recueillis par

David BAERST

En exclusivité !


 

Le
Blog
de
David
BAERST
radio RDL