Tony Marlow
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Tony, tu es réputé comme étant l'un des meilleurs guitaristes de la scène Rock'n'roll française, pourtant tu as commencé par la batterie; peux-tu revenir sur ton apprentissage de la musique ?
Effectivement j'ai démarré tôt dans la musique, vers l'âge de 13-14 ans, comme batteur. J'ai pratiqué cet instrument, de façon intensive, pendant une douzaine d'années. Au bout d'un certain temps de pratique, je suis même devenu chanteur-batteur.

Le fait de me mettre à la guitare a été une évolution logique, j'ai commencé à pratiquer cet instrument au milieu des années 80. C'est à la fin de cette décennie, en 1989, que la guitare a, pour moi, pris le dessus sur la batterie.

Ton entourage familial était-il déjà constitué de musiciens ?
Non hélas, il n'y avait aucun musicien comme c'est le cas dans beaucoup de familles françaises. La musique n'est pas aussi répandue dans notre pays que dans d'autres civilisations comme l'Amérique.

Aux USA, par exemple, il y a toujours un père, un oncle ou une mère qui joue du violon, du piano ou de la guitare. Ceci dit, ma mère avait un peu pratiqué le violon mais c'était avant ma naissance donc cela n'a eu aucune incidence sur ma vocation.

Peux-tu me parler de tes premières expériences au sein de groupes ?
J'ai fait, comme tout le monde, mes " classes " avec des groupes de Lycée aux existences éphémères. Ensuite j'ai intégré plusieurs orchestres de bal, ce qui m'a finalement appris le métier.

A l'époque il fallait savoir jouer de tous les styles de musique, du Rock à la variété en passant par le musette, la musique latine etc…
C'était donc un apprentissage assez complet pour le batteur que j'étais. Ceci m'a mené jusqu'en 1977, année durant laquelle j'ai fondé les Rockin' Rebels qui ont été mon premier vrai groupe.

Justement, peux-tu revenir sur ta découverte du Rock'n'roll ? Est-ce venu tôt, qu'écoutais-tu quand tu étais jeune ?
Oui c'est venu assez tôt car je baignais déjà dans la musique que l'on entendait à la radio dans les années 60 comme les Beatles, les Rolling Stones, Johnny Hallyday etc…
Puis la révélation a été pour moi le comeback d'Elvis Presley en 1968. Ceci a été confirmé par la sortie de l'album de 1969 " Live in Las Vegas " qui a été pour moi la " déflagration ", je l'ai pris en pleine poire…

J'adorais sa voix et ses musiciens comme James Burton, Ronnie Tutt, Jerry Scheff etc…
Ils jouaient le Rock'n'roll avec une patate extraordinaire et le moindre détail de chaque morceau de ce 33 tours reste encore gravé dans ma mémoire. C'est cet album et ce son là qui m'ont accroché quand j'avais 14 ou 15 ans.

Tu l'évoquais brièvement tout à l'heure mais pourrais-tu revenir plus précisément sur ton parcours au sein des Rockin' Rebels, un groupe qui a marqué son époque ?
Le fait d'avoir découvert Elvis m'a mené à écouter tous les pionniers comme Gene Vincent, Eddie Cochran, Chuck Berry etc…
Quand je suis " monté " à Paris j'ai fréquenté les endroits où on diffusait du Rock'n'roll comme le Golf Drouot, l'Open Market de Marc Zermatti, le Fan Club d'Elvis de l'époque etc…
C'est justement lors d'une soirée dans ce dernier endroit, alors que j'accompagnais le chanteur Victor Leed, qu'a débarqué un jeune rockeur qui s'appelait Eric Rice dit " Tintin ". Il a demandé à faire le bœuf, je n'avais jamais entendu quelque chose comme ça, c'était superbe !
Il avait la voix, le look, l'attitude et tout le reste !
Je lui ai demandé s'il était ok pour monter un groupe, il a dit oui et c'est parti comme ça…
Après sont venus mes potes Jean-Marc Tomi (guitare) et Jean-Paul Joannes (basse), ensemble nous avons fondé les Rockin' Rebels qui ont démarré quelques mois plus tard.

Quelles ont été vos expériences scéniques et rencontres les plus marquantes ?
Le groupe a duré 6 ans émaillés de centaines de concerts, trois albums, sept 45 tours…

Parmi les nombreux concerts il y a eu la première partie des Stray Cats en 1981 pour une tournée d'une dizaine de dates dans toute la France dont deux à l'Olympia. Il y a eu aussi deux Festivals Rockabilly, également à l'Olympia. Toujours à l'Olympia la première partie de Mink Deville.

Il y a eu aussi tout un tas de concerts un peu partout où nous avons pu accompagner des pionniers des années 50 comme Mac Curtis, Jackie Lee Cochran etc…

Nda : Plus récemment Tony a eu l'occasion d'accompagner le groupe TCB constitué par les anciens musiciens d'Elvis Presley (James Burton, Ronnie Tutt etc…)

Quels étaient vos rapports avec ces " ancêtres " du Rock'n'roll ? Etaient-ils enthousiastes d'être accompagnés par un tel groupe de jeunes, vous donnaient-ils des conseils précis ?
Ils étaient très cool d'autant plus qu'ils bénéficiaient de cette vague " Rockabilly Revival " car pour la plupart ils n'avaient plus d'engagements aux USA.

Ils étaient tellement surpris de pouvoir se produire en Europe et d'y être considérés comme des stars qu'ils n'étaient absolument pas difficiles. Il faut dire, qu'en plus, de notre côté nous faisions bien les choses en répétant au maximum leur répertoire.

C'était très sympa et ça se passait vraiment bien !

Quels ont été tes différents groupes par la suite ?
Je vais passer sur les formations éphémères (Tony a aussi continué d'accompagner de grands noms du Rock'n'roll tels que Freddie " Fingers " Lee, Sonny Fisher ou encore Vince Taylor à la batterie, Nda)…

Le premier groupe important a été Tony Marlow's Blue Five qui faisait du Jump, du Rythm and Blues 40's & 50's ainsi que du Swing. Nous reprenions du Louis Jordan, du Louis Prima, Sticks Mc Ghee etc…

Ce groupe a duré trois ans et a vraiment " cartonné ". Nous avons fait énormément de concerts dans toute l'Europe. Nous étions composés de deux saxophones, d'une contrebasse, d'une batterie et d'une guitare.

Puis il y a eu, bien sûr, Betty and the Bops (voir l'interview du groupe ICI) qui est né en 1991 et qui s'est arrêté, malheureusement, il y a quelques mois… De tous mes groupes, c'est celui qui a eu la plus longue existence.

Enfin il y a eu un autre groupe de Swing, Bandit Manchot, qui a été la continuité des Blue Five. Ce groupe se produit encore, à la demande (rires).

Il y a une rencontre marquante dans ton cursus, celle avec Marc Zermatti. Quelles en ont été les circonstances ?
C'est très simple il avait, à l'époque, cette fameuse boutique l'Open Market qui était la première boutique vraiment branchée sur Paris. On pouvait y trouver tous les disques de Rock et Rockabilly qui étaient introuvables ailleurs. Entre les ré-éditions et les pirates c'était une vraie caverne d'Ali Baba !

En plus c'était devenu un vrai lieu de rencontres pour tous les fans de cette musique. Je l'ai donc connu parce que j'étais son client (rires) !
Il venait de fonder le label Skydog et commençait à produire de nombreux groupes, c'était les grands débuts de la vague Punk.

Un jour je lui ai dit que je fondais un groupe de Rockabilly. Il m'a répondu que c'était super et, qu'une fois prêts, nous pourrions venir le démarcher. Du coup, en 1977, nous avons fait une maquette de 5-6 titres que nous lui avons soumise. Il a écouté et aimé.

Ainsi nous nous sommes retrouvés en studio pour l'enregistrement de notre premier 45 tours.
C'est donc à lui que je dois le premier disque que j'ai enregistré de toute ma vie…
Je suis très heureux d'avoir fait mon nouvel album, mon premier vrai disque en solo, avec lui…

Justement peux-tu me parler, plus en détails, de ce nouvel opus ?
Il se nomme " Kustom Rock'n'roll " (Skydog Records) et le nom de la formation est " Tony Marlow's Guitar Party ". J'avais ce projet depuis une dizaine d'années. Celui-ci consiste à réunir les différentes idées musicales que j'ai pu avoir durant ma carrière.

J'y joue la batterie, la guitare, la basse et j'y chante. C'est un album sur lequel je fais tout d'où le nom " Kustom Rock'n'roll ". Quand tu customises musicalement, cela veut dire que tu fais tout toi-même.
Il y a juste quelques parties de contrebasse qui sont faites par mon pote Franck Abed - qui joue aussi au sein du groupe Bandit Manchot.

Sur 16 titres il n'y a que 3 reprises, toutes les autres musiques sont des compositions personnelles.
L'idée est de rendre hommage à tous les grands guitaristes de l'histoire du Rock'n'roll ainsi qu'à tous les grands batteurs.

Chaque titre évoque soit Eddie Cochran, soit Scotty Moore, soit James Burton, soit Chuck Berry etc…

Comment s'est passé le travail en studio puisque tu joues de tous les instruments sur ce disque ?
J'ai commencé par la batterie et, comme j'étais tout seul, je devais tout me chanter dans la tête. La difficulté était de se rappeler de tout, sans être coincé pour autant par cela, sans oublier de mettre du feeling et de la vie dans le jeu.

Je crois m'en être bien sorti, c'est là que toutes mes années passées à faire du bal m'ont servi.

Une fois que la batterie était en place, c'était beaucoup plus facile de faire le reste. J'ai donc enregistré les guitares rythmiques afin de donner une couleur harmonique aux chansons. Ensuite j'ai placé les basses puis les solos de guitare et enfin les voix en dernier.

Comment vas-tu traduire cela sur scène puisqu'il te sera impossible d'y jouer tous les instruments, as-tu fondé un nouveau groupe ?
Tout à fait, d'ailleurs je tourne actuellement en trio avec un batteur et un bassiste.

Sur la scène Rockabilly française actuelle, quels sont les groupes avec qui tu as le plus d'affinités ?
Je suis pote avec pratiquement tout le monde puisque c'est un milieu où l'on se connaît depuis de nombreuses années.
Il y a des groupes que je connais mieux que d'autres car nous avons déjà joué ensemble ou parce que je les programmais quand je m'occupais du Slow Club.

Toi qui as connu la fin des " belles heures " du Rock'n'roll en France, avant la fermeture du Golf Drouot, ressens-tu une grande différence avec ce qui se passe maintenant et regrettes-tu ces scènes ?
Paradoxalement, quand il y avait un grand public pour le Rockabilly en France il n'y avait qu'une petite dizaine de groupes comme les Rockin' Rebels, les Alligators, les Teen Kats, Jezebel Rock etc…

Maintenant c'est l'inverse, il y a malheureusement moins de gens aux concerts. Le public a vieilli et ne s'est pas tellement renouvelé…

Par contre il y a plus de groupes qu'avant et ils sont de meilleur qualité. Ceci est dû au fait que le public Rock'n'roll est un public de musiciens donc exigeant.
De plus, il est très facile de trouver, aujourd'hui, des documents afin d'en savoir le plus possible sur le sujet. C'est plus facile d'aller aux sources, donc les musiciens ne tâtonnent plus mais vont directement à l'essentiel…


Aurais-tu des solutions à apporter pour que ce public se renouvelle et s'élargisse ?
Ce qui m'a frappé en allant jouer dans d'autres pays d'Europe comme l'Italie, l'Espagne ou l'Angleterre, c'est qu'il y a un public beaucoup plus jeune.

Certainement parce que là-bas les grands médias s'y intéressent plus. Comment veux-tu qu'un jeune aime cette musique s'il n'y est pas exposé ? Tu vois…

Il serait temps que les grands médias jouent le jeu en nous offrant, par exemple, une grande émission TV sur le Rock'n'roll. C'est de cette façon que, nous aussi, nous avions découvert cette musique dans le passé…
Les français trouvent peut-être cela vieux, ringard ou réactionnaire car qui dit américain dit Bush donc…

Quels sont tes projets à moyen terme ?
C'est de tourner un maximum pour promouvoir mon nouvel album. Je vis par la scène, c'est ce qui m'éclate depuis que je suis gamin. J'en ferai, comme les bluesmen et les jazzmen, tant que je serai en état physique de le faire.

L'idée est de décrocher, grâce à ce disque, des programmations dans des Festivals dans toute l'Europe et pourquoi pas un jour, aux Etats-Unis…

Justement as-tu déjà eu l'occasion d'y mettre les pieds et de faire des jams avec des musiciens locaux ?
J'ai eu l'occasion d'y aller en 2004 afin de passer une semaine à Memphis. J'y ai réalisé le " pèlerinage " : Graceland, Studio SUN, Tupelo etc…

J'ai vu de nombreux groupes se produire mais je n'y ai pas joué. Une semaine ça passe vite et il y a tellement de choses à y faire…
Cela reste un grand souvenir, c'était comme je l'imaginais même si de bien entendu il n'y avait pas des Cadillac à tous les coins de rues (rires) !

La mentalité y était très bonne, le contact humain était chaleureux et les endroits y sont bien préservés. C'était un rêve…

Veux-tu ajouter une conclusion ?
Merci à toi d'avoir pris l'initiative de réaliser cet entretien. Ce qui m'a fait plaisir, ce sont tes réactions par rapport aux nouveaux titres.

Quand tu t'impliques si directement et personnellement dans un tel projet, tu te sens plus vulnérable. Donc des réactions comme les tiennes me touchent. Longue vie à ton émission de radio !

 

 
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Interview réalisée à

Paris " Chez Isa " - le 17 Février 2007

Propos recueillis par David BAERST

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