Toronzo Cannon
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Toronzo, pour commencer, peux-tu te présenter aux amateurs français de blues ?
Je m’appelle Torronzo Cannon et je viens du South Side de Chicago. Je suis né en 1968, le 14 février.
Je peux même te dire que c’était un mardi (rires) !

Voilà qui est précis ! Natif de Chicago, ton immersion dans le monde du blues a dû se faire de manière très rapide et naturelle je suppose…
En fait, en ce qui me concerne, ce n’est pas tout à fait exact…
Je serais, plutôt, entré par « la porte de derrière ».cannon
En effet, quand j’était enfant, ma passion était le basket-ball, un sport que je pratiquais alors. Au bout d’un moment j’ai arrêté afin de me consacrer davantage à l’apprentissage de la guitare.
Dans un premier temps, la musique que j’appréciais le plus était le reggae. Cependant à chaque fois que je me rendais à une jam session, afin d’y participer, je me retrouvais entouré de bluesmen, en plein cœur de cette musique. Un de mes oncles jouait aussi et était un habitué du célèbre Club « Theresa’s Lounge ».  Quand j’étais enfant il m’y emmenait parfois… A ce moment là c’était avant tout, pour le gamin que j’étais, un lieu qui me servait de prétexte afin de pouvoir aller manger de la glace chez un vendeur avoisinant. Au bout de quelques temps, après m’être davantage intéressé à la musique, je me suis rendu compte que c’était le type d’endroit qui avait vu passé entre ses murs des légendes telles que Muddy Waters, Junior Wells, Buddy Guy, Earl Hooker et tant d’autres…
A partir de ce moment là j’ai souhaité m’imprégner totalement de la culture des miens et m’impliquer dans leur histoire. Je suis entré, de plein pied, dans le monde du blues afin de perpétuer une certaine tradition familiale. En effet, mon oncle était batteur et a même eu l’occasion d’accompagner Buddy Guy.

Il y a donc de nombreux musiciens dans ta famille…
Le seul vrai musicien, en dehors de moi, est mon oncle. En tant que batteur, il peut se targuer de connaître les scènes de la ville aussi bien que le fond de ses poches.

 

Quelles sont tes premières rencontres musicales marquantes ?
Quand j’ai commencé à jouer il s’agit, sans aucune forme de contestation possible, de Buddy Guy !
Je l’ai rencontré dans son Club où j’ai participé à de nombreuses jam sessions.  La première fois, il m’a même rejoint et a joué en compagnie de moi et de mon groupe pendant une bonne vingtaine de minutes.
J’étais tellement impressionné que j’ai dû casser 4 cordes de ma guitare (rires). Il faut dire que j’étais très jeune…
Quand il a quitté la scène, je suis allé le voir peu après. Je lui ai demandé comment il allait et lui ai dit tout le bien que je pensais de son Club ainsi que le respect que je lui vouais…cannon
C’était ma première rencontre avec un grand musicien professionnel, mais quelle rencontre !

Tu me dis que tu étais jeune mais, approximativement, quel âge avais-tu alors ?
Je n’étais plus un gamin, j’avais 23 ans. C’est donc en tant que jeune adulte que j’ai réellement commencé à me produire.

Lors de tes débuts, dans les Clubs de Chicago, te produisais-tu sous ton propre nom ou au sein d’un groupe ?
C’était sous mon propre nom, Toronzo Cannon. Quand j’étais enfant on me surnommait souvent « Cannonball » (boulet de canon, nda)… Une association qui m’allait bien puisque très en phase avec le blues. D’ailleurs l’une de mes idoles, Freddie King, était surnommé « Texas Cannonball ». Il y avait aussi  le célèbre saxophoniste de jazz Julian Edwin « Cannonball » Adderley.
De nombreuses chansons font aussi référence à ce terme. Ainsi « Cannonball Express » qui évoque un fameux train…

Tu as accompagné des artistes tels que Joanna Connor ou Wayne Baker Brooks. Quels enseignements en as-tu tiré ?
Auparavant j’ai joué avec un gars nommé Tommy McCracken qui m’a permis de faire mon premier concert en tant que « sideman ». C’était dans le cadre d’un Festival et, avant cette expérience, je n’avais jamais joué pour un public nombreux. Puis j’ai joué deux ans avec Wayne Baker Brooks qui est le fils du génial Lonnie Brooks. Je n’avais pas mon propre groupe à cette période. C’était un travail très rigoureux qui m’a permis de voir ce qu’est vraiment la vie de bluesman en la vivant, enfin, pleinement de l’intérieur. Les concerts se succédant à un rythme d’enfer, nous avions souvent beaucoup de route à faire entre deux spectacles et il fallait veiller à respecter les impératifs horaires !
Puis, pendant trois ans, j’ai accompagné Joanna Connor. Elle mettait le feu à sa guitare !
C’est riche de ces expériences que j’ai souhaité fonder mon propre groupe et proposer ma propre musique au public. Je n’oublie pas et ne renie pas mes collaborations passées…


Elles m’ont aidé afin de forger mon propre style. Grâce à elles j’ai pu gagner de l’argent tout en apprenant mon métier. Cela correspondait justement à ce que je souhaitais. En effet, mon objectif premier était d’apprendre. Je dois avouer que l’aspect financier venait bien après. Je considère que l’on mérite de gagner de l’argent avec son art que lorsqu’on le maîtrise parfaitement. J’ai été éduqué de la sorte, ce que tu apprends un jour peut t’être utile le lendemain…cannon

Le reggae est la première musique qui t’a touché. Aujourd’hui, quelle en est la part dans tes compositions ?
Parfois, lors de mes concerts, j’aime faire un clin d’œil à cette musique…
A un moment j’ai intégré un groupe de reggae nommé Roots Stems & Branches. Nous jouions de la soca, du reggae et des choses comme cela…
J’aime toujours cette musique mais il faut avouer que si tu n’es pas originaire des Caraïbes, il n’est pas toujours facile de trouver des contrats… en particulier à Chicago. Je suis un bluesman afro-américain et je sais exactement, aujourd’hui, dans quelle direction je dois aller. J’ai donc coupé mes dreadlocks et me suis mis à porter un chapeau (rires). Je suis revenu à ma vraie culture, le blues..

Aujourd’hui, te considères-tu comme un bluesman pur et dur ?
Je ne suis pas un bluesman au sens strict du terme, comme ceux qui se produisaient dans les années 1940 à 60. D’autant plus qu’il n’est pas toujours facile de vivre en ne jouant que cette musique.
Pour ne rien te cacher, je suis toujours conducteur de bus 10 heures par jour. C’est aussi, un peu, à travers cette profession et les difficultés du quotidien que je puise mon propre blues. Je ne suis pas un artiste qui a façonné un son spécifique comme l’ont fait, dans le passé, des artistes tels que Muddy Waters, Howlin’ Wolf ou Chuck Berry. Ma musique est, aussi, emprunte de sonorités plus modernes…

 

Est-ce ta première tournée européenne ?
Non j’ai déjà donné des concerts, dans des pays de l’est, à trois reprises. Par contre c’est la première fois que je viens en France. Je tiens à remercier Gaspard Ossikian (chanteur et guitariste dit « Gas », nda) pour cela, ainsi qu’une jeune femme qui se prénomme Lisa. Cette dernière m’a découvert sur Internet et en a parlé à ce dernier qui m’a contacté via Facebook.  Je joue du blues, à Chicago, 3 ou 4 nuits par semaine et je me retrouve ici aujourd’hui. Je ne remercierai jamais assez Gaspard de m’avoir offert cette opportunité. C’est une chose formidable…

Te voici accompagné par Gas et son groupe. Est-ce une surprise pour toi de constater le talent et la « culture blues » de ces musiciens ?
Oui, d’autant plus que je n’avais jamais vraiment quitté le circuit de Chicago.
Je savais que cette musique est très réputée à travers le monde puisque dans mon précédent groupe j’étais accompagné par deux musiciens japonais. Rencontrer Gaspard, Michel et Patrice est une chose formidable. Ils ressentent la même chose que moi, il ont « faim» de la même manière que moi. Notre but commun est de jouer cette musique du mieux possible et de la transmettre à un maximum de gens. Nous parlons le même langage, le blues…
3-4 et nous partons sur un shuffle endiablé, c’est un langage universel !cannon

Quels sont les différences entre le fait d’être accompagné par un groupe américain ou par un groupe européen ?
Le fait de ne pas se tromper de clé lorsque l’on commence un morceau « en D pas en B » (rires) !
Sinon il n’y a pas beaucoup de différences. A partir du moment où le feeling répond présent au rendez-vous, c’est l’essentiel !
Tout se passe très bien et je peux te dire, après ces quelques concerts, que le groupe de Gas est vraiment excellent !

Que représente, en ton for intérieur, le fait de te produire de ce côté ci de l’Atlantique ?
Waouh…
C’est inimaginable…
Le fait de constater qu’un public est là pour me voir et m’écouter est une chose très touchante.
Je ne suis qu’un gars du South Side qui joue du blues, de la musique…
Parfois je suis très sûr de moi mais parfois beaucoup moins car, à Chicago, il y a tant de grands musiciens…
Quand j’assiste à leurs concerts je suis toujours très impressionné. Je sais, de ce fait, que je dois toujours donner le meilleur de moi. Si je suis ici actuellement, c’est que mon travail a porté ses fruits mais je dois avouer que je pense aussi à mes homologues américains qui n’ont pas tous cette chance.
Je suis tellement heureux que cette tournée marche bien, chose attestée par le nombre de CD que je vends après chaque concert.

Peux-tu me parler de ton amitié avec Stan Skibby, qui est là ce soir et que tu as même invité sur scène ?
Déjà à Chicago, j’étais un fan de Stan !
Je l’ai connu alors qu’il y était membre, avec ses cousins, d’un groupe de reggae nommé Black Market.
J’avais été impressionné par sa manière d’interpréter « Hey Joe » en reggae. Nous sommes restés amis pendant une bonne vingtaine d’années et je suis vraiment heureux de le revoir. Il a été comme un professeur pour moi et je prends toujours autant de plaisir à le regarder jouer.

Combien de disques as-tu enregistré à ce jour ?
Deux disques qui sont des autoproductions. Il y a un mois, j’ai signé avec Delmark. Je vais enregistrer au début du mois de juin pour ce célèbre label. J’ai toujours un peu eu tendance à manquer de confiance en moi. Le fait d’en arriver là me « booste » à encore plus m’investir dans ma musique. J’ai aussi oublié cet aspect de ma personnalité grâce à la confiance accordée par Gaspard. Quand Delmark m’a contacté, ça a été la poursuite du rêve… Quand je pense à toutes les légendes du blues qui ont enregistré pour cette firme (Magic Sam, Kinsey Report, Jimmy Johnson, Syl Johnson, Junior Wells, Willie Kent, Otis Rush etc…). Je remercie toutes ces personnes qui me donnent une chance qui me permettent d’enregistrer un CD et de me produire en France, c’est tellement bon

Toutes ces évènements t’inspirent-ils d’autres espoirs pour l’avenir ?
Mon espoir principal est de pouvoir continuer à faire ma musique et de la faire grandir encore.
Je veux rester le plus « frais » possible et, pourquoi pas, quitter mon patron et vivre de mon art (rires) !
J’ai passé tant d’années à conduire ce bus…
Ma fille a 19 ans et elle joue du piano et j’aimerais qu’elle m’accompagne un jour.
Ce serait mon rêve principal, tout en continuant à progresser et d’avoir la possibilité de me faire connaitre dans un maximum de pays. J’aimerais, aussi, beaucoup revenir en France dans le futur…

Est-ce que tu souhaiterais ajouter une conclusion à cet entretien ?
J’aimerais encore remercier Gaspard, Patrice, Michel, Lisa et Ladell McLin (musicien new-yorkais proche de Toronzo, nda) ainsi que tous les français qui me soutiennent. Je suis très touché de savoir qu’autant de gens, ici, se demandent ce que peut bien faire Toronzo (rires) !
C’est vraiment cool…

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Interview réalisée
au Caf’ Conc’
àEnsisheim
le 10 mai 2011

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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