Dominique, peux tu me parler de la composition
et de l'historique du groupe ?
Dominique Wenta (chanteuse) : Tout est parti de ma rencontre avec
le guitariste, Yves Le Guévelou. Nous participions à un
spectacle ensemble, qui n'avait rien à voir avec le Blues. C'était
une comédie musicale sur les années 50.
Cependant, pendant les répétitions, nous jouions du blues
pour nous détendre. Il m'a donc dit : " Mais pourquoi ne
ferais tu pas un groupe ? ", je lui est répondu que je
n'avais pas rencontré les musiciens de ma vie. Ce à quoi
il a rétorqué : " Mais je suis là ! "
(Rires).
C'était vraiment une envie commune. Par la suite, il m'a présenté
à Alexandre Viudès (batterie) et Guillaume Pruvost (basse)
avec lesquels il jouait déjà. Comme de mon côté
j'étais déjà en contact avec un clavier - Vinko Bugarin
- tout s'est enchaîné à une vitesse incroyable.
Nous en avions envie et on l'avons concrétisée juste après
la tournée. Nous avons donc commencé les répétitions
dès les mois d'avril et mai 2005.
Tu as déjà une longue carrière
derrière toi, qui n'était pas forcément en rapport
avec le blues. Est-ce que cette musique est ancrée en toi depuis
très longtemps ou est-ce récent ? Comment s'est passée
ta rencontre avec cette musique ?
Dominique : Je l'avais en moi depuis très longtemps mais
je n'osais pas la chanter. Il est vrai que j'ai une carrière qui
m'a plus conduit dans la chanson française. Pendant longtemps,
j'ai tourné avec mes titres et mon groupe. Nous avons participé
au Printemps de Bourges etc
.
J'ai aussi intégré la troupe de STARMANIA au sein
de laquelle j'interprétais le rôle de Sadia. Ce rôle
me correspondait bien car il était le plus rock et le plus amusant
à faire.
Cependant, chez moi, j'ai toujours chanté des titres de Janis Joplin
et d'autres artistes de ce type.
Malheureusement, il est vrai que j'avais un complexe qu'Yves m'a aidé
à surmonter. J'estimais qu'il était difficile de chanter
du blues sans être black et américaine.
J'avais vraiment cela en moi mais je n'osais l'exprimer. C'est vraiment
la rencontre avec les membres du groupe qui a fait les choses. De toute
ma vie, je ne me suis jamais sentie aussi bien sur scène !
Dieu sait que c'est ma vie et que j'ai toujours aimé cela. Mais
là le blues, c'est une évidence pour moi
.
Tu parlais de Janis Joplin, d'ailleurs au niveau
de la voix le mimétisme est parfois frappant, mais quelles sont
tes autres sources d'inspiration ?
Dominique : Dans les femmes il n'y en a pas beaucoup. Je me sens
vraiment proche de Janis, surtout dans le côté " rage
" qu'elle dégageait. De surcroît, j'ai depuis toujours
un grain de voix ressemblant au sien.
Au départ, c'était un problème puisque je souffre
d'un défaut sur une corde vocale. Ce qui m'a fait beaucoup galérer
dans ma vie et m'a obligé à beaucoup travailler la technique.
Quand je faisais de la chanson française, j'essayais d'effacer
ce défaut.
En même temps, je l'utilisais lorsque je chantais chez moi. Je me
sentais, ainsi, proche de Janis car je pouvais me laisser aller avec ce
grain particulier comme elle le faisait si naturellement.
Sinon je suis très influencée par les mecs ; Stevie Ray
Vaughan, BB King dans sa manière à lui d'être plus
rond, Gary Moore que j'adore avec son côté parfois très
frime.
Mes influences sont donc très diverses mais il est vrai que vocalement
je suis très proche de Janis par la force des choses. Elle m'a
aidé à me désinhiber parce que je me suis dit qu'elle,
elle n'hésitait pas finalement.
N'est-ce pas une prise de risque pour toi de t'orienter
vers le blues alors que de plus en plus d'artistes prennent la direction
inverse et se dirigent vers le monde de la pop et de la variété
française?
Dominique : Je n'ai pas forcément fait une grande carrière
dans la variété. J'ai vécu le top avec STARMANIA,
à savoir un Zénith qui hurle quand vous montez sur scène.
Sans parler des tournées, des invitation à la Présidence
etc
.
J'ai vu toutes ces choses là ; la frime, les maisons de disques.
Finalement, ça ne m'intéresse pas plus que ça. Que
le blues soit une musique un peu marginale, moi ça me va bien.
Je suis terriblement bien dans cette musique. Qu'elle soit " underground
" et n'intéresse pas les grandes majors nous évitera
au moins d'être emmerdé par ces gens là !
Nous faisons notre musique tranquillement. Nous ne vendrons peut-être
pas des millions de disques, mais au moins nous serons sur scène;
car nous voulons jouer.
Je n'agis plus du tout en terme de carrière
.
Yves, de ton côté quelle a été
ta réaction en entendant Dominique pour la première fois
? As tu relevé chez elle, au départ, des " défauts
" issus de sa carrière de chanteuse de variété
?
Yves (guitariste) : Quand j'ai rencontré Dominique sur "
Si on chantait " nous ne faisions pas du tout le même style
de musique, donc il a fallut la " salir " un peu.
Durant ce spectacle elle m'est apparue comme une évidence, tant
elle sortait du lot par rapport aux autres chanteurs qui eux sonnaient
vraiment " variété " et étaient très
souple au niveau du vibrato.
Quand je l'ai vu arriver, je me suis dit " Elle, au moins, elle
est rock'n'roll ! ".
Elle est vraiment faite pour le blues-rock où au moins elle peut
s'exprimer à fond.
Cependant son passé dans la variété apporte à
son chant une certaine rigueur, lui évitant ainsi de faire n'importe
quoi pour sonner rock'n'roll. En plus, elle a le timbre blues et une grande
envie
.
C'est ce qui est bien avec Dominique. Elle a le timbre et en même
temps la rigueur nécessaire pour faire les choses bien, ce que
beaucoup de chanteurs de blues ne possèdent pas.
Aujourd'hui comment se constitue votre répertoire
?
Dominique : Pour l'instant nous avons fait une démo qui
nous permet d'approcher les tourneurs et les salles.
Concernant l'album, on avait envie de le faire à la maison sans
chercher une maison de disques. Mais là elles viennent toutes seules
à nous et on va prochainement nous présenter une personne
d'un label.
Heureusement ce n'est pas un label du type " Sony " mais une
petite structure avec des gens sympas.
J'avoue que je suis très échaudée sur les maisons
de disques et que je n'ai vraiment pas envie de travailler avec elles
à la base. Dans les petits labels c'est différent, il y
a vraiment des types bien.
Cependant, au départ, nous voulions le faire à la maison
car notre clavier Vinko a un superbe studio chez lui. Vendre notre disque
à la sortie des concerts nous va très bien, nous ne voulions
pas forcément plus que ça. Cela va changer un peu malgré
nous.
Yves : Il est vrai qu'après la maquette démo qui
nous permet de tourner nous avons eu de très bons retours. De ce
fait, nous allons être obligé de faire un album.
Tu chantes toujours en anglais sur scène
Dominique ?
Dominique : La bonne question
.
Jusqu'à là je n'ai chanté qu'en anglais sur scène,
me demandant si je pourrai le faire en français, toujours à
cause de ce complexe " Blues en français ".
Néanmoins je constate qu'on me le demande de plus en plus. Je suis
actuellement en contact avec des paroliers dont Michel Jonasz qui lui
est le chantre du " Si ! Mais ça marche en français,
tu verras ! " (Rires). Nous nous connaissons depuis longtemps
donc nous allons travailler là-dessus.
Cependant, je tiens toujours aux reprises que nous faisons depuis les
débuts. Je ne peux pas ne pas les graver, j'ai trop envie de chanter
" Maybe " etc
.
En plus, ce sont des chansons que je n'ai pas envie de traduire - en dehors
peut être de quelques unes. Sinon, nous avons commencé à
écrire et nous vous offrirons un mélange des deux à
l'arrivée.
Yves : De toute façon, le blues est une musique où
il y a beaucoup de morceaux qui sont repris. Pour quelqu'un qui ne s'y
connaît pas trop en blues, le dernier album de reprise d'Eric Clapton,
par exemple, pourrait passer pour un disque de compositions originales.
C'est une musique souple qui permet de faire de belles choses en termes
de reprise sans que ce soit flagrant et que cela dénote.
Que pensez vous, vous qui êtes un jeune
groupe, de la tendance de certains combos actuels de pratiquer un blues
plus " fusion " qui mélange les genres tels que le hip
hop ou les samples par exemple ?
Yves : Je pense que dans un premier temps, pour bien maîtriser
la chose, il faut faire simple et pratiquer un retour aux sources. Ceci
en essayant de travailler sur le son de base.
Une fois que nous maîtriserons bien cela pourquoi ne pas ajouter
par la suite des samples ou des choses comme cela
.
Aujourd'hui vous arrivez à trouver facilement
des engagements dans des clubs ?
Dominique : Il n'y a plus beaucoup de clubs vraiment orientés
vers le blues. Il y a le Club Drouot qui vient d'ouvrir et qui nous a
contacté.
Cela nous fait plaisir et nous y jouerons bientôt. Sinon nous avons
des contacts en province et nous sommes déjà programmés
pour de nombreux festivals à venir.
Je suppose que vous avez tous des engagements
autres que ceux du groupe, est-ce un handicap pour organiser vos concerts
et répétitions ?
Yves : Il est vrai que 3 membres de " Wenta's got the blues
" jouent dans d'autres formations. Il faut donc s'organiser pour
éviter que les dates de concerts se chevauchent.
Ceci dit, pour ceux qui ont une profession à côté,
cela ne pose pas de problèmes majeurs car nous avons des horaires
souples.
Finalement, quelle est l'image du groupe que vous
souhaitez véhiculer ?
Yves : Que le blues n'est pas destiné qu'aux vieux américains
et qu'il y a une relève derrière.
En dehors de l'album qui s'annonce déjà
que peut on vous souhaiter de meilleur ?
Dominique : Incontestablement de tourner !
Nous sommes vraiment un groupe de scène, c'est ce qui nous excite
le plus. Nous sommes contents pour l'album mais c'est presque anecdotique.
Ce qui compte, c'est d'aller à la rencontre du public. Avec le
blues, on arrive à des degrés de communication qui sont
magiques.
Nous ne sommes pas formés depuis longtemps, mais nous trouvons
déjà nos marques. Entre Yves et moi, sur scène, nous
avons des dialogues guitare-voix dont on a l'impression qu'ils ne s'arrêteront
jamais. C'est un vrai bonheur !
Puisque tu parles de communication, je crois qu'on
peut vous retrouver sur internet
.
Dominique : Oui l'adresse du site est le nom du groupe http://wentasgottheblues.com
Il y a, à ce jour, une petite vidéo, des extraits sonores,
nos dates de concerts etc
.
Avez vous quelque chose à ajouter ?
Dominique : Nous sommes heureux de vivre et de faire du blues.
Nous allons essayer de transmettre cela au maximum.
Yves : Et comme je le disais avant, faire en sorte que les gens
ne pensent pas que cette musique ne soit réservée qu'à
une minorité noire américaine " vieillote ". Nous
comptons pour cela sur l'appui des médias pour que les gens en
France s'ouvrent de plus en plus au blues.
Dominique : D'ailleurs nous le constatons autour de nous avec des
jeunes de 14-15 ans qui écoutent notre musique et qui se la passent
de MP3 en MP3. Pour eux, il n'y a pas de soucis. Ils prennent cette musique
telle quelle.
En plus, ils aiment beaucoup. Ils ne connaissaient pas le blues car c'est
une musique qu'on ne retrouve pas dans les médias. Cependant chez
eux ça passe tout seul, mais on ne va pas trop le dire sinon les
majors vont s'en rendre compte (rires) !
Il est vrai que nous ne faisons pas un blues terroir mais plus un blues
rock plus accessible. Nous l'avons appelé du Hard-Blues d'ailleurs
car on tire pas mal vers le rock.
On reprend du ZZ Top, on y va bien dans les deux sens. Il y a de la sensibilité
et de la retenue mais on aime bien aussi " envoyer le boulet
" comme dirait Yves (rires).
Remerciements: Un grand merci à
Marie-Françoise Rouil.
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