Wilko Johnson
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Nda : Passablement énervé durant son soundcheck, en raison des normes françaises imposant un limiteur de décibels dans les salles de l’hexagone (« ce soir nous devront faire un spectacle pour enfants et non un vrai concert de rock’n’roll », lancera-t-il avant de poser sa guitare et de rejoindre sa loge), Wilko Johnson s'est montré bien plus détendu durant l'entretien qui suit. Un moment partagé aux côtés de notre ami commun, le one-man band français Benjamin Téhoval, avec lequel le légendaire chanteur-guitariste anglais venait alors de réaliser une tournée au Japon. En raison de la maladie le frappant, j'ai longuement hésité avant de le solliciter dans le but d'enregistrer cette interview. Une crainte superflue, dans la mesure où il était alors en pleine forme et, plus que jamais, décidé à vivre ses derniers mois de la manière la plus naturelle qui soit pour lui... c'est-à-dire sur scène et en se comportant jusqu'au bout comme un artiste. Outre ses albums en solo et ceux enregistrés aux débuts de l'existence du groupe Dr Feelgood (1974-1977), je ne peux que vous conseiller de regarder le formidable documentaire (disponible en DVD) du réalisateur Julian Temple « Oil City Confidential (Dr Feelgood Story) », qui donne une idée exacte de l'importance de Wilko Johnson dans le paysage musical anglais... et international.

Wilko, en préambule à cet entretien, peux-tu me parler des musiciens qui constituent actuellement ton trio ?  Dans mon groupe, il y a bien sûr moi-même Wilko Johnson à la guitare et au chant.  A la basse , je suis accompagné par Norman Watt Roy qui est à la fois mon bassiste mais aussi l’un de mes amis les plus proches depuis de nombreuses années. Je ne pourrais même pas te dire exactement depuis combien de temps nous nous connaissons (Norman a commencé à accompagner ponctuellement Wilko à compter de 1980 lorsque ils étaient tous deux membres du groupe de Ian Dury, The Blockheads. Il est devenu son bassiste attitré en 1985, nda). Je peux simplement t’affirmer que cela remonte à très loin (rires) !  Enfin, le nouveau venu… le dernier arrivé mais pas le moindre est Dylan Howe, qui occupe le poste de batteur en lieu et place de Steve Monti (Dylan Howe est un musicien réputé qui tourne avec ses propres groupes, notamment un trio et un quintet de jazz qui portent son nom. Pour anecdote, il est le fils du guitariste du groupe de rock progressif Yes, Steve Howe, nda).wilko

Tu es, actuellement, de retour en France pour une tournée. Ce pays représente-t-il quelque chose de particulier pour toi ?
Oh… une cuisine intéressante… (rires) !  Sinon, je ne sais pas vraiment, il m’est difficile de te répondre…  C’est un pays que j’ai traversé à de nombreuses reprises, en fonction des pérégrinations de ma carrière. Cependant, cela fait un petit moment que je n’y ai pas réalisé de vraie tournée complète. On trouve une philosophie particulière ici. Puis, j’aime bien les françaises (rires) !

A nos côtés se trouve l’un de tes proches, qui est français. Il s’agit de Benjamin Téhoval… Peux-tu me parler de votre amitié ?
Oh, Benjamin  est aussi l’une des personnes que je connais depuis le plus longtemps… Cela fait maintenant 25 ans que je l’ai rencontré en Espagne. Alors que j’attendais backstage… J’ai entendu un groupe, qui partageait la scène avec moi ce soir-là,  faire ses balances pour un concert. Je me suis alors exclamé « Oh, ce groupe est vraiment formidable… il faut absolument que j’aille le voir de plus près ! ».  Quand je me suis approché, j’ai vu ce gars qui était seul et qui jouait de tous les instruments (rires) !Il jouait vraiment bien… Depuis nous sommes devenus de bons amis et avons fait beaucoup de musique ensemble.

Vous avez même eu l’occasion de faire un album ensemble…
Oui c’est vrai, un disque au son brut et sauvage (il s’agit de l’album « The Southend Sessions » de Benjamin Téhoval, enregistré chez Wilko en 1993, sur lequel sont également présents le pianiste John Denton et l’harmoniciste Lou Lewis, nda).

Comme tout le monde le sait, la culture du blues et du rock’n’roll a eu une grande influence sur toi durant ta prime adolescence en Angleterre. Peux-tu revenir sur les premiers musiciens qui ont vraiment eu un impact sur toi ?
C’est au milieu des années 1960, lorsque j’étais effectivement un adolescent, que j’ai commencé à écouter et à être sensibilisé par le son des guitares. On ne peut même pas dire que j’écoutais la musique dans sa globalité, c’est vraiment cet instrument qui retenait mon attention. J’étais un grand appréciateur des Rolling Stones et, à travers eux, des musiques américaines que ce groupe reprenait. Ce sont elles qui ont eu ma préférence…Si tu souhaites que je te parle d’un musicien en particulier, je ne peux pas oublier de citer Mick Green qui était le guitariste de Johnny Kidd & The Pirates (c'est d'ailleurs la version de ce dernier de la chanson de Piano Red « Dr Feelgood » qui a donné à 4 jeunes anglais l'idée de l'exploiter comme nom de groupe, nda).

Dès que je suis tombé sur l’un de ses disques je me suis écrié « Hey, mais je veux jouer comme ce gars, ce son de guitare est tellement bon ! ». Pendant longtemps je me suis efforcé de copier ce que faisait Mick Green en écoutant ses enregistrements. Je me repassais continuellement ses disques. Ceci dit, je n’ai jamais considéré que je jouais aussi bien que lui, j’ai juste essayé de faire mon mieux… en y introduisant mon propre style.

Tu as d’ailleurs eu l’occasion de jouer avec Mick Green… 
Oh oui, yeah, yeah, yeah ! Il était mon héros et de là, cela s’est transformé en amitié car il est devenu mon ami…

Tu es considéré comme l’inventeur du pub rock. Peux-tu me donner ta propre définition de cette musique ?
Ma propre définition serait de dire qu'il n’y a pas de musiques telles que le pub rock. C'est une sonorité terrible. Au milieu des années 1970, à Londres, il y avait de nombreux lieux où l’on pouvait entendre beaucoup de bonnes musiques. Ainsi, on y croisait des groupes de jazz, de country, de rock ou encore de rhythm and blues. Mais on y trouvait pas une musique qui ressemble au pub rock qui, lorsqu’elle a débarqué, a tout chassé sur son passage… c’était comme si les autres genres avaient cessé d’exister (rires) !

Te considères-tu comme un pionnier du mouvement punk ?
Je crois que c’est un peu difficile à dire…  Je veux signifier par-là, qu’à partir de 1976 j’ai commencé à sympathiser puis à devenir bon ami avec des gars qui étaient membres de groupes tels que les Sex Pistols, les Clash, les Stranglers etc…Ce sont des gens qui ont beaucoup écouté Dr Feelgood et qui ont assisté à de nombreux concerts de ce groupe. Ils écoutaient aussi attentivement mes conseils lorsqu'ils me posaient des questions. Je ne peux pas en dire beaucoup plus…

Parmi tous les groupes de rock actuels. Quels sont ceux qui, selon toi, ont le mieux assimilé l’esprit de ta musique ? 
(longue hésitation)…. Je ne le sais vraiment pas…. L’essentiel est que chacun mette de son propre état d’esprit dans ce qu’il fait. Je ne pourrais même pas expliquer ma propre musique que j'ai, pourtant, apprise d'autres gens. J'entends par là, les artistes qui sont vraiment mes héros et dont j'ai tenté de « creuser» l'art afin de pouvoir le comprendre. Je parle de personnalités telles que Bob Dylan, John Lee Hooker etc...  En les écoutant, le plus souvent, je ne pouvais que m'extasier et exprimer un grand « wouah » d'admiration.

Quels sont les groupes récents que tu apprécies le plus ?wilko
Tu sais, mes goûts sont assez ciblés et ne correspondent que rarement à la musique pratiquée par les groupes actuels. Je n'écoute presque rien de ce qui a été fait après 1972, après c'est trop moderne pour moi. Oui, c'est de la musique moderne (rires) !

Que penses-tu de l’actuelle formation Dr Feelgood ?
Je dirai simplement que certaine personnes n'ont vraiment aucune fierté et n’éprouvent pas la moindre honte…

Comment pourrais-tu résumer ta carrière depuis 1971 ? 
En 1971, j’étais encore professeur d’anglais dans un Lycée puis, du jour au lendemain, je me suis retrouvé à jouer dans un groupe de rock’n’roll. Je ne l’ai pas fait en réponse à un phénomène de mode mais bien par passion de la guitare. J’ai donc intégré ce qui n’était encore qu’un groupe local… Dr Feelgood. En l’espace de deux ans, nous nous sommes retrouvés à Londres afin d’y jouer dans les pubs. Puis, nous connaissons tous la suite…  Je n’ai pas choisi de faire quelque chose de particulier pour arriver à mes fins, je suis simplement allé dans une direction qui me semblait être la mienne. Aujourd'hui, je peux parfois être au plus bas et éloigné de mon métier, comme je peux être au plus haut et m'y consacrer totalement...

De quoi es-tu le plus fier après toutes ces années d’expérience ? 
Oh… Je crois que je suis tout à fait fier du groupe Dr Feelgood, quand il a commencé à jouer à Londres. Ceci parce que nous y avons amené une attitude totalement nouvelle et différente dans le monde de la musique. Entre le début et le milieu des années 1970, c’était quelque chose de complètement inédit car la musique était alors dominée par l’aspect technique. Il fallait que tout soit lourd et imposant, y compris les jeux de lumières. Nous, nous avons ramené la musique vers une certaine simplicité. Nous n’étions que des gens avec leurs instruments , en toute simplicité. Je trouvais cela bien meilleur et je suis fier d’avoir réussi à ramener la musique dans cette direction.

Est-il vrai que tu prépares deux nouvelles chansons qui devraient être enregistrées après cette tournée française ? 
Oui  c’est vrai… D’ailleurs, il faut dire que le fait d’avoir un cancer t’apporte tout le calme nécessaire pour écrire des chansons (rires). J’ai donc commencé à en élaborer… Elles devront être bonnes et enregistrée de belle manière en un minimum de temps, puisqu'elles constitueront finalement un album complet.

Souhaiterais-tu ajouter quelque chose à cet entretien ?
Six mois, c’est vraiment une longue période…

Remerciements : Benjamin Téhoval et Christophe « Jaja » Jardon (106DB)
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Interview réalisée au
Caf’ Conc’ des 3 Frontières
à Bartenheim le 9 février 2013

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

 

 

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