Comment vous situez-vous par rapport
au blues ?
J'y suis arrivé par un raccourci, si vous voyez ce que je veux
dire. En général, les bluesmen sont partis du Mississippi
vers la Nouvelle Orléans, Chicago et New York. Moi, je suis originaire
de New York et je suis allé à la Nouvelle Orléans
et au delta du Mississippi. Assez bizarre, n'est-ce pas ? Très
étrange. Vous savez, Gatemouth Brown a aussi parcouru cette route.
Si vous vivez à la Nouvelle Orléans
Tous ces gens sont des légendes et j'en suis fan. Je collectionne
toujours les disques. Rien à voir avec les pop stars et du cette
merde. Je court après les disques car j'adore ça. Ça
revient à ce sentiment très simple. Voilà comment
cela se passe, d'une manière ou d'une autre.
A l'époque, j'allais à la boutique de l'épicier
où ils me demandaient :
- Willy, est-ce vrai que tu pars à Paris, en France ? Je
répondais : Oui, je vais parfois en France
- Qu'est-ce que tu dois te faire comme pognon, alors !
C'est leur mentalité, vous voyez. Tellement humble, que vous vous
sentez très grand. Ils n'ont rien à foutre des pop stars,
ils sont terre à terre. Ce qui les intéresse, c'est de bouffer
des opossums. Beaucoup d'européens trouvaient très drôle
que je m'assoie devant ma porte pour jouer du dobro. Pourquoi ce gars
joue en pleine rue ; il doit être taré ! Mais ça ne
m'a pas empêché de le faire. Pour mon propre plaisir, naturellement.
C'est ainsi que les choses se passent à la Nouvelle Orléans.
Il y a un guitariste qui vient de s'installer à la Nouvelle Orléans.
Il joue de la guitare électrique mais personne n'accroche. Vous
connaissez probablement son nom, inutile de vous le dire. Tout simplement
parce qu'il ne veut pas s'arrêter. Pas question de s'asseoir devant
un porche pour jouer du dobro pour les gosses de la rue. C'est une star
: lunettes de soleil, dreadlocks, pantalons en cuir. Ecoute mec, laisse
tomber les godasses à plate-forme au mois d'août à
la Nouvelle Orléans ? C'est fou, non ? Il est très déprimé,
car les gens n'ont rien à faire de cette attitude. Ils préfèrent
la simplicité.
J'ai eu la grande chance de fréquenter Dr John depuis des années.
Quand j'ai emménagé à la Nouvelle Orléans
il y a quinze ans, Markus (Dr John) a parlé de moi autour de lui.
" Willy est un bon gars, il ne va jamais déraper, il est au
poil ". Je me suis donc facilement intégré. Quand,
à la dernière tournée, cette star s'est présentée
comme le Roi de la Nouvelle Orléans ! Mon dieu ! Heureusement que
Dr John n'était pas dans le coin. J'aurais été tellement
confus. Des vrais porcs, on en trouve à la tonne à la Nouvelle
Orléans, mais des rois, non ! Moi, je suis le Gars-fêlé-qui-vient-du-Nord.
Ils m'aiment bien parce qu'ils pensent que je suis complètement
fou. Ils sont sensibles au fait que j'adore la musique de la Nouvelle
Orléans. Que c'est drôle que je sonne si " noir ".
Parce qu'en grandissant, j'ai continué à aimer ces vieux
disques. Je suis vraiment fan des vieux enregistrements. C'est donc amusant
qu'ils me trouvent assez " bizarre ". Mais on ne peut absolument
pas les impressionner. C'est impossible. Inutile d'y penser.
Quelle relation entretiens-tu avec la France ?
J'ai une passion pour Barcelone, pour Rome, pour New York. Mais les français
ont quelque chose de différent. En fait, je préfère
les français par rapport aux parisiens. Si je me trouvait devant
deux pièces, une remplie de français de toutes les provinces
et l'autre uniquement de parisiens, laquelle choisirais-je ? Certainement
pas les parisiens. Ils sont pleins de merde. Ce sont des enfants. L'or,
l'argent ; on dirait des enfants gâtés. Je les aime. Ils
sont tellement naïfs. Johnny Hallyday, Jean Wilson
Je me dois
de dire que je les aime, car je leur doit beaucoup.
Quand je suis allé à Paris, j'ai peut-être été
le dernier américain à aller à Paris et pour devenir
un artiste, un compositeur. C'est quelque chose de très romantique
pour moi. J'ai toujours été à la recherche de la
Bohème comme ce qui existait à New York, mais cela est mort
au milieu des années 70. Les hippies, je détestais les hippies.
Putain de hippies.
Qu'évoque pour toi le nom d'Edith Piaf
?
J'ai une idée : je ne crois pas aux "pop stars". Les
étoiles sont au ciel mais pour moi elle est une d'entre elles.
Edith ressemblait plus à un punk de la rue que n'importe quel Keith
Richards ou Johnny Rotten. Elle, c'était vraiment quelque chose.
Cette femme était du pur rock'n roll. Si j'avais pu la rencontrer,
j'en serais tombé amoureux. D'ailleurs il y a un album qui est
sorti pour l'anniversaire de sa mort. Je n'aurais jamais osé chanter
une des chansons d'Edith Piaf. J'ai donc choisi un duo de Piaf avec Charles
Dumont ; "les Amants" et j'avais trouvé une fille noire
qui chantait exactement comme Edith Piaf. Mais un putain de producteur
enleva sa voix. Alors quand j'ai reçu l'album, je l'ai préparé
et j'étais très nerveux. Je m'attendais à entendre
comme un enregistrement d'Elvis, puis je l'ai passé et j'ai pleuré
comme un bébé. Cela m'a brisé le cur et si
je revois ce producteur, je suis capable de le tuer.
Je suis le dernier à essayer de démontrer à tout
le monde que l'amour existe encore entre un homme et une femme. C'est
OK, ce n'est pas caricatural, c'est très beau, c'est meilleur que
la morphine. Je peux vous le dire : j'ai été accro à
la morphine et ça vous pouvez le couper des magnétos si
vous avez envie. Je m'en fout car tout le monde le sait de toute manière.
J'ai été accro à la morphine pendant vingt ans, OK
? J'en ai pris assez pour tuer tout Paris. J'ai souvent été
à Paris, j'y ai passé du bon temps mais à chaque
fois les gens étaient incapables de s'amuser. Maintenant je ne
sais pas où ils vont pour sortir. En boîte ?
Dans ton dernier album, à quelle question
la chanson "You never know" fait-elle référence
?
Je ne sais pas à quoi ressemble votre vie, mais est-ce que vous
vous rappelez de la première fois que vous êtes réellement
tombé amoureux ? Je ne parle pas de troubles adolescents mais quand
vous pensez : "je te donne mon cur et je sais que tu vas
le briser mais tant pis, c'est ce que j'ai de plus précieux".
Si elle est gentille, tout ira bien mais sinon, elle va t'avoir, te broyer,
OK ? Pour moi il y a eu une femme comme cela et elle revient dans mes
rêves, c'est une histoire vraie. Le seul moment où je la
voit, c'est dans mes rêves et je continue à lui courir après.
Ne prend pas mes rêves, c'est tout ce que j'ai. Même s'ils
sont noirs, c'est tout ce qui me reste. Alors laisse-moi au moins ça
!
Si
je pouvais trouver un moyen de mourir, je ferais comme Lacenaire, avec
une guillotine... Je serais peut-être le prochain à être
guillotiné.
As-tu vu le film "Lacenaire" ?
Oui, j'en ai vu une partie. Je suis un très grand fan de Lacenaire
car je suis écrivain et je me suis intéressé à
lui par son livre. Un ami m'en a fait la traduction. Ensuite j'ai découvert
qu'il y avait aussi un film, que j'ai vu tard dans la nuit sur une chaîne
comme Arte, mais aux Etats-Unis.
Je dois dire que je suis un hédoniste, un sensuel. J'aime avoir
ma morphine, j'aime les belles femmes comme lui. Je pense qu'il a vécu
une tragédie, vous voyez : il a pris du bon temps avant de mourir
et ensuite il a réalisé qu'il aurait du écrire pendant
tout ce temps ! Et c'était trop tard. C'est pourquoi j'ai eu beaucoup
de chance : Dieu a été bon pour moi. Je crois aux anges
et je crois vraiment que mes anges me protègent. Ils m'aident parce
qu'ils savent que je suis superstitieux !
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