L'émission "blues"
de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST
XoX, d'où viens-tu et comment t'est venu
l'amour du Blues ?
C'est une longue histoire mais je vais résumer (rires) !
Je suis né à l'âge de 14 ans quand j'ai écouté,
pour la première fois, un disque de Chuck Berry. C'était
à la radio, sur France Inter, et ça m'a bouleversé
Par la suite je suis passé par la filière classique : Rolling
Stones etc
J'essayais de jouer tout cela à la guitare et me suis rendu compte
que je n'y arrivais pas. Je suis donc allé puiser aux origines
de ces musiques et j'ai compris que cette musique venait du Blues. J'ai,
alors, décidé de retourner à ces racines en découvrant
Muddy Waters, Lighnin' Hopkins, John Lee Hooker
Ce dernier avait la particularité de souvent jouer seul. Il a fait
une carrière magnifique avec, comme seule compagne, une guitare
électrique. Je trouvais cela très fort
Le fait de partir, seul, sur les routes et d'aller à la rencontre
des gens pour faire de la musique est une chose formidable. J'ai toujours
essayé de faire pareil, à ma façon. Je ne suis pas
un noir américains né dans les années 1920 - je suis
un petit blanc français
J'ai donc voyagé un peu en Espagne et en Allemagne
Puis j'ai décidé de franchir le cap et de partir à
la recherche de mes origines en me rendant aux USA.
J'ai traversé presque tout le pays pour en connaître l'ambiance
et savoir d'où venait le Blues. C'est un pays incroyable et très
accueillant. Surtout si on vient avec l'objectif de découvrir,
d'écouter et, le cas échéant, de faire de la musique
pour ou avec eux.
Avant d'approfondir cette période marquante
de ta vie, peux-tu revenir sur tes origines. Habitais-tu déjà
le sud de la France à cette époque ?
Non, d'ailleurs mon amour des voyages vient, probablement, du fait que
mes parents bougeaient beaucoup en fonction de leurs affectations professionnelles.
Nous sommes de l'Isère, puis nous avons vécu à Paris.
Par la suite j'ai passé une quinzaine d'années en Bretagne,
à Rennes, avant de partir à l'étranger. Après
cela je me suis fixé, un peu par hasard, sur la Côte d'Azur
il y en presque 20 ans
Etait-il facile, alors, de t'intégrer dans
des groupes ou déjà jouais-tu seul. De plus avais-tu beaucoup
d'amis qui affectionnaient la même musique que toi ?
Pas beaucoup, d'ailleurs au départ j'étais plus dans un
milieu Rock. C'est sur la Côte d'Azur que j'ai créé,
avec un ami, mon premier groupe de Blues qui s'appelait les Managers.
Ce groupe a écumé, pendant une dizaine d'années,
tous les bars et pubs de la région avec un répertoire très
roots. Le but était de nous faire plaisir tout en faisant danser
les gens.
Nous avons fait deux disques avant, malheureusement, la mort du groupe
pour des raisons géographiques
(XoX vient d'interpréter le standard "
Route 66 " en live dans l'émission) A ce sujet XoX, toi qui
a beaucoup voyagé aux USA, as-tu parcouru la mythique Route 66
?
J'en ai, effectivement, emprunté une partie. Cependant, je ne l'ai
pas faite en intégralité, elle est si longue
En 1980 j'avais pris un bus dans lequel j'ai fait le voyage de Boston
à Dallas, puis de Dallas à San Francisco et enfin de San
Francisco à Chicago. Sur mes deux mois de voyage j'ai, ainsi, passé
9 jours dans un bus. C'est une expérience intéressante car
elle te permet de voir des gens très différents, d'Etat
en Etat
C'est comme cela que tu te rends compte que l'Amérique est comme
n'importe quel autre pays. Tu peux, par exemple, y croiser des gens qui
font trente bornes avec des poules ou des canards dans leurs sacs. On
est, alors, très loin du gigantisme auquel on s'attend en arrivant
J'adore, également, leurs accents qui, d'une région à
l'autre, sont très différents. Les américains sont
curieux par nature et aiment te poser des questions sur tes origines ou
ce que tu fais
Le fait d'avoir une guitare en bandoulière
a-t-il était un avantage ou un prétexte pour casser la glace,
plus rapidement, entre toi et les autochtones ?
C'est sûr !
C'était même un problème car je venais pour apprendre
le folklore local. Eux voulaient que je leur joue des chansons françaises.
De ce fait, tout ce que j'ai trouvé à chanter ce sont des
chansons à boire. Je devais leur traduire les textes, ce qui les
faisait énormément rire !
Le contraste culturel était d'autant plus saisissant que leur rapport
à l'alcool n'est pas le même que le notre. Là-bas
quand tu achètes une bouteille, tu es obligé de la cacher
dans un sac en papier marron et de la boire ainsi. J'étais, souvent,
invité à passer les nuits chez les habitants où je
continuais à jouer de la guitare. Leur passion de la musique Country
est énorme. Les artistes Country vendent des millions de disques
et il y a des dizaines de stations de radio spécialisées
dans le genre.
D'ailleurs, souvent les gens se demandaient pourquoi un jeune blanc français
s'intéressait au Blues qui est une musique issue du folklore noir
américain. D'autant plus que même les noirs ont tendance
à s'en éloigner car cette musique représente, pour
eux, un passé trop douloureux.
Pour moi, le Blues est une musique pour troubadours qui se transmet en
voyageant, de ville en ville
As-tu fait de belles rencontres musicales sur
place ?
L'Amérique est une mosaïque où on rencontre des gens
de toutes les origines. Parfois tu peux tomber sur un tchèque ou
un polonais qui sortira un violon et qui jouera une vieille valse de son
pays que tu essayeras de suivre à la guitare.
Ce qui est curieux c'est que, même à la campagne, tu trouveras
souvent des pianos dans les maisons. Souvent les paysans tenaient à
ce que leur fille joue de cet instrument car, pour eux, c'est un signe
de réussite. Là ça devient un véritable plaisir
car tu vois la grand-mère qui vient jouer, sur son vieux bastringue
désaccordé, en l'honneur du visiteur français (rires).
As-tu eu l'occasion de faire des rencontres dans
le Blues et t'es-tu frotté au milieu noir ?
Peu car il reste, malheureusement, une petite séparation culturelle
entre les deux ethnies. Même si cela n'a plus rien à voir
avec ce qui se passait il y a 100 ans. Le chemin est long et les communautés
ont, encore, tendance à rester entre elles. C'est plus marquant
dans le sud que dans le nord du pays qui est plus libéral
Un autre grand choc culturel, pour toi, a été
la traversée de la Manche
Oui, d'autant plus que les anglais ont la particularité d'être
les meilleurs musiciens de Blues au monde (rires) !
J'adore tous les groupes du " Blues Boom " des années
1960 comme les Stones ou les Kinks
Leur mérite a été grand de réintroduire le
Blues aux USA. Là-bas les gens, au départ, devaient les
prendre pour des fous. C'est comme si, chez nous, des suédois venaient
s'imposer avec de la musique berbère.
J'ai beaucoup aimé cette Angleterre industrielle avec toutes ces
petites maisons qui se suivent
De plus les anglais sont, pour moi, les maîtres de la musique. Ils
savent écouter puis travailler en toute humilité et en équipe.
C'est le même phénomène qui se retrouve en Rugby ou
en Football
La musique et le foot, là-bas, sont deux domaines intimement liés.
De 1982 à 85, j'ai pu y rencontrer beaucoup de groupes et enregistrer
sur place.
J'y ai aussi énormément composé, même des chansons
que je n'enregistre qu'actuellement
Est-ce que tu t'inspires de la vie de tous les
jours pour écrire ?
Mes chansons sont plutôt des observations sur ce que je peux capter
ci ou là
Je suis un capteur d'atmosphères
Je suis un mec très simple qui adore écouter et voir. Je
suis une véritable usine qui traite toutes ces informations
C'est, un peu, comme dans Tintin où tu vois une vache qui rentre
d'un côté de la chaîne et qui en ressort de l'autre
sous forme de boite de corned beef.
Par rapport à tous les pays où tu
t'es rendu, que penses-tu de la scène Blues française ?
Elle existe et c'est une bonne chose. Il y a une structure en place et
de nombreux Festivals. C'est une scène plutôt " classique
" qui considère le Blues comme une musique
Personnellement je me rends souvent à des concerts. Ça fait
du bien et j'aime rencontrer des collègues. Cependant je me situe
un peu à côté. Je me considère plus comme un
gars qui chante que comme un vrai instrumentiste. Mon jeu de guitare est
plutôt frustre
J'ai constaté qu'il y a énormément d'excellents musiciens
en France et il est toujours très agréable d'en rencontrer.
Surtout pour faire des " jams ", que ce soit avec des guitaristes,
des harmonicistes, des saxophonistes ou même des contrebassistes
A titre personnel mon musicien français préféré
est Patrick Verbeke
Finalement le style de Blues que tu fais est très
actuel puisque de nombreux groupes y reviennent. Ressens-tu un certain
engouement de la part de la jeunesse quand tu vois les gens qui se rendent
à tes concerts ?
Au départ le public est davantage constitué de quinquagénaire
mais il y a un renouvellement. Les jeunes peuvent facilement se référer
à certains aspects du Blues. D'ailleurs pour moi le Rap est une
forme de Blues. Il s'agit de raconter des histoires sur des " beats
".
A l'époque c'était le gars qui se faisait larguer par sa
copine. Actuellement, la frustration vient davantage des problèmes
liés à la société en elle-même. Cela
reste une souffrance qu'on exprime avec un texte et un rythme simple que
tout le monde peut capter.
Remerciements : A " Doctor Doliprane
" alias OD des Managers