Zach Prather
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Pouvez-vous nous présenter votre groupe ?
Bien entendu ! Au clavier, nous avons mon vieil ami Michel Carras. Nous avons accompagné Luther Allison durant de nombreuses années. A la batterie, un jeune suisse nommé Eric Kuntz et à la basse, un autre suisse : Horst Baumer. Ce groupe existe maintenant depuis trois ans.

D'où venez-vous et quand avez-vous commencé à jouer de la musique ?
Je viens de Chicago. Je joue professionnellement depuis mes seize ans. Mon premier contrat discographique date du label " Curton " de Curtis Mayfield à Chicago. Voilà comment j'ai débuté. J'ai ensuite intégré l'armée pendant un temps. Depuis je ne cesse de jouer et de voyager d'un endroit à l'autre.

De Chicago, je suis allé à Los Angeles où j'ai joué avec Willie Dixon, Etta James et Screamin' Jay Hawkins. Screamin' Jay m'a emmené en Europe pour la première fois. Lors de notre second passage à Paris, j'ai rencontré la femme de Luther Allison. J'étais au courrant qu'il cherchait un batteur et c'est ainsi que nous avons fait connaissance. Depuis qu'il m'a embauché, j'ai emménagé en Europe et je n'en suis plus reparti.

Comment exactement s'est déroulée votre collaboration avec Luther ?
Je ne pense pas qu'on puisse parler de collaboration en ce qui concerne Luther Allison. Les souvenirs que je conserve de ces trois années avec Lou, c'est principalement d'avoir appris énormément. J'ai surtout appris à donner un spectacle. Il était un excellent compositeur, entre autres.

Mais, j'avais déjà été en contact avec Willie Dixon qui est LE compositeur par excellence. Avec Lou, j'ai réellement approfondi mon expérience de la scène. On peut dire ce qu'on veut de lui, mais c'était un " performer " avant tout. Il savait parfaitement comment gérer son show et s'adresser au public.

Quelles sont les bases de la composition que vous avez apprises de Willie Dixon ?
Je composais déjà avant de le rencontrer. Il m'a enseigné à écrire au plus simple. Toutes ses chansons peuvent se résumer aux choses simples de la vie. Il utilisait beaucoup de doubles sens. Comme dans " Little Red Rooster " : des phrases tordues pour donner un sens différent au second degré. En même temps, il restait très simple.

N'énoncer que les faits, bâtir une histoire basique et véridique : telle était la méthode qu'il m'a enseignée. Il était unique en son genre. Chacun reconnaît son style dès la première chanson. Willie détenait une marque de fabrique bien à lui. Etre fidèle à soi-même, simple et vrai, s'en tenir aux faits, raconter des histoires où les gens peuvent se reconnaître. Telles furent ces leçons d'écriture.

Comment votre musique a-t-elle évolué avec le temps ?
Ma musique, comme pour toute ma génération, est une combinaison de styles très différents. Plus jeune, je n'écoutais pas de blues du tout. Le rock'n roll, les Small Faces, les Beatles et les Rolling Stones me branchaient beaucoup plus. Ce n'est que plus tard, vers mes onze ans, que je suis venu au blues.

Je prends donc toutes ces influences pour les assimiler à mon blues. Là aussi, Willie Dixon m'a appris à me fier à ce que je sais faire. Le blues tend inévitablement à évoluer, à mon avis. Depuis le temps de Howling Wolf et Muddy Waters, on est arrivé à Freddie King qui a réalisé un cross-over entre le blues, le rythm'n blues et le son " surf " en vogue à l'époque, puis quand James Brown est arrivé, tout a encore changé. Pendant un certain temps, la soul a marché, puis on est revenu aux bases du blues. Comme Keb' Mo, que j'ai connu à L.A. alors qu'il jouait du R'n B. A présent il se plonge profondément dans le blues.

Tellement de gens traitent le blues comme s'il s'agissait d'un dieu moribond. Le blues est vivant et il respire encore. Il change comme les gens peuvent changer eux-mêmes. Il faut évidement écouter les vieux titres. Je les écoute et je les joue aussi mais il faut toujours aller de l'avant. A quoi bon reprendre du Howling Wolf à longueur de concert ? Je préfère jouer à ma manière. Voilà ce que cela signifie d'être fidèle au blues.

Pouvez-vous nous parler de votre dernier album " Nothing but the Blues " ?
C'est le troisième disque que je réalise en compagnie de Michel Carras. Il comprend enfin ce que je voulais y mettre. Pour ce disque, très peu de modifications ont opéré entre le moment où j'ai écrit les chansons et leur enregistrement. Il a également évolué en mon sens. Je voulais montrer aux gens que le blues agit à différents niveaux.

Certains titres sont très provocateurs. Un d'entre eux explique que le blues ne connaît pas de frontières. C'est " In your soul tonight ", qui sonne un peu rock'n roll. A l'écoute, les gens vont peut-être trouver qu'il n'est pas blues mais les paroles montrent que le blues n'a aucune restriction. Certains titres sont soit soul, soit rock, soit traditionnels. Pour moi, ce n'est que du blues, comme le dit le titre de l'album.

 

 
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Interview réalisée au

Cylindre de Larnod le 16 mai 2003

Propos recueillis par

David BAERST et Jean-Luc

En exclusivité !

 

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