En direct du Studio avec Dirty Deep (2ème venue)

D’un bayou à l’autre avec Mama Rosin
La présence d’une caméra, filmant un trio de musiciens passionnés de culture cajun, aurait pu troubler l’ordre public et la quiétude de la ville de Colmar en cet après-midi ensoleillé du 23 mai 2014.

Heureusement pour la préfecture du Haut-Rhin, ses canaux n’ont pas servi de prétexte à un remake du film « Butcher » d’Adam Green (2006) durant lequel de pauvres touristes se voient contraints de prendre un bain forcé. Le tout dans un marécage boueux de Louisiane, après que leur embarcation ait été coulée (et, comme un bonheur n’arrive jamais seul, avant de recevoir la visite amicale d’un certain Victor Crowley aussi affublé du doux sobriquet de « Tueur à la hache »).
En effet, c’est en toute quiétude que le groupe Mama Rosin (puisque c’est bien de Robin Girod, Cyril Yeterian et Xavier Bray qu’il s’agit) a posé ses instruments sur les bords de la Lauch. Un décor de carte-postale très vite pris d’assaut par davantage de touristes étrangers que de mosquitos, se demandant quel nouveau tour allait leur être joué par nos amis helvètes.

La curiosité de ces chanceux témoins a vite été apaisée lorsque le combo s’est mit à répéter le morceau «James Brown », écrit par Nancy Dupree (1936-1980). Une enseignante engagée, d’origine afro-américaine, qui avait eu l’ingénieuse idée de sensibiliser ses élèves aux réalités de leurs (parfois dures) conditions. Ceci en leur faisant interpréter des couplets de sa création.Ces derniers mettent en exergue (souvent sous une forme désuète) des faits de sociétés propres aux années 1960. En l’occurrence, le texte de cette chanson évoque la venue du « parrain de la soul » dans la ville où elle exerçait (à savoir Rochester, dans l’état de New-York, aux alentours de 1969 ou 1970) en établissant un parallèle entre la progression de la carrière du chanteur et le développement de la conscience noire. Un concert auquel bon nombre de ses jeunes étudiants avaient, bien sûr, assisté…

Quelques minutes plus tard, nous eûmes donc droit à la réinterprétation du titre par les Mama Rosin. Une prestation offerte sur les flots, lors d’un parcours fluvial flirtant avec les ponts Turenne et Saint-Pierre.
Cette initiative originale est à mettre à l’actif de la Fédération Hiéro, qui inaugurait là ses « Boat Sessions ». Soit une série de vidéos prises sur le vif et imposant aux combos, qui acceptent de se soumettre à ce périlleux exercice, l’interprétation d’un titre dans une version acoustique. Un défi facilement relevé par les créateurs du label Moi J’Connais Records (venant justement d’éditer « Ghetto Reality », un 33tours regroupant les enregistrements de Nancy Dupree et de ses élèves), avant qu’ils ne rejoignent l’Atelier ARN où ils allaient donner un concert le soir même.

En quittant la Petite Venise (nom donné au quartier colmarien au cœur duquel l’enregistrement a eu lieu) sur le chemin qui nous menait à la salle, je me suis évidemment entretenu avec les membres du trio (dont l’excellent « Bye Bye Bayou » vient d’être réédité dans sa mouture « director’s cut » sous la forme d’une édition limitée en vinyle), que je n’avais pas revu depuis octobre 2013 dans le cadre du Nancy Jazz Pulsations (voir interview ICI). Ils m’ont ainsi confirmé la sortie prochaine d’un album (réalisé avec l’étroite complicité d’invités de marque) ainsi qu’un nouveau disque du duo (constitué par Robin Girod et Cyril Yeterian seuls) Les Frères Souchet. De surcroit, le groupe a déjà mis au point quelques titres qui feront l’objet d’une sortie ultérieure.Lorsque l’on connait la fréquence des tournée du combo, on se demande où ces voyageurs au longs cours s’arrêteront.

Ce n’est en tout cas pas nous qui nous plaindrons d’une telle productivité et de cette étonnante débauche d’énergie mise au profit de la musique.Il faut dire que, pour Mama Rosin, il coule de source que les sollicitations soient de plus en plus nombreuses. Avec eux, la tentation d’embarquer prend toujours le dessus….

David BAERST

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www.moijconnais.com