Brenda Boykin
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

D'où est-vous originaire et quand avez-vous démarré dans la musique ?
Je suis originaire de la baie de San Francisco dans l'état de Californie. Ma ville natale se nomme Auckland, en Californie. J'ai dû débuter vers mes quinze ans, ce qui remonte assez loin ! J'ai d'abord commencé à chanter sur les bancs de l'école. Avec des amis, nous reprenions des titres des Jackson Five. Puis j'ai intégré un chœur dans une église baptiste.Après deux ans, j'ai finalement eu le droit de prendre la place de soliste.

Par la suite, je suis allée étudier à l'université de Bercley. Comme il s'y trouvait un chœur de jazz, je me suis dis que cela serait un bon changement. Après, j'ai aussi intégré un " big band ", puis j'ai connu plusieurs expériences en solo.

Qu'avez-vous précisément appris à l'église ?
C'était une expérience très intéressante. Certaines chanteuses avaient l'habitude de chanter à l'ancienne manière, simple et somptueux. Un autre couple chantait de façon très élaborée et de haut vol. j'ai donc été confrontée à ces deux styles de chant. C'était donc une très bonne leçon pour moi de voir comment exprimer les émotions d'abord de façon très puissante, puis d'économiser son souffle avec des techniques appropriées.

Evidement, je voulais à la fois posséder ce style puissant, tout en étant capable de continuer à chanter pendant 25 ans sans me ruiner la voix. Je me disais qu'à force de chanter trop fort, on peut s'abîmer la voix. Ces personnes très bien entraînées m'ont beaucoup enseigné. J'ai donc recherché à trouver un équilibre entre ces deux tendances.

Quelles étaient les musiques que vous écoutiez à cette époque ?
J'écoutais tout ce qui passait à la radio. A la maison, nous écoutions principalement de la soul. Mon grand frère insistait pour qu'on écoute la musique pop, aussi bien blanche que noire. J'écoutais également de la musique latine comme Mongo Santa Maria. Mes parents, étant plus âgés, possédaient de vieux disques 78 tours de Louis Jordan, Billie Holliday et d'autres groupes plus obscurs comme d'antiques groupes " jump, funky & swing " des années 40. Chaque dimanche soir, ces vieux disques refaisaient surface.

Comment avez-vous découvert le blues ?
C'est une autre partie de moi. A l'âge de treize ans, j'écoutais la musique moderne de l'époque, c'est-à-dire la " soul music ". Dans le même temps, j'allais vers les bases en écoutant les débuts du rock'n roll.

Je me suis passionnée pour le rock'n roll, lequel se base sur le blues, tout en étant chanté différemment. " I'm nothing but a hound dog " est structuré comme un blues comme vous le savez. Toutes ces chansons de Little Richard, d'Elvis Presley, de Fats Domino étaient fondées sur le blues. Cette atmosphère bluesy m'entourai lorsque j'écoutais cette musique - qui était après tout du rock'n roll.

Après quelques années, je me suis mise au blues après avoir tout appris sur le jazz. Mon répertoire s'est constitué naturellement. En entendant une progression en blues - tout en étant dépourvue d'un grand répertoire de blues traditionnels - je faisais appel à mes vieux rock'n rolls. En les ralentissant un tantinet, en les accélérant, ou les mêlant au jazz, j'étais capable de revenir au matériau blues très naturellement. Ce n'était donc pas si difficile pour moi.

Quand est venu ce groupe : " Home Cooking " ?
Cela doit faire près de 15 ans que je fais partie de Home Cooking. D'abord, j'ai commencé par remplacer la chanteuse. Ce groupe n'était pour elle que des accompagnateurs. Elle m'a demandé de la remplacer pendant les dimanches. Finalement, elle n'a plus fait aucun dimanche du tout.
J'ai beaucoup appris avec ce groupe, tout comme il a appris à mon contact. Ce sont des musiciens si formidables qu'ils m'ont suggéré d'avoir mon propre répertoire. J'ai alors commencé à écrire des chansons. Tout est donc venu très naturellement.

Il faut aussi rappeler que dès l'université, j'avais commencé à jouer du jazz sans trop de liens avec le blues. Un de mes amis qui jouait du blues, Sonny Lang (disparu depuis), m'a demandé de le rejoindre dans le club de blues dont il fréquentait les jams du dimanche.
Lors de ces sessions, le club attirait un public mélangé, noirs et blancs ensemble, jeunes de l'université et vieux noirs du Sud. Ceux-là connaissaient bien les danses et exigeaient du blues authentique. Dans ce club, Françis Clay tenait la batterie. Il avait travaillé avec Muddy Waters, dont il nous racontait maintes histoires. Un autre, Mississippi Johnny Waters, était fantastique car il chantait comme Howling Wolf. Il disait par exemple : " Si tu ne sais pas chanter Smokestack Lightnin', tu ne sais rien chanter, jeune fille ! ".

Ces trois vieux mentors m'ont beaucoup apporté dans ce club d'Auckland, le " Ellis Miles High " que vous devez connaître en Europe. J'ai reçu cette éducation avant tout, donc quand j'ai rejoint Home Cooking, j'étais prête.
Un gentleman français de la Baie de San Francisco, appelé " Paris Slim " (alias Franck Goldwasser - allez voir son interview, NLR), m'a appris tant de choses.
Lui, le français de Paris, me disait : " Pauvre jeune fille noire américaine, tu ignore tout de ta propre culture musicale ! ". Il me faisait écouter un disque après l'autre. J'avais un autre ami, Takeso Tekisha, du Japon. Le français et le japonais me plaignaient : " tu es parfaitement capable de chanter le blues, mais tu en ignore complètement le répertoire ! ".

Ces deux amis ont donc fait le lien entre les vieux chanteurs noirs et moi. Ce sont ces deux immigrants qui m'ont appris le blues, et non les jeunes américains. Peut-être est-ce dû à un problème de relation homme/femme, mais les jeunes américains ne m'ont jamais rien enseigné à cette époque. Alors même qu'ils recevaient ces informations de leurs propres mentors, les vieux noirs, ils n'avaient pas à l'esprit de les partager avec moi.

Au moment où j'ai rejoint Home Cocking, j'ai trouvé une atmosphère émulative. Eux étaient prêts à m'aider. Mais j'avais déjà appris le blues au contact du blues et par le biais de ce français et de ce japonais.

Comment pouvez-vous qualifiez votre propre style de musique ?
Ayant été si influencée par le rock'n roll des débuts, j'imitais des gens tels que Fats Domino, Elvis et Buddy Holly, ainsi que Brenda Lee et Lavern Baker. Je suis donc très naturellement capable de sonner " country " à cause de mon goût pour Carl Perkins et les Everly Brothers.

Quand je me suis mise à faire ma propre musique, j'ai pioché dans ce répertoire. J'inclus aussi l'ère dorée de la country entre 1940 à 1965. Durant toute cette période, la production musicale a été exceptionnelle dans tous les styles. En se basant sur ce matériau, je peux bâtir mon propre style. L' " afrobilly " en résulte, quand j'assemble le rockabilly, le blues, le funk, le rythm'n blues de la Nouvelle Orléans.
L'album que nous avons enregistré avec Home Cockin s'appelle " Afrobilly Home Stew ", ce qui résume bien mon propos.


 
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Les liens :

brenda-boykin.net

Interview réalisée au
Festival de Jazz de Colmar
le 14 septembre 2002

Propos recueillis par
David BAERST et Jean-Luc

En exclusivité !

 

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