Luc Bertin
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Luc, pour commencer, peux-tu te présenter et me parler de tes premiers contacts avec la musique ?
Je suis originaire du Nord de la France, de la Picardie plus exactement.
Mes premiers contacts avec la musique, en tant qu'amateur, sont liés à l'apprentissage du Classique comme beaucoup de musiciens. Par la suite, je suis parti en Angleterre durant un an environ.
Puis j'ai déménagé à Paris où j'ai essayé de faire de la musique en tant que professionnel.
Voilà un court résumé…

Quel a été ton apprentissage exact, pour pratiquer la Musique Classique tu as du prendre beaucoup de cours…?
Oui, je prenais des cours de piano classique comme cela se faisait à cette période dans les familles.
Parallèlement à cela je profitais de la proximité de bases militaires américaines. Mon père, mon frère et mon oncle y travaillaient. De ce fait, j'ai très vite été en contact avec la musique américaine à l'âge de 5-6 ans car je pouvais m'y procurer des disques. Mes parents étaient amis avec un Capitaine " black " qui m'a fait découvrir des trucs de Blues comme BB King.

Cette musique n'était pas encore très connue en France, où la vogue était au Twist avec Les Chaussettes Noires et tout cela. C'est de cette façon que j'ai quitté le Classique pour rentrer dans l'Univers des musiques noires.

Par la suite j'ai formé un groupe au Lycée, comme je parlais déjà pas mal en anglais je me suis retrouvé bombardé chanteur. A l'âge de 19 ans j'ai décidé, avec l'organiste de ce groupe qui avait une certaine renommée dans le Nord de la France et dans les Ardennes, de devenir professionnel. L'organiste en question était Slim Batteux (voir son interview ICI, Nda) qui est encore un musicien assez connu.

Nous sommes allés, dans un premier temps, en Angleterre pour finalement revenir à Paris.
Nous avons voulu faire notre trou, ce qui a été difficile au départ mais au fil des rencontres nous y sommes parvenus.

Te souviens-tu de tes premiers contrats professionnels ?
Je ne me souviens plus très bien…
La première personne connue que j'ai rencontrée est un batteur qui s'appelle " Doudou " Weiss. Il a joué un peu avec le groupe Magma et beaucoup avec Johnny…

Je l'ai rencontré dans une boite, il m'a dit qu'il m'avait entendu chanter et que je correspondais au profil du chanteur-pianiste qu'il recherchait pour son groupe Alice. Ce dernier était signé dans une maison de disques et les répétitions se faisaient à Nancy. Je suis donc allé vivre pendant près de 2 ans à Avricourt.

Puis j'ai rencontré des gens plus connus dans la musique et nous nous sommes alors un peu orientés vers la variété. De toute façon si tu veux gagner de l'argent en France quand tu es musicien, tu dois faire de la variété…

Quel est le premier artiste, avec lequel tu as travaillé, qui t'as le plus marqué et qui te marque encore aujourd'hui ?
Je peux dire que c'est Eddy Mitchell que j'ai connu en 1978 par l'intermédiaire de Jean-Jacques Milteau. Il voulait modifier la structure de son groupe et prendre des choristes " mecs ", donc un vrai groupe de Rock, non je blague (rires)…

Ce mec m'avait toujours plu par le contact qu'il avait avec la musique américaine.
Déjà les Chaussettes Noires, à l'époque, je trouvais que c'était différent des autres groupes…
Tout comme ses premiers disques enregistrés à Londres puis, plus tard, à Nashville.

J'aimais aussi son humour et c'est avec lui que j'ai fait, pour la première fois, l'Olympia durant une longue durée, soit 1 mois ½.
J'ai joué avec Eddy 8 ou 9 ans et il reste une personne que je peux croiser et avec lequel j'ai toujours des rapports très sympas. Je sais qu'il est réputé pour être un peu " bougon " mais il est très sympa et timide en fait, je l'aime bien.

De cette période avec Eddy on garde de toi cette image des trois choristes tout de cuir vêtus, avez-vous continué à travailler ensemble, avec ce trio ?
Eddy et moi-même aimions bien Gene Vincent depuis très longtemps. Nous avons donc eu l'idée de monter un plan genre " Blue Caps " (nom du groupe qui accompagnait Gene Vincent à la grande époque "Capitol", Nda), c'est-à-dire s'habiller en bleu et mettre des casquettes bleues.

Lorsque nous avons fait cet Olympia avec Eddy, Michel Jonasz est venu nous voir et il a dit " ça me branche un truc de trois mecs comme ça ", nous avons donc travaillé pour lui par la suite.
Puis Renaud est venu nous voir sur un concert de Jonasz et a eu la même réaction. Nous avons donc aussi travaillé pour lui etc…

Le line-up de ce trio a évolué avec le temps, il y a eu Slim Batteux, Philippe Patron qui malheureusement est décédé, il y a eu Chinois (Jean-Pierre Pourret, Nda) etc…

Bref le troisième élément du trio n'était pas systématiquement le même…
La dernière fois que nous avons fait cela ensemble c'était avec Jonasz en 1993-94. Sur cette tournée, il avait des musiciens américains comme Steve Gadd et Abraham Laboriel Sr et voulait réunir une dernière fois ce trio en souvenir…

As-tu une anecdote, qui date de cette période, à me raconter ?
Oui j'ai des anecdotes …
D'ailleurs j'en parlais encore la semaine dernière à Michel Gaucher (saxophoniste pilier du groupe d'Eddy Mitchell car déjà présent à l'époque des Chaussettes Noires, Nda). On se disait que la tournée de 1980 qu'on avait faite pour Monte-Carlo et le Palais des Sports reste un grand moment. Avec Eddy, dernièrement, on se disait que c'était comme si nous étions partis en vacances…

Je me souviens aussi avoir fait les Restos du Cœur pendant 7 ou 8 ans en tant que choriste et coach vocal pour les artistes. Un jour Marc Lavoine est venu me voir en me demandant si je me souvenais de l'Olympia 78 avec Eddy et plus particulièrement d'un garçon qui plaçait les gens , vendait les programmes et venait souvent dans les loges discuter avec nous . Il m'a dit que c'était lui… En fait, je me souvenais bien de sa tête.

Sinon j'ai plein d'anecdotes avec Eddy mais beaucoup de choses que je ne peux pas raconter (rires).
J'ai un profond respect pour lui et nous avons, aussi, en commun l'amour du cinéma, du Rock'n'Roll, de Gene Vincent sans parler de son sens de l'humour. C'était un bonheur de travailler avec ce type qui n'emmerde jamais personne…

La dernière fois que j'ai bossé avec lui c'était sur l'album " Les Nouvelles Aventures d'Eddy Mitchell " sur lequel je chantais sur 2 titres.

Quelle est l'actualité de Luc Bertin aujourd'hui ?
J'ai monté des master class de chant qui se passent sur 10 semaines soit 2 mois ½ deux fois par an.
Cela me prend un peu de temps car j'ai une trentaine d'élèves…

Je travaille toujours comme musicien, soit pianiste, soit chanteur, sur des disques et je joue énormément à Paris avec des groupes dans des Clubs. J'essaye de ne pas trop me disperser en jouant dans 4 groupes.

Il y a un groupe qui reprend le répertoire Tamla Motown (Desktops, Nda) ; un groupe pur et dur de Rock'n'Roll des années 50 (Brand New Cadillac, Nda) avec Jacques Mercier, le chanteur du groupe Captain Mercier.

Je joue avec Basile Leroux en quartette depuis 3-4 ans. C'est un grand ami, nous aimons nous voir et jouer ensemble. J'ai aussi une autre formation plus orientée New-Orleans (Dr No, Nda) qui reprend des titres de Professor Longhair par exemple. Y jouent le batteur Denis Benarrosh ainsi que le bassiste Laurent Vernerey qui accompagne Johnny sur son " Flashback Tour ".

Mon autre actualité est que j'ai la grippe et le nez bien pris (rires).

Toi qui a traversé pas mal de périodes différentes comment jauges-tu la popularité des musiques roots en France actuellement ?
Je pense qu'il y a toujours eu un public pour ces musiques. Dans les années 40 c'était plus le Jazz…
Cela n'a pas vraiment varié, peut être qu'il y a plus d'intérêt chez les jeunes pour les sources de la Musique…

Très franchement je ne vois pas de gros changements entre les années 1970 et les années actuelles.
Il faut quand même savoir qu'en France 90 à 95% de la musique est de la variété. Je l'ai constaté en faisant " Les Restos " pendant 9 ans…

Je ne veux pas porter de jugements sur Goldman ou Obispo, c'est comme dans un match de rugby, on dit qu'il faut tenir compte des circonstances, ça se trouve comme ça…
La France n'a jamais été une nation Rock, ce qui est normal car la culture Rock est anglo-saxonne…

J'ai eu la chance d'être très tôt en contact avec la culture américaine. Dans un premier temps grâce à la profession de mes parents puis parce que je me suis marié à une Californienne et que je me suis longtemps installé là-bas. Donc j'ai eu un contact plus direct…

Pour te donner une idée nous avions lancé le concept "Autour du Blues", il y a quelques années. Quand des artistes comme Cabrel ou Goldman n'y participaient pas il était très dur de trouver des engagements ou ce n'était pas du tout le même tarif…
Cela veut bien dire ce que ça veut dire…

Dans la jeune génération quels sont les musiciens que tu apprécies, y'a-t'il des successeurs aux Bertin et autres Batteux ?
Oui il y a de grands musiciens. Le niveau technique est plus élevé. Il m'arrive de jouer avec des gens dont je pourrais être le père et qui sont vraiment très bons.

Je retrouve ce cas au sein du groupe hommage à Tamla Motown dont je fais partie. Il y un jeune clavier qui est formidable (Luc veut probablement parler de l'excellent Johan Dalgaard, Nda), il me demande souvent des trucs genre " raconte-moi comment c'était avant ". De ce fait, j'ai parfois l'impression d'avoir 95 ans…

Ces mecs-là écoutent beaucoup de musique, ils seraient presque plus roots que nous, c'est des bêtes !
Par contre au niveau des chœurs, c'est différent, mais cela peut être dû au fait que la production musicale française a beaucoup baissé de niveau. Il y a 20 fois moins de séances d'enregistrement qu'auparavant…

Pour terminer, quels sont tes projets, penses-tu enregistrer avec tes groupes actuels ?
Il y a peut-être un projet d'enregistrement avec l'un des groupes dans lequel je joue. Je ne sais pas encore…
Il y a peut être un truc marrant avec le groupe " fifties " mais il est trop tôt pour en parler.

Je vais peut être produire un album pour un type dont la musique n'est pas la mienne mais qui m'a beaucoup plue. J'essaye de lui trouver un contrat dans une major, ce qui n'est pas facile.

Ce qui me préoccupe le plus ce sont ces master class qui me prennent beaucoup de mon temps et qui me passionnent vraiment. Ce qui me fait le plus peur est de ne pas pouvoir me laisser suffisamment de temps pour parvenir à rester musicien…

As-tu une conclusion à ajouter ?
Vive la musique, j'espère que tout cela va continuer…

PS : Merci Luc pour m'avoir accordé cet entretien alors que tu étais grippé!
http://myspace.com/lucbertin


 
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myspace.com/lucbertin

Interview réalisée à l'
Utopia de Paris le 3 Février 2007

Propos recueillis par
David BAERST

En exclusivité !

Interview de Luc Bertin

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