Marc, dans un premier temps, peux-tu me parler
de ton cheminement musical ?
Oh, la là !
Cela remonte à longtemps, puisque j'ai commencé la musique
à l'âge de 10 ans. Au départ je ne faisais pas de
Blues et je ne pratiquais pas la guitare. C'est à la fin de l'adolescence
que je me suis vraiment plongé dans l'étude de cet instrument,
parce que j'ai découvert que l'on pouvait chanter tout en jouant
sur celui-ci. J'ai obtenu un résultat sympathique assez rapidement.
Peu après, j'ai découvert un disque de Big Bill Broonzy
qui datait de la fin de sa vie. Ce disque était paru sur le label
" Le Chant du Monde " et les textes étaient traduits
en français dans la pochette intérieure. Plein d'enthousiasme,
j'ai appris le disque par cur - bien que ne maîtrisant pas
encore bien la guitare, à ce moment là. Après ça
a été comme une pelote de laine, tu tires dessus et il y
a plein de choses qui arrivent
.
Par la suite j'ai eu la chance de rencontrer le guitariste Luther Tucker
qui était venu habiter à Bruxelles.
Ce musicien avait été guitariste rythmique pour la firme
Chess de Chicago, accompagnant des gens comme Little Walter ou
Sonny Boy Williamson II (Rice Miller), par exemple. Ce type s'était
retrouvé coincé à Bruxelles pendant 6 mois et m'avait
pris à la bonne.
Il me disait de le retrouver tous les mardis et de lui ramener une bouteille
de vin. Ainsi nous faisions de la musique ensemble avant qu'il ne reparte
aux USA. Il est décédé peu de temps après,
je n'ai jamais pu lui envoyer mon premier disque.
Peux-tu me parler de tes premières expériences
professionnelles ?
J'ai commencé tout seul, dans la rue. Je ne vais pas faire mon
" Oliver Twist " mais c'est la vérité.
Grâce à cela des gens m'ont repéré et m'ont
permis de " jouer au chaud " (rires).
J'ai attendu 8 ans avant de faire un premier album car je voulais étoffer
mon répertoire. J'ai aussi joué de la guitare électrique
au sein d'un groupe mais je suis rapidement revenu à ma formule
originelle, ma formule acoustique.
Maintenant je joue le Blues " à voile et à vapeur ".
Comment expliques-tu le succès du Blues
en Belgique et cette profusion de groupes ?
C'est parce qu'on est très malheureux (rires).
C'est parce qu'il y a un ciel si bas qu'il " fait l'humidité
" tu vois (rires) !
Donc on ne peut rien faire d'autre. Vous, en France, vous pouvez aller
tailler les vignes quand il fait beau. Pour nous, il n'y a vraiment rien
(rires). C'est un grand champ de betteraves, la Belgique (rires).
En fait je pense, en partie, que ce pays est un carrefour car pendant
longtemps tout le monde venait se battre ici.
Ils sont tous venus ! Les français, les anglais, les espagnols,
les allemands
Bref tout le monde a défilé ici.
Tout le monde continue de défiler, heureusement c'est beaucoup
plus pacifiste.
De plus comme la Belgique est proche de l'Angleterre, à une époque
nous trouvions plus rapidement les disques à Ostende ou à
Bruxelles qu'à Paris.
Historiquement parlant il y a un type nommé Yannick Bruynooghe,
qui venait de la même ville que moi, qui a recueillit les mémoires
de Big Bill Broonzy dans le bouquin "Big Bill Blues".
Ces dernières sont très largement fantaisistes mais elles
sont rigolotes à lire (rires).
Par exemple il se trompe souvent dans les dates et il ne sait plus qui
il a rencontré, disant cela avec un aplomb incroyable.
Bref il y a toujours eu un intérêt pour le Blues en Belgique,
un public, des médias et même des chanteurs pour le faire
(rires).
Je crois que tu as aussi des talents de luthier,
tu fabriques toi-même tes guitares. Comment cela t'est-il venu ?
C'est venu complètement par hasard. J'avais un luthier qui s'occupait
de mes guitares. Un jour, je suis allé chez lui en récupérer
une mais il ne l'avait pas finie. En le regardant travailler, je lui ai
stupidement demandé si ce métier s'apprenait. Ce à
quoi il m'a répondu en me disant que oui et qu'il donnait même
des cours dans une école spécialisée.
Je me suis inscrit et après une année d'attente j'ai intégré
une classe. Je fais cela depuis 7 ans, c'est devenu un vrai hobby. C'est
très bon pour les boyaux de la tête (rires).
Ce qui est fantastique, c'est que je peux me servir de l'instrument par
la suite. C'est une grande fierté de monter sur scène avec
un " truc " qu'on a fait soit même, bien qu'après
un moment on trouve cela normal (rires).
Peux-tu me présenter ton dernier album
" Second Hand Roots " (Naked/Mosaic) ?
Pour ce disque je suis retourné à mes premiers amours après
avoir tourné avec un groupe électrique. J'avais aussi fait
un album acoustique avec un combo dont faisait partie Kevin Mulligan.
Après avoir fabriqué une guitare douze cordes, j'avais envie
de rendre hommage aux gens qui m'ont transmis l'amour du Blues comme Blind
Lemmon Jefferson, Blind Boy Fuller etc
J'avais vraiment besoin de revenir à un son très dépouillé.
Dans un premier temps j'avais fait une démo pour moi, puis je l'ai
fait écouter à quelques personnes de confiance.
Quand ils m'ont dit que c'était tout à fait audible, je
me suis lancé et j'ai fait cet album. C'est un hommage à
la poésie qu'il y a dans les textes et à cette manière
particulière de jouer de la guitare. J'ai essayé de me rapprocher
de cela
Aurais-tu un message à faire passer en
conclusion ?
A un moment j'ai beaucoup tourné en Alsace ; Strasbourg, Colmar,
Mulhouse et je suis même allé jusqu'à Belfort.
J'y connaissais des organisateurs et j'avais un copain, Freddy Koella
(voir interview sur le même
site), qui est le guitariste de Willy Deville et qui habite maintenant
aux USA.
Cette source s'est tarie, je ne joue plus du tout en Alsace, donc c'est
quand vous voulez (rires) !
Website http://www.marc-lelangue.net
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