Avez
vous toujours des difficultés à faire distribuer vos disques
?
Oui et cela ne s'arrange pas. Le label Surfin Dog n'existe plus et
le distributeur non plus. Donc s'il y a preneur, je suis disponible (Rires).
En 1996 tu as joué sur l'un de tes albums
avec Carlos Johnson, qui est depuis allé enregistrer en Argentine
avec une section rythmique locale. Que penses tu de cette situation d'exil
pour les artistes américains ?
Les gens qui se battent pour essayer de vivre de leur musique - je parle
d'artistes de grande qualité qui n'ont pas la reconnaissance qu'ils
méritent aux USA - développent parfois une sorte de paranoïa.
Surtout face à des gens qui veulent bien vous faire enregistrer,
mais de façon draconienne car ils qui possèdent la maison
de disques ou la firme d'édition. Ils possèdent votre uvre,
vous n'avez rien du tout sinon le droit de toucher un petit cachet
Carlos Johnson s'est retrouvé assez paranoïaque face à
cela, coincé car ne pouvant plus enregistrer dans des conditions
habituelles. De ce fait, quand des argentins l'ont approché dans
des conditions très favorables pour lui, c'est à dire bien
traité et avec un bon capital de confiance et de respect envers
son travail, il n'a pu refuser l'offre et s'est retrouvé attiré.
Il était normal qu'il préfère faire un disque en
Argentine dans de bonnes conditions plutôt qu'aux USA où
il n'était pas respecté.
Ceci s'est fait au détriment de la qualité, surtout au niveau
de l'accompagnement musical
.
Une fois le disque enregistré, je crois que Carlos n'était
pas vraiment satisfait du résultat. Il ne serait pas vraiment content
de savoir qu'on peut le trouver ici en Europe.
Que pensez vous des artistes qui sont boudés
par rapport à d'autres par certaines maisons de disques ?
Nous sommes passés du sublime au ridicule, d'un extrême à
l'autre
Un mec comme Bruce Iglauer (patron du label Alligator, Nda) a mis
20 ans avant d'enregistrer un artiste blanc. Pour lui, tu ne pouvais pas
jouer le blues si tu étais blanc (le premier groupe blanc signé
par Alligator était Little Charlie & the Nightcats, Nda).
Maintenant cela arrive à l'extrême inverse, par exemple un
des initiateurs du Chicago Blues moderne, Little Smokey Smothers (voir
son interview à
Cognac sur ce même site, Nda), qui a appris le blues à
un blanc (Elvin Bishop, Nda) est beaucoup moins considéré
que son élève par ce même Bruce Iglauer.
On dit même que c'est le jeune artiste blanc qui aurait appris à
jouer le blues au vieux maître noir
.
Ce qui est vrai avec Bruce Iglauer, qui a depuis à mon sens développé
un très fort égocentrisme, est également vrai avec
tout un tas d'autres producteurs et propriétaires de labels.
C'est une loi de marché et d'argent
.
C'est comme à Hollywood, il y a des critères.
Si quelqu'un fait un succès avec un film où il y a des bâtiments
qui brûlent, vous aurez une dizaine de films qui suivront où
vous verrez des bâtiments qui brûlent.
Au niveau des maisons de disques, cela se passe presque pareil. Moi même
qui suis un artiste blanc qui joue de l'harmonica, qui écrit mes
propres chansons dans mon propre style, je ne pourrai pas être sur
un label traditionnel.
Ceci parce qu'il n'y a pas de précédent. Je ne corresponds
pas à un style existant et je ne rentre pas dans un moule.
C'est pourquoi il m'a fallut trouver un label complètement indépendant
et dans un autre circuit pour pouvoir enregistrer.
Cela revient toujours à une histoire de chiffres, en fonction de
ce qui se vend le mieux, ce qui peut marcher et rapporter de l'argent.
Si avec ça je ne suis pas " grillé " à
Chicago maintenant (Rires).
Les artistes blancs de blues se disent héritiers
des noirs, pourtant ils s'entourent toujours de musiciens blancs. A l'inverse
les leaders noirs s'entourent régulièrement de blancs. Tu
es l'un des seuls, avec Jimmie Vaughan et quelques autres, à avoir
formé un groupe mixte. Que peux tu dire sur cette situation ?
Pour certains musiciens, jouer de la musique est un acte spirituel et
organique à la fois.
Ils savent d'où il viennent et qui les a influencé.
Quand ils vont jouer cette musique à leur tour, ils vont le faire
avec des gens qui la connaissent, quelque soit la couleur de leur peau.
D'un autre côté, il y a ces artistes qui sont des imitateurs.
Exactement comme les ministrel shows dans les premières années
du 20eme siècle. Des Al Johnson modernes qui prennent un truc qui
marche pour le refaire, voir l'imiter. Ceci sans se mêler à
quelqu'un qui ne leur ressemblerait pas et qui ne parlerait pas de la
même façon qu'eux et dont ils ne savent rien finalement.
De surcroît c'est cela qui marche d'un point de vue financier, c'est
d'ailleurs pour cette raison qu'ils le font.
J'ai commencé ma carrière comme " sideman " (accompagnateur,
Nda) dans des groupes soit majoritairement noirs, soit avec des leaders
noirs et je n'ai jamais eu ce type de vision.
J'ai toujours joué un style de musique avec des musiciens, ceci
sans considération pour la couleur de leur peau ou leur origine
mais simplement en fonction de leurs qualités artistiques.
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