Matthew Skoller
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST
Avez vous toujours des difficultés à faire distribuer vos disques ?
Oui et cela ne s'arrange pas. Le label Surfin Dog n'existe plus et le distributeur non plus. Donc s'il y a preneur, je suis disponible (Rires).

En 1996 tu as joué sur l'un de tes albums avec Carlos Johnson, qui est depuis allé enregistrer en Argentine avec une section rythmique locale. Que penses tu de cette situation d'exil pour les artistes américains ?
Les gens qui se battent pour essayer de vivre de leur musique - je parle d'artistes de grande qualité qui n'ont pas la reconnaissance qu'ils méritent aux USA - développent parfois une sorte de paranoïa. Surtout face à des gens qui veulent bien vous faire enregistrer, mais de façon draconienne car ils qui possèdent la maison de disques ou la firme d'édition. Ils possèdent votre œuvre, vous n'avez rien du tout sinon le droit de toucher un petit cachet…

Carlos Johnson s'est retrouvé assez paranoïaque face à cela, coincé car ne pouvant plus enregistrer dans des conditions habituelles. De ce fait, quand des argentins l'ont approché dans des conditions très favorables pour lui, c'est à dire bien traité et avec un bon capital de confiance et de respect envers son travail, il n'a pu refuser l'offre et s'est retrouvé attiré. Il était normal qu'il préfère faire un disque en Argentine dans de bonnes conditions plutôt qu'aux USA où il n'était pas respecté.

Ceci s'est fait au détriment de la qualité, surtout au niveau de l'accompagnement musical….
Une fois le disque enregistré, je crois que Carlos n'était pas vraiment satisfait du résultat. Il ne serait pas vraiment content de savoir qu'on peut le trouver ici en Europe.

Que pensez vous des artistes qui sont boudés par rapport à d'autres par certaines maisons de disques ?
Nous sommes passés du sublime au ridicule, d'un extrême à l'autre…

Un mec comme Bruce Iglauer (patron du label Alligator, Nda) a mis 20 ans avant d'enregistrer un artiste blanc. Pour lui, tu ne pouvais pas jouer le blues si tu étais blanc (le premier groupe blanc signé par Alligator était Little Charlie & the Nightcats, Nda).
Maintenant cela arrive à l'extrême inverse, par exemple un des initiateurs du Chicago Blues moderne, Little Smokey Smothers (voir son interview à Cognac sur ce même site, Nda), qui a appris le blues à un blanc (Elvin Bishop, Nda) est beaucoup moins considéré que son élève par ce même Bruce Iglauer.

On dit même que c'est le jeune artiste blanc qui aurait appris à jouer le blues au vieux maître noir….
Ce qui est vrai avec Bruce Iglauer, qui a depuis à mon sens développé un très fort égocentrisme, est également vrai avec tout un tas d'autres producteurs et propriétaires de labels.

C'est une loi de marché et d'argent….
C'est comme à Hollywood, il y a des critères.

Si quelqu'un fait un succès avec un film où il y a des bâtiments qui brûlent, vous aurez une dizaine de films qui suivront où vous verrez des bâtiments qui brûlent.

Au niveau des maisons de disques, cela se passe presque pareil. Moi même qui suis un artiste blanc qui joue de l'harmonica, qui écrit mes propres chansons dans mon propre style, je ne pourrai pas être sur un label traditionnel.
Ceci parce qu'il n'y a pas de précédent. Je ne corresponds pas à un style existant et je ne rentre pas dans un moule.
C'est pourquoi il m'a fallut trouver un label complètement indépendant et dans un autre circuit pour pouvoir enregistrer.

Cela revient toujours à une histoire de chiffres, en fonction de ce qui se vend le mieux, ce qui peut marcher et rapporter de l'argent.
Si avec ça je ne suis pas " grillé " à Chicago maintenant (Rires).

Les artistes blancs de blues se disent héritiers des noirs, pourtant ils s'entourent toujours de musiciens blancs. A l'inverse les leaders noirs s'entourent régulièrement de blancs. Tu es l'un des seuls, avec Jimmie Vaughan et quelques autres, à avoir formé un groupe mixte. Que peux tu dire sur cette situation ?
Pour certains musiciens, jouer de la musique est un acte spirituel et organique à la fois.
Ils savent d'où il viennent et qui les a influencé.

Quand ils vont jouer cette musique à leur tour, ils vont le faire avec des gens qui la connaissent, quelque soit la couleur de leur peau.
D'un autre côté, il y a ces artistes qui sont des imitateurs.

Exactement comme les ministrel shows dans les premières années du 20eme siècle. Des Al Johnson modernes qui prennent un truc qui marche pour le refaire, voir l'imiter. Ceci sans se mêler à quelqu'un qui ne leur ressemblerait pas et qui ne parlerait pas de la même façon qu'eux et dont ils ne savent rien finalement. De surcroît c'est cela qui marche d'un point de vue financier, c'est d'ailleurs pour cette raison qu'ils le font.

J'ai commencé ma carrière comme " sideman " (accompagnateur, Nda) dans des groupes soit majoritairement noirs, soit avec des leaders noirs et je n'ai jamais eu ce type de vision.
J'ai toujours joué un style de musique avec des musiciens, ceci sans considération pour la couleur de leur peau ou leur origine mais simplement en fonction de leurs qualités artistiques.

 
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Les liens :

Interview réalisée au Cognac Blues Passions le 27 Juillet 2002

Propos recueillis par David BAERST

 

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