L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST | ||
Nda : Route 66 a été le premier média européen à interviewer le groupe The Delta Saints. Depuis, sans relation de cause à effet, la notoriété de ce dernier n’a cessé de croitre des deux côtés de l’Atlantique. A l’occasion de la sortie de son nouveau CD (« Death Letter Jubilee » distribué par le label Dixiefrog en Europe), c’est Ben Ringel (chant et guitare) qui a, à nouveau, répondu à quelques une de mes questions. Ce, juste avant que le quintet de Nashville ne monte sur scène… pour de nouvelles prouesses en live… Ben, depuis notre dernière interview (voir ICI), le groupe a été rejoint par un nouveau musicien. Peux-tu me le présenter et me dire si vous le connaissez depuis longtemps ? Peux-tu revenir sur le développement artistique de votre nouvel album « Death Letter Jubilee ». En combien de temps a-t-il été enregistré ? Nous avons commencé à l’enregistrer à la fin du mois de janvier et au début du mois de février 2012. Son écriture remonte, cependant, à 2010. C’est, en effet, au mois d’avril de cette année-là que nous nous sommes plongés dans les compositions qui constituent cet opus. Il y a donc eu plus de deux ans de travail avant sa publication. La plupart des chansons ont pris forme sur la route, au fil de nos tournées. Certaines d’entre elles ont même été jouées sur scène avant les sessions d’enregistrement. Cela veut dire que nous les avons testées à une centaine de reprises devant un public. Ce qui leur a permis d’être vraiment matures avant d’être gravées sur disque. Après notre première tournée européenne, qui a débuté en octobre 2011, nous sommes rentrés chez nous avec pour but de prendre le temps nécessaire pour fignoler ces titres et terminer notre travail d’écriture. Cinq ou six morceaux étaient totalement prêts avant d’entrer en studio et d’être présentés à notre producteur. Puis, nous avons étalé l’enregistrement sur plusieurs séquences durant l’année 2012. Où avez-vous puisé votre inspiration ? Tu sais, notre priorité était de continuer de faire grandir et progresser le groupe. Lorsque nous écoutons nos deux premiers EP (« Pray On » et « A Bird Called Angola », nda), nous nous rendons compte que nous en sommes satisfaits mais que, cependant, le son ne n’est pas à la hauteur de celui que nous souhaitons produire aujourd’hui. Donc, pour cet album, notre priorité a été de faire gravir une grande marche supplémentaire à cet aspect technique. Une exigence qui s’est, bien sûr, également généralisée à notre écriture et à la production. Pour en revenir à ta question, nous avons puisé notre inspiration dans le delta blues et le rock’n’roll mais avons creusé ces racines afin de proposer un style qui nous soit vraiment propre. Nos deux premiers EP, donc les douze premières chansons que nous avons écrites, étaient bons mais je considère un peu ces dernières comme des « petites boites ». Nous voulions vraiment de « grosses boites » pour ce disque. Des boites qui peuvent contenir toutes nos idées et qui permettent à notre musique de ne pas se sentir à l’étroit. Les thèmes abordés sont nombreux (les femmes, la boisson, la tristesse…) et nous essayons de les refléter avec un maximum de feeling et d’émotion. C’est ce que nous avons essayé de faire avec cet album… et de faire différemment ! Lorsque j’ai parlé avec Ben Azzi du son nouveau que nous devrions obtenir, il a trouvé le terme qui s’y prête à merveille. Il m’a dit que le son des Delta Saints, celui qui devrait définir la personnalité du groupe, est « dark New-Orleans rock’n’roll ». Il est vrai que la Nouvelle-Orléans, qui nous colle à la peau, est reconnue pour le jazz, la musique dixie et le delta blues… alors que le rock’n’roll est l’une des fondations les plus importantes de notre culture commune. Avec ce disque nous voulions vraiment aller plus loin. Aussi bien en ce qui concerne la musique que le son. En résumé, et en toute humilité, nous avions simplement comme but précis de réaliser le meilleur album qu’il nous ait été possible de faire à ce moment-là… de faire un formidable album… Depuis la sortie du disque, continuez-vous à écrire tous ensemble ? Oui, nous poursuivons dans cette voie, même si l’année suivant l’enregistrement a été davantage consacrée au « business » pur. Nous devions trouver des partenaires pour distribuer le disque, signer la pochette, réaliser le packaging etc… C’est donc davantage depuis les trois derniers mois que nous avons recommencé à écrire pour un nouveau projet. Nous ne savons pas encore sous quelle forme exacte il sortira, si ce sera un EP ou un album complet. Nous avons déjà 6 ou 7 chansons qui commencent à prendre corps et qui en sont à différents stades d’élaboration. Peux-tu me présenter J.Hall qui a produit « Death Letter Jubilee » ? Oui, bien sûr ! J.Hall avait déjà produit notre deuxième EP « A Bird Called Angola ». Nous l’avons trouvé grâce à des amis de Nashville car c’est un producteur issu de cette ville. Il a beaucoup de talent et c’est un mec formidable. Il possède ce quelque chose de différent que nous recherchions et nous sommes pour lui un type de groupe avec lequel il n’a pas l’habitude de travailler. Notre premier EP était très rock, rock progressif voire punk-rock. Ceci alors que nous sommes avant tout un groupe de blues et de rock’n’roll. Il nous a donc aidés à trouver une orientation qui soit différente de celles des autres groupes. Nous voulions retravailler avec lui car il nous apporte un certain confort. Il sait produire un formidable son en studio, il réalise un excellent travail de pré-production et n’hésite pas à délivrer de judicieux conseils s’il estime qu’une partie d’une chanson doit être retravaillée. Il sait ressentir ce qui va être bon ou pas… Nous pouvons avoir confiance en lui et savons que, s’il a une idée, il est plus que probable qu’elle soit bonne… C’est vraiment un type génial ! Comment êtes-vous entrés en contact avec le label Dixiefrog qui s’occupe de votre distribution européenne ? Je ne sais pas… Je crois que c’est par le biais de notre management américain ou de notre management européen… Peut-être nous ont-ils repérés avant notre première longue tournée européenne… Quoiqu’il en soit, nos rapports sont excellents. Philippe Langlois et les personnes qui travaillent à ses côtés sont des gens formidables. Nous pouvons leur faire une totale confiance et savons qu’ils vont faire le maximum pour accroitre notre réputation en Europe… Le groupe est-il surpris par l’intérêt que de plus en plus d’admirateurs européens lui portent ? Il serait difficile de ne pas être surpris… C’était le plus grand pari que nous nous étions fixé à nos débuts. Avant notre première tournée européenne nous étions presque seuls. Nous commencions tout juste à travailler avec Dixiefrog et Teenage Head Music (tourneur européen du groupe, nda). C’est ce que nous voulions faire donc nous avons pris le risque. Aujourd’hui nous sommes sur le point de boucler notre troisième tournée européenne et tout est allé plus vite que nous l’imaginions. Nous sommes vraiment reconnaissants envers tous ceux qui croient en nous (Teenage head Music, Dixiefrog…) et qui font le maximum pour nous aider. C’est une expérience incroyable que nous allons poursuivre… A ton avis, la réputation du groupe est-elle étroitement liée à ses qualités scéniques et à ses prestations en live ? Oui… je le crois, enfin je l’espère ! C’est une bonne chose et nous nous rendons compte que nous prenons un plaisir énorme à nous produire sur scène. Nous aimons le fait de nous retrouver en studio car c’est un superbe espace de créativité, qui nous donne beaucoup de satisfaction… cependant, notre feeling sur scène est totalement différent. Se retrouver au milieu des lumières et des amplis déclenche une montée d’adrénaline que l’on ne retrouve pas ailleurs. Fabriquer un mur de son est une tâche que nous adorons ! Nous y puisons notre énergie… que nous essayons de transmettre aux gens qui assistent à nos concerts. C’est une chose magique dans la mesure où nous y prenons aussi beaucoup de plaisir, en faisant abstraction des forces dépensées en dehors de la scène (kilomètres parcourus, nuits courtes…) et des 30 concerts que nous avons donné durant les 5 dernières semaines. C’est donc fun et je crois que les spectateurs constatent notre implication dans ce domaine. C’est probablement pour cela que nous avons une bonne réputation (rires) ! A titre personnel, penses-tu que votre musique a beaucoup changé depuis les débuts du groupe ? Oui, beaucoup… On m’a déjà posé cette question il y a environ deux mois, dans le cadre d’une interview par e-mail. Tu sais, lorsque nous avons commencé à jouer ensemble nous avions aux alentours de 20-21 ans. Aujourd’hui nous en avons 25 ou 26 ce qui ne semble, bien sûr, pas constituer une différence énorme. Cependant je peux t’affirmer que l’on « grandi » beaucoup entre 20 et 26 ans. Dans la vie, en général, c’est là que l’on arrête ses études, qu’on trouve un job et que l’on part de chez ses parents. C’est à ce moment-là que le monde et la vraie vie, avec ses avantages et ses inconvénients, s’ouvrent à toi. De ce fait, par la force des choses, tu grandis au fond de toi et tu n’as plus la même vision qu’auparavant. C’est une chose qui est également évidente en musique. Nous aimons nos premières chansons qu’il nous arrive encore de jouer sur scène. Mais si tu écoutes « A Bird Called Angola » puis « Death Letter Jubilee », je pense que tu constateras comme moi un certain progrès. Avant notre son était brut de décoffrage alors qu’il est devenu, avec le temps, un peu plus affiné tout en développant son côté rock’n’roll. Il y a plusieurs sources de progrès, notre style est devenu plus complet… De quelle scène musicale le groupe se sent-il, aujourd’hui, le plus proche ? Tu auras des réponses très différentes en fonction des membres du groupe auxquels tu poseras la question. A titre personnel, j’ai commencé en me passionnant pour RL Burnside et Howlin’ Wolf… ce que je continue de faire ! J’aime tous les grands songwriters, les gens qui racontent de belles histoires quelque-soient leurs registres musicaux respectifs (rock, blues, country, folk, pop…). Pour moi, le plus grand reste Townes Van Zandt… oh mon Dieu, j’ai le cœur brisé à chaque fois que je l’entends chanter. Bien sûr, je suis aussi un grand admirateur de Woodie Guthrie et de Son House… ce dernier c’est vraiment « The Man ». Il suffit de l’entendre chanter « John The Revelator», a capella tout en tapant dans ses mains, pour être bouleversé. C’est l’un des chants les plus honnêtes de toute l’histoire de la musique. En même temps, ce titre à un côté très rock’n’roll. Quand j’entends ce morceau, il y a toujours quelque chose qui résonne en moi. J’imagine Stephen jouer de l’harmonica dessus… c’est vraiment fun ! Que penses-tu de groupes récents, tels que les Alabama Shakes, qui comme vous ont tendance à revivifier ce genre musical ? Je les trouve incroyables ! Depuis les années 1970, jusqu’à récemment, le blues n’évoluait plus. Il restait froid et figé… Il y a bien sûr eu des artistes formidables qui sont apparus sur cette scène musicale. Cependant ces derniers restaient sur les acquis de cette musique et ne l’ont pas beaucoup fait évoluer. Puis il y a eu les Black Keys, les White Stripes et maintenant les Alabama Shakes qui viennent frapper à la porte. Avant eux, beaucoup de jeunes de mon âge n’avaient jamais entendu parler de blues ou ne connaissaient que très peu cette musique, en dehors des noms incontournables (Ben cite Stevie Ray Vaughan et Jimi Hendrix, nda). Aujourd’hui le blues redevient « cool », c’en est même impressionnant. Le groupe Alabama Shakes a sa part de responsabilité dans ce phénomène. Il constitue une belle représentation de cette nouvelle génération. Quant aux Black Keys et aux White Stripes, leur apport a été énorme. Voir ces gens jouer dans un style proche de celui de Blind Lemon Jefferson, tout en y apportant un souffle nouveau, est formidable. C’est une chose que j’apprécie sincèrement, tout comme les autres membres de The Delta Saints. Il faut dire que nous suivons la même ligne artistique en essayant d’imposer notre propre style. Nous essayons de transmettre le virus du blues à des gens de mon âge, qui n’avaient pas idée de ce qu’est vraiment cette musique. C’est « cool » d’appartenir à cette vague artistique ! Dans le futur, souhaiterais-tu à enregistrer dans une autre ville que Nashville ? Nous avons failli enregistrer « Death Letter Jubilee » à la Nouvelle-Orléans. Nous y avions même trouvé une superbe maison, qui a la réputation d’être hantée, et loué les services d’un ingénieur du son. Malheureusement, ce dernier a été retenu en Angleterre pour des problèmes d’immigration. Nous continuons, malgré tout, d’avoir des projets farfelus comme de nous isoler dans une montagne et d’enregistrer dans une caverne. Quand tu travailles dans des conditions un peu plus inconfortables, tu peux davantage te concentrer sur ce que tu fais. Ceci parce que tu ne risques pas d’être diverti par les distractions qui t’entourent habituellement… où les endroits familiers dans lesquels tu as tes habitudes. Donc, en effet, j’aimerais enregistrer un album à la Nouvelle-Orléans… j’aimerais vraiment ! Avec quels artistes, musiciens ou techniciens le groupe souhaiterait-il travailler dans l’avenir ? Souhaites-tu ajouter une conclusion à cet entretien ? Merci encore pour ton soutien promotionnel qui continue de nous aider, afin de « grandir » davantage en Europe ! Remerciements : Manny Montana et Max (Teenage Head Music) www.thedeltasaints.com
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thedeltasaints.com Interview réalisée au Propos recueillis par En exclusivité !
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