Nda : Cette retranscription reprend les moments forts de l’entretien réalisé avec l’artiste, lors de sa venue dans l’émission Route 66 le 30 janvier 2013 (voir le reportage ICI).
Thomas, afin de débuter cet entretien, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Thomas Schoeffler Jr et suis originaire de Mulhouse. Actuellement, j’habite à Strasbourg, porte une barbe, des chemises à carreaux, des chaussures pleines de boue et des jeans qui n’ont plus d’âge (rires) !
Je pense que cela me résume assez bien…
De quelle manière es-tu tombé dans le grand bain des musiques roots américaines ?
Cela doit, finalement, remonter à assez loin…
J’ai toujours été très fan de ce genre de musiques. J’aime les westerns et la country en règle générale. Cependant, j’ai un peu mis ça de côté vers l’âge de 14 ans, lorsque j’ai découvert des groupes comme Nirvana. A côté, Bob Dylan me semblait un peu moins « reluisant » à ce moment-là (rires). Puis, j’y suis revenu et ne m’en suis jamais défait. Par contre, je ne pourrais pas expliquer d’où ces goûts proviennent…
A partir de quand t’es-tu lancé dans l’apprentissage de la musique ?
On m’a offert une guitare alors que je devais avoir 8 ou 9 ans… A l’époque mon père m’avait appris à jouer la musique du film « Le Train Sifflera Trois Fois », sur une corde et avec le pouce…
Finalement, j’ai mis cet instrument de côté et ne l’ai plus travaillé jusqu’à mes 20 ans. On peut donc en déduire que j’ai commencé tardivement…Je gratouillais un peu au Lycée mais il y avait toujours un gars dans la classe, qui jouait vachement mieux que moi « The Wall » de Pink Floyd ou un solo d’Hendrix (rires).
Donc, j’ai été un peu écœuré et n’ai repris cette guitare que pour faire des chansons, pour m’amuser, avec un pote. J’ai appris les accords par moi-même en utilisant des tablatures.
Le « vrai » travail est venu tardivement et ce n’est qu’il y a une dizaine d’années que je me suis dit «tiens, je vais bosser cet instrument un peu plus sérieusement… ».
Quelles étaient alors tes influences et tes guitaristes de prédilection ?
J’étais un grand fan de Jimmy Page et, comme beaucoup de musiciens, de Led Zeppelin en règle générale. En fait, je suis passé de Goldman à Led Zeppelin en un mois (rires) !
Quand j’ai commencé à jouer de la gratte, j’étais aussi très intéressé par le mouvement grunge. De ce fait, pour moi, l’intérêt principal d’une guitare à mes débuts était de faire des barrés avec de la saturation à fond ! Ce n’était pas très technique…
C’est probablement Neil Young qui est le chanteur-guitariste-harmoniciste qui m’a le plus influencé dans ce que je fais aujourd’hui. Sinon, je n’avais pas vraiment de modèle et ne me disais pas « tiens, j’aimerais jouer à la manière d’untel ou d’untel… ». Tout ce que je savais, c’est que je voulais m’engouffrer dans le monde des musiques américaines un peu anciennes. Ceci sans vouloir ressembler à un artiste en particulier…
Neil Young est un artiste que l’on peut aussi bien apprécier pour la teneur de ses textes que pour sa musique. A titre personnel, qu’est-ce qui te touchait le plus chez lui ?
C’est vraiment sa musique, d’autant plus que je ne comprenais absolument rien, ou pas grand-chose, à ses textes. Lorsque j’ai commencé à l’écouter, je n’étais pas forcément attaché aux paroles…
Par contre j’étais touché par sa musicalité et la sensibilité qu’il déployait. Il pouvait faire des très rocks avec des solos de 20 minutes (très denses et appuyés) comme sur « Cowgirl in the sand » ou des petites balades avec une voie toute aiguë et très haut perchée. Ce grand écart entre plusieurs styles, tout en restant la même personne qui déroule la même musique, me plaisait bien.
As-tu également été touché par l’image qu’il pouvait véhiculer ?
Oui, bien sûr, cela me plaisait beaucoup… En plus, lui aussi portait des chemises à carreaux et des vieux jeans (rires) !
Quand et comment as-tu commencé à te produire plus « sérieusement ». As-tu intégré des groupes et, si oui, peux-tu m’en parler ?
Mes premiers concerts sont, il est vrai, liés à mon tout premier groupe qui, au départ, n’était qu’un duo. Il s’appelait Just Bourre. Puis nous sommes devenus un trio…
Il faut bien reconnaître que c’était assez « bordélique ». Il n’y avait pas de batterie, juste deux guitares… un grand n’importe quoi ! Ceci dit l’ensemble était très joyeux et c’est cela qui m’a permis de faire mes premières scènes. Ensuite, j’ai intégré un autre combo, répondant au nom de Supple Lady Date. Nous étions quatre (batterie, basse, guitare et chant). J’en étais le guitariste et nous avons joué deux ou trois ans sur Strasbourg. C’est au sein de ce groupe que j’ai commencé à travailler plus sérieusement et essayé de développer quelque chose.
Chacun est parti dans sa direction et, à titre personnel, j’ai vraiment eu envie de revenir à mes premières amours, c’est-à-dire les vieilles musiques américaines. J’ai donc commencé à privilégier la guitare acoustique au détriment de la saturation. Mon concept a commencé à émerger à ce moment-là…

Le fait de te produire sous l’appellation de one-man band était donc un choix ciblé ?
Mon genre musical supporte très bien le dénuement. On peut jouer un vieux morceau acoustique (country ou autre) sur deux cordes. J’avais besoin de cela, surtout après ces expériences avec des groupes qui me semblaient parfois faire des choses un peu compliquées… Je me suis dit « on peut très bien faire une chanson avec deux accords, une note d’harmonica et un poum en tapant du pied sur quelque chose… ».
Entre le moment où je me suis dit ça et mes débuts en tant que one-man band, il a du se passer 5 ou 6 ans. Tu vois, il y a eu un grand moment durant lequel, je ne pensais pas que ce projet puisse intéresser qui que ce soit…
Quelles ont été tes premières connections dans le milieu musical ?
Avant ce projet en solo, je n’en avais pas beaucoup…Pour commencer à me produire, j’ai beaucoup démarché les bars sur Strasbourg et ses environs. Par cet intermédiaire, j’ai rencontré des personnes membres d’associations locales. Zone 51 est la première à m’avoir programmé sur des évènements conséquents. Tout s’est rapidement enchainé à partir de là. Par exemple, des gens de La Laiterie (Artefact PRL) et de la Fédération Hiéro sont venus vers moi.
As-tu eu, à ce jour, l’occasion de rencontrer d’autres one-man bands ?
J’en connais assez peu. D’autant plus que je suis resté « enfermé » dans mon grenier pendant quelques années, afin de préparer ce que je propose aujourd’hui.
Je ne regardais que très peu ce qui se passait autour de moi. Je n’ai découvert que récemment qu’il en existe beaucoup. Je pensais être un musicien très original et j’ai été très déçu de constater que ce n’est absolument pas le cas (rires).
Je connais bien Dirty Deep, que tu recevras bientôt dans ton émission, car nous faisons régulièrement des concerts ensemble. Il y a aussi Chicken Diamond en Lorraine, King Automatic qui a déjà une belle renommée, Tequila Savate que je ne connais que de réputation. C’est un genre qui marche bien !
Enfin, Au-dessus de tous, je place Scott H Biram qui est, à mon sens, le meilleur. Je l’écoute beaucoup !
Parmi les pionniers du genre, en apprécies-tu certains ?
Assez peu car je n’ai découvert que tardivement Hasil Adkins. Je l’apprécie beaucoup, il est l’un des premiers à avoir été connu de la sorte.
On peut aussi dire que tout bluesman qui tapait du pied était un one-man band à sa manière. De ce fait, je serais tenté de classer des gens comme John Lee Hooker dans ce registre. Sinon, je ne connais pas forcément très bien l’historique de tous les artistes qui sont classés dans ce genre musical.
Tu parviens à mixer un son très roots (blues, country music…) à des sonorités plus contemporaines. De quelle manière parviens-tu à allier ces deux éléments ?
Cela tient à la fois du hasard et de ma manière de travailler. Je n’ai pas de contrainte matérielle car je n’ai pas beaucoup d’instruments. Je ne possède qu’une guitare acoustique et une guitare électrique qui ont le son qu’elles ont. Ce n’est qu’au moment d’enregistrer que j’utilise des amplis plus « sympas » afin de fignoler tout cela.
L’idée de départ et de conserver les sonorités les plus naturelles et de mettre peu d’effets, en dehors de quelques distorsions. Je ne tiens pas à utiliser davantage d’effets. Si cela sonne « moderne » tant mieux mais c’est, peut-être, simplement lié au fait que le rock actuel revient à l’essence même du genre.
Ce sont des choses qui ne seront jamais démodées, il y aura toujours un public heureux d’écouter une bonne vieille gratte légèrement saturée avec un gros « boum » derrière (rires) !
Finalement, comment définirais-tu ton style ?
En général je parle de country-blues…Si on me connait davantage pour le blues, la country music est aussi très présente dans ma musique… surtout sur mes titres acoustiques (Thomas est, entre autres, un grand appréciateur du répertoire de Hank Williams, nda) !

Y’a-t-il des thèmes récurrents parmi les sujets que tu abordes ?
C’est rarement des thèmes très joyeux…
De manière générale, j’évoque le quotidien comme la difficulté pour se lever le matin afin d’aller travailler pour un patron qui ne t’apprécie pas et qui ne te traite pas très bien. La difficulté de rentrer à la maison dans une baraque pas toujours très bien chauffée et avec une nana qui n’est peut-être plus là. Je parle beaucoup de la solitude…
Je tiens à représenter ces choses-là de manière joyeuse en me disant « ce n’est pas facile tous les jours, notre monde n’est pas évident, on est pas toujours armé face à ce quotidien mais il y a des moments durant lesquels on a le droit de souffler et de se dire que même si ce n’est pas cool on peut essayer de relativiser… taper du pied et boire une bière » !
Tu essayes donc de donner un aspect social à tes chansons…
Peut-être, même si je me défends d’être un Woodie Guthrie ou un Bob Dylan.
Je ne possède pas cette vocation…
Par contre, je me rends compte que j’aime bien avoir une espèce de dimension sociale dans ce que je fais. Je préfère parler de choses pour lesquelles je suis un peu concerné sans revendiquer quoique ce soit. Je veux simplement dire que ce n’est pas toujours très simple…
Tu apportes un soin particulier à tes vidéos promotionnelles. On s’en aperçoit notamment pour le morceau « High high and low », dont le clip a été construit à partir d’images du film « Häxan » (long métrage dano-suédois sorti en 1922 et réalisé par Benjamin Christensen). Es-tu un cinéphile « fou d’images » et, a fortiori, de cinéma expressionniste ?
J’aime beaucoup le cinéma mais j’ai surtout la chance d’être entouré par de véritables fanatiques du 7ème art. Durant mes années passées au Lycée, j’ai vu énormément de films (et entre autres d’horreur). De par mon entourage, j’ai « baigné » dans tout cela.
David Fimbel, qui a réalisé le clip en question, est un réalisateur très pointu.
Ensemble, pour cette chanson, nous nous sommes dit qu’il serait idéal d’emprunter des passages de « Häxan », au sein duquel règne une ambiance incroyable. Nous l’avons donc « remonté » sur cette musique et nous sommes très satisfaits du résultat… qui fonctionne très bien !
Cherches-tu à véhiculer une image en particulier ?
Au-delà de la chemise à carreaux, de la barbe et de la boue sur les chaussures… non pas vraiment (rires) ! Je n’espère pas en fait !
Outres quelques maquettes avec tes premiers groupes tu as, à ce jour, sorti un EP et un album. Pourrais-tu me présenter plus en détails ce dernier « Daddy’s Not Going Home » ?
Il s’agit du premier véritable disque pour lequel j’ai pu passer quelques jours en studio, afin d’y apporter tout le soin nécessaire. J’y ai ajouté de l’électricité car mon EP a été réalisé dans une formule totalement acoustique.
J’avais envie de faire quelque chose qui se rapproche au maximum du live. De ce fait, tout a été enregistré en même temps (chant, guitare, harmonica et tambourin). J’ai simplement ajouté quelques pistes de guitare afin d’étoffer certaines prises. L’idée de départ était de retranscrire l’énergie de la scène avec un son amélioré.
J’espère avoir réussi !
La scène a vraiment une importance énorme à tes yeux…
C’est quelque chose de primordial, d’ailleurs je préfère passer davantage de temps sur la route qu’en studio. Pour un musicien, le cœur de l’action est de pouvoir être sur scène et de jouer devant des personnes.
Quel est le mot de la fin que tu souhaiterais ajouter à cet entretien ?
Merci pour cet accueil et, pour terminer, je n’aurais qu’un mot à dire… Yeeee Haaaa !!!
https://www.myspace.com/thomasschoefflerjr
https://www.facebook.com/pages/Thomas-Schoeffler-Jr/124592234277701
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