Alex Keiling (The Wooden Wolf)
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST


Nda : Artiste à l’univers singulier et fascinant, Alex Keiling dit The Wooden Wolf était l’invité de l’émission Route 66 le 6 mars 2013 (voir reportage ICI). Voici la transcription de la quasi-intégralité de l’entretien réalisé alors…

Alex, tes origines semblent entourées d’un voile de mystère. Peux-tu revenir sur celles-ci ?
Je suis originaire d’un archipel français d’Amérique du Nord. A savoir Saint-Pierre-et-Miquelon, qui se situe à 25 kilomètres au sud de l’île canadienne de Terre-Neuve. C’est une chose assez « spéciale » car ce n’est pas vraiment la France mais il ne s’agit pas pour autant du Québec ou du Canada. Lorsqu’on y vit, on est un peu perdu…ww

Est-ce là-bas que tu as grandi ?       
J’y ai vécu jusqu’à l’âge de 3 ou 4 ans, puis je suis venu en France…

Dans un texte biographique, que l’on trouve sur internet, il est indiqué que tu as trouvé ta première guitare dans un grenier. Mais que faisais un jeune garçon comme toi dans un grenier ?  
On va dire qu’il s’agissait plutôt d’une espèce de cagibis, en plein cœur d’une maison alsacienne avec cave, grenier etc…   
C’était la guitare de ma maman. Cet instrument, le pauvre, n’était pourvu que de trois cordes. En fin de compte, cela tombait bien car pour jouer des morceaux du groupe Nirvana, je n’avais pas besoin de plus de trois cordes… deux suffisaient !   
Puis je l’ai « rhabillé » avec de nouvelles cordes et c’est parti !

Tu as donc grandi dans un environnement musical. Tes parents sont-ils amateurs de ce type d’art ?
Je vais répondre par un grand oui !  
Mes parents sont extrêmement mélomanes, même s’ils ne sont pas musiciens (mais ma mère chante). Je trouve que la manière dont ils ont « bombardé » leurs enfants de très bonne musique est extraordinaire. De plus leurs goûts sont très éclectiques… 
Je leur suis très reconnaissant de m’avoir transmis cet amour avec tant de passion.

Quels sont, justement, les sons que tu entendais à la maison lorsque tu étais petit ?  
Cela allait de la berceuse en swahili (métissage de langues africaines, d’arabe et du persan, nda) aux contes russes, en passant par la musique classique, Leonard Cohen, Pink Floyd etc…  
Il y avait de tout… C’était la diversité poussée à son paroxysme…

Es-tu longtemps resté fidèle aux musiques que tu entendais chez toi ou, au contraire, as-tu rapidement décidé de « changer de guitare de main » afin de partir à l’assaut de styles qui t’étaient plus personnels ?   
Très tôt, je me suis porté vers des sons nouveaux car mes parents n’écoutaient pas ACDC ou des trucs comme ça (rires) !
J’ai deux frères, un plus petit et un plus grand… J’étais très influencé par ce dernier, à un âge où on a envie de « faire les durs ». Ensemble, nous nous sommes jetés sur les CD de Nirvana, nous écoutions ce groupe à fond !   
Puis, nous nous sommes mis à rechercher des vieux vinyles dans les marchés aux puces. Ainsi, nous avons découvert Black Sabbath… j’adorais ça !
De son côté, ma mère me poussait à écouter Leonard Cohen en me disant « mais pourquoi écoutes-tu ce bruit ? ». Plus tard, je me suis rendu-compte que l’on revient toujours à Leonard Cohen, c’est drôle…

Une fois cette fameuse guitare trouvée. As-tu appris à en jouer seul, ta mère t’en a-t-elle enseigné les rudiments ou as-tu pris des cours ?
 En fait, j’ai commencé une véritable éducation musicale en jouant du saxophone au Conservatoire alors que j’étais très jeune. J’ai commencé à m’ennuyer en interprétant continuellement le thème de « La Panthère Rose » (écrit par Henry Mancini, nda). Ce morceau semble être le summum alors qu’il est plutôt simple à jouer. 
 Le fait que je mette un terme à cette expérience a causé un grand chagrin à mes parents. Je suis donc revenu à la musique par le biais de cette guitare. Ceci dans un registre davantage orienté vers le rock. Ma mère m’avait dessiné quelques grilles avec trois ou quatre accords et c’est parti comme cela. Par la suite, j’ai continué mon apprentissage tout seul…ww
C’est un instrument assez ludique et facile, pas comme un violon.

Parallèlement à cela, je crois que tu as très rapidement commencé à écrire tes propres morceaux… Oui, c’est venu naturellement sous la forme d’une certaine rébellion. Quand j’avais quatorze ou quinze ans, j’écrivais principalement des chansons sur la religion ou des trucs tels que cela (rires) ! Puis, la vraie vague m’a submergé un ou deux ans plus tard… à la suite d’un chagrin d’amour. C’est à ce moment-là que le terme de musicothérapie a pris un réel sens pour moi. Alors que je me sentais perdu, tout est « sorti » de cette manière.
  Après cette chanson sur le chagrin d’amour en question, je me suis senti beaucoup mieux…

Ton environnement familial est-il aussi à l’origine de ton amour des mots, est-ce lui qui t’a inculqué toutes les valeurs littéraires que l’on peut aujourd’hui retrouver dans ton art ?
Mes parents sont également de grands amateurs de littérature. Ils possèdent une grande bibliothèque…
 Les premiers auteurs ou livres qui m’ont marqué ne sont pas forcément les plus « glorieux ». Je pense à « Le Vieux qui Lisait des Romans d’Amour » (roman chilien de Luis Sepulveda, nda), « Le Lion » de Joseph Kessel et à quelques romans d’enfance comme « Le Poney Rouge » de John Steinbeck ou «L’Enfant Et La Rivière » d’Henri Bosco…

Là aussi, il s’agit d’auteurs venus d’horizons très différents. La diversité a été, très tôt, ton maitre mot… quelque-soit le domaine…
Oui, j’ai vraiment eu cette chance là…

A partir de quand as-tu commencé à présenter tes morceaux à un public ? Etait-ce seul ou au milieu d’un groupe ? 
J’ai commencé à interpréter des chansons dès que j’ai écrit mes premiers morceaux.
En fait, nous avons toujours chanté à la maison. C’est ce que me disaient mes amis « c’est complètement dingue lorsqu’on arrive chez vous, tout le monde chante dans un coin… même en faisant d’autres activités ! ». C’est donc de cette manière que nous avons appris à chanter et à faire des tierces…  
 C’est venu très naturellement, merci maman !
 J’interprétais les titres que je venais de composer… et si les gens aimaient, je les rechantais…

Avant de te produire sous le nom d’Alex Keiling & The MaryJill Band, as-tu connu d’autres expériences de groupes ?
 Non, c’était ma première expérience. J’avais fait des choses en solo auparavant, mais je les ai gardées pour moi…

C’est donc dans cette formule que tu as signé ton premier album… 
 Oui, c’est d’ailleurs une première expérience extrêmement riche, qui a été réalisée en compagnie de deux amis de longue date (le percussionniste Brice Gil et la violoncelliste Marie Langenfeld, nda).

Tu nous reviens, avec un nouveau CD, sous le pseudonyme de The Wooden Wolf. Pourquoi as-tu choisi ce nom et comment pourrais-tu me présenter ce « concept » ? 
Je ne sais pas si on peut vraiment parler d’un concept… 
  J’écris beaucoup de ballades et de chansons qui ne nécessitent pas forcément d’arrangements ou de percussions. Je devais être un peu frustré de devoir les garder dans un tiroir… davantage que celles prévues pour ce groupe avec lequel je me suis bien amusé.

Sur ce disque, « 14 Ballads Op.1 », figurent les dates « 1886-1979 ». Un peu comme si The Wooden Wolf était un personnage « fantasmagorique » qui aurait existé, au moins dans ton imaginaire. A quoi correspondent-elles ?
 On va laisser agir cette « fantasmagorie » et ne pas dévoiler les dessous du décor…

Peux-tu revenir, en détails, sur l’élaboration de cet album ?
L’atmosphère de la bibliothèque, au cœur de laquelle le CD a été enregistré, se dégage vraiment de celui-ci. Les lumières étaient tamisées, j’ai bu un petit coup et je me suis laissé aller… L’enregistrement s’est déroulé simplement, en toute spontanéité. Il n’y avait qu’un petit micro pour capter la voix et la guitare, avec des réglages de base. Je n’ai rien mixé, le résultat est brut.
 La plupart des groupes louent des studios et balancent les morceaux, moi il m’arrivait de laisser passer un mois entre la captation de deux chansons. Le but était de conserver la fraicheur d’un titre et de l’interpréter dès qu’il était prêt.

Le fait d’écrire est-il un acte automatique chez toi ?
 Oui, je ne peux pas dire autrement…   
 Je parlais de musicothérapie auparavant et c’est vraiment ça !
 Je laisse tout sortir… Je prends cela comme une chance. Je m’inspire d’un livre, d’une musique ou d’une situation et je brode par-dessus, je colorie…

Paul Eluard est, bien sûr, cité sur cet album puisque tu t’es inspiré de deux de ses textes. Que représente-t-il pour toi et est-ce le seul auteur du mouvement surréaliste que tu apprécies ?
J’ai commencé à l’apprécier assez tardivement mais, lorsque je l’ai découvert, j’ai vraiment constaté une différence énorme avec tous les autres poètes dont on nous bombarde à l’école… comme Baudelaire et Verlaine. Ces derniers sont, bien sûr, très doués mais Eluard à ce côté « alternatif » et « je fais ce que je veux » qui me plait bien. Il peut écrire un texte qui tient sur trois phrases ou sur deux pages, sans aucune rime et sans aucun pied…
 Malgré cela, il en ressort toujours une certaine puissance. Il ne travaille ni les allitérations, ni les figures de style… je me sens vraiment imprégné lorsque je le lis. C’est comme une photo qui ne serait pas retouchée par un quelconque logiciel. C’est un peu lugubre mais il se passe quelque chose. Il y a une dynamique et un message que l’on peut interpréter comme on veut. Il est vraiment très fort…

Par son intermédiaire, as-tu découvert d’autres auteurs issus du surréalisme ?
 Non j’ai appris l’existence du mouvement surréaliste à l’école avec d’autres auteurs. Lui est venu par la suite, via une recherche personnelle. C’est par esthétisme que j’ai accroché…

Puisque tu parles d’esthétisme, t’es-tu arrêté à la littérature surréaliste ou t’es-tu aussi intéressé à d’autres courants issus de cette vague, comme la peinture ?  
Oui mais, en matière de peinture, je ne suis pas très porté par le mouvement surréaliste. D’ailleurs, si j’adore Paul Eluard, cela fait-il de moi un surréaliste ?  
 Je m’intéresse aux sessions d’hypnose que réalisait André Breton avec Philippe Soupault. Je trouve que ces expériences sont géniales, on part dans une autre dimension…
 En dehors de cela, je ne peux pas me revendiquer comme étant un adepte du surréalisme…

Tu reviens d’une tournée, qui a particulièrement bien fonctionné, au Portugal. Peux-tu évoquer cette expérience, auprès d’un public que tu découvrais alors ?
C’était formidable…  
  On est venu me « pêcher » sur le site Youtube, pour m’emmener au Portugal. J’y ai rencontré des gens et un pays merveilleux. Si je suis revenu très fatigué physiquement, je suis depuis rempli d’une autre énergie. Il faut que je retourne là-bas (rires) !

Sur un point de vue musical, le public y semble très au fait de ce qui se passe…
 Oui, j’en étais très surpris. Le Portugal semble être un pays « perdu » alors que j’y ai rencontré des gens possédant une culture musicale particulièrement riche. J’y ai appris plein de choses…
 Ils sont très doués car, bien que leur nation soit en crise, ils y font bouger les choses avec force et avec un enthousiasme à toute épreuve.

Tu es en constante recherche artistique. Quels sont tes projets ?
Je ne cherche pas les morceaux. En fait, je les trouve ou c’est eux qui me trouvent…
Je n’ai jamais eu le sentiment que je voulais écrire mais plutôt l'impression que quelque chose doit sortir de moi. Je me sens mieux après…
J’écris donc en permanence et j’enregistre au fur et à mesure…
Rien n’est figé, tout vient naturellement. J’ai donc, comme tu le devines, un nouvel album en gestation.   
J’avais aussi l’intention d’aller vivre à Berlin, où la scène artistique est particulièrement vivace. Cependant, si la sauce commence à prendre ici, ce serait peut-être du « sabotage » de partir maintenant. J’attends de voir…

Souhaites-tu ajouter une conclusion ? Merci à tous (rires) !

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Interview réalisée au
Studio RDL
à Colmar le 6 mars 2013

Propos recueillis par
David BAERST

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