2016, l’an 1 du Tulsa Sound en France
Coincée au centre d’un conglomérat de villes réputées pour leur apport aux musiques populaires américaines (Memphis, La Nouvelle-Orléans, Nashville, Détroit, Chicago, Austin…), la municipalité de Tulsa demeure discrète quant à son exceptionnelle richesse et diversité sonore.
Le premier hit national à mettre à l’actif d’un artiste issu de Tulsa est la chanson « So young » (couplée à « Hoy hoy » sur un simple, édité en 1957, par un label répondant au lumineux nom de Candlelight Records) interprétée par Clyde Stacy & The Nitecaps. Un groupe dont le guitariste, John D. Levan (intronisé au Rockabilly Hall Of Fame en 2004)accompagne, par la suite, une autre gloire locale du rock’n’roll, Gene Croce. Il est, aujourd’hui, considéré à juste titre comme le chef de file de la musique issue de la deuxième plus grande cité de l’Oklahoma.
Sur ses traces, dès 1959, un jeune homme (en fait natif du Missouri, mais installé en ville dans la décennie) commence également à faire humblement parler de lui dans le microcosme du rock’n’roll. Rocky Frisco (né Don Roscoe Joseph III) sort, en effet, cette année-là l’album « The Big Ten » sous le nom de Rocky Curtiss and the Harmony Flames. Un disque, enregistré aux mythiques studios de la firme Columbia de New-York, devenu aussi culte que son rayonnement a été confidentiel.
Un « coup d’épée dans l’eau » qui, au final, n’est pas vain dans la mesure où le musicien met à profit cette première expérience professionnelle. Ceci en aidant l’un de ses amis de jeunesse, un certain J.J. Cale, à façonner un style unique qui, dès la deuxième partie des années 1960, définit à tout jamais l’ADN de la musique venue de Tulsa.
Deux musiciens majeurs donnent un rayonnement international à la musique de l’Oklahoma. J.J. Cale, bien sûr, dont le style emprunte aussi bien à la country music (Hank Williams), au blues (Jimmy Reed), au jazz swing (Django Reinhardt) qu’à certains artistes qui ont déjà l’habitude de mélanger les genres (Chet Atkins, Les Paul). Le terme « laid-back » (venant du jazz mais qui caractérise à lui tout seul le Tulsa Sound) semble être inventé pour lui, en raison d’une apparente nonchalance et surtout d’un placement légèrement en retrait du temps.
En l’espace de 16 albums (qui sortent entre 1971 et 2009) l’homme signe quelques chansons majeures qui deviennent toutes des classiques repris par nombre de ses pairs (« After midnight », « Cocaine », « Call me the breeze », « Crazy mama », « Don’t cry sister », « Cajun moon »…). Ainsi Eric Clapton demeure l’un de ses meilleurs interprètes-collaborateurs et amis, alors que Mark Knopfler revendique l’héritage de Cale dès les premiers disques de son groupe Dire Straits.
Pourtant si le regretté chanteur guitariste (1938-2013) demeure incontestablement l’incarnation du Tulsa Sound, il n’hésite pas à enregistrer dans des studios plus ou moins éloignés de sa ville de prédilection (Nashville, Muscle Schoals etc.). Il faut dire que ce personnage, particulièrement discret, fait déjà une infidélité à la ville qui a vu naitre le bluesman Lowell Fulson ou le batteur Jim Keltner lorsqu’il décide (en 1964) de suivre son pygmalion Leon Russell en Californie.
Leon Russell est, en effet, une autre figure majeure de T-Town (surnom de Tulsa). Pianiste émérite mais aussi chanteur-guitariste et auteur-compositeur, on lui doit la fameuse tournée « Mad Dogs & Englishmen » de Joe Cocker et (peu de temps après, en 1971) une apparition remarquée lors du « Concert For Bangladesh » initié par son ami George Harrison. Il tourne avec Bob Dylan en 2011 et signe une quarantaine d’albums dont le remarqué « The Union » (en 2010), qui a le mérite d’offrir à Elton John son plus beau disque enregistré en duo. Il est, également, le fondateur du Church Recording Studio (repris, depuis, par l’artiste de country music Steve Ripley) à…Tulsa bien sûr.
A l’instar de Nashville, la ville de Tulsa est devenue au fils des ans une véritable « music city » où les clubs sont nombreux et toujours prompts à accueillir des musiciens. Outre ceux cités ci-dessus, beaucoup de talents sont originaires de celle que l’on surnomme « la plus jolie ville américaine » ou encore « le Paris américain » (Jimmy "Junior " Markham, Elvin Bishop, Roger Tillison, Jack Dunham, David Gates, The Tractors, Steve Ripley, David Teegarden, Dickey Sims, Dwight Twilley, The Gap Band, Jim Byfield, Clyde Stacy, Bill Pair, Chuck Blackwell, The Zigs, Gus Hardin, Don White ou encore Steve Pryor pour ne citer qu’eux).
Aujourd’hui, cet immense patrimoine artistique est ardemment défendu par un passionné répondant au nom de Brian Horton. Ce dernier fonde, à l’orée des années 2010, son propre label à but non lucratif (Horton Records). Son objectif est de fournir un soutien financier et matériel, ainsi que des outils de gestion (promotion, distribution, marchandising…) aux artistes de la scène locale actuelle. Ainsi, cette dernière ne cesse de se renouveler et poursuit sa vocation de découvreuse de talents à travers des musiciens qui sont, aujourd’hui, les gloires du Tulsa Sound (John Calvin Abney, Kalyn Fay, Rachel Dean, Kyle Reid, Chris Lee Becker, Dustin Pittsley et bien d’autres). Avec l’aide de Horton Records, toutes et tous se produisent intensément sur scène et sortent, de manière récurrente, de superbes vinyles et CDs.
La richesse de la musique de Tulsa n’a pas échappé au chanteur-guitariste Franc-comtois Dom Ferrer. Un artiste autodidacte, amoureux de l’Amérique et de ses grands espaces, où il n’hésite pas à s’installer (vivant de divers emplois) dans les années 1980.
De retour en France, il propose des premiers disques de folk (sous le nom de Carol’s Cousin) avant de vouloir se rendre compte par lui-même de l’étendue de la scène musicale de Tulsa. En 2014, il y entreprend un premier voyage qui le marque profondément et qui lui permet de rencontrer Brian Horton, ainsi que quelques-uns des artistes de ce dernier.
Après avoir fait venir deux d’entre eux (le formidable songwriter Wink Burcham et le « countryman » Jacob Tovar) le 28 mai 2015, lors d’une soirée exceptionnelle à Belfort, notre raconteur d’histoires y retourne dans la foulée afin de réaliser l’un de ses rêves… y enregistrer un disque. Il en résulte le splendide « We ride free » (qui sort sous son véritable patronyme), emprunt de liberté et de solides amitiés forgés avec certains des participants à l’album. Bien sûr, Dom n’hésite pas une seconde afin de rendre la pareille à ces derniers…
Profitant d’une tournée hollandaise de ses comparses Paul Benjaman, Beau Robertson (du groupe Pilgrim) et Jesse Aycock, notre homme Ferrer monte (en compagnie de V2C Développement) la première revue « Tulsa Sound » (nommée « Oklahoma Roots Revue 2016 ») de l’histoire de France. Un évènement trop peu médiatisé mais qui tient toutes ses promesses, durant 5 concerts épiques, entre le 21 et le 25 septembre 2016. Soit un total de 5 nuits dévolues à une véritable authenticité musicale, à des joutes scéniques fraternelles et à des moments d’improvisation jubilatoires. Des concerts, à chaque fois uniques, qui en ont font l’une des tournées les plus excitantes de l’année 2016. Des dates à retenir pour l’histoire… L’an 1 du Tulsa sound en France !
David Baerst
Remerciements : Dom Ferrer, Marie Lintz et Jérémy Durand (V2C Développement)
NB : Des interviews de Dom Ferrer, Wink Burcham, Paul Benjaman, Beau Robertson et Jesse Aycock sont consultables sur ce site.
http://www.hortonrecords.org
https://www.facebook.com/Horton-Records-282558285137449
https://fr-fr.facebook.com/carolscousinmusic
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