Le Club Drouot, sur les traces du Golf….
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

Le Club Drouot, sur les traces du Golf….

Le passé :

Le Golf Drouot avait en ce milieu des années 1900 la particularité d'être le seul Golf miniature couvert de Paris. Très soucieuse de la rentabilité du lieu, la propriétaire, Madame Perdrix, décida d'engager un barman, Henri Leproux et de transformer son établissement en un salon de thé dansant, créant ainsi le " Cup of Tea ".
Le lieu devint de plus en plus mondain, se métamorphosant en restaurant chic à la mode, le tout dans une atmosphère hyper feutrée sous la houlette d'une " public relation ", la Comtesse russe Irène Strozzi engagée pour la circonstance.
Le tout Paris s'y pressa.

Pour l'anecdote, Henri Leproux fût alors promu 1er Maître d'hôtel….
Le succès fût cependant de courte durée et Madame Perdrix dut se rendre à l'évidence, son affaire périclitait. C'est à ce moment précis que par pur hasard l'endroit devint le point de ralliement d'une " jeunesse turbulente " qui s'y pressait afin de profiter de l'électrophone du lieu et de découvrir ainsi les premiers disques de rock'n'roll directement importés des USA (Bill Haley & his Comets etc…).

C'est alors qu'Henri Leproux exposa avec succès à sa patronne l'idée folle de détruire l'ambiance snobinarde du lieu afin de le voir renaître en club musical réservé aux jeunes. Les années 60 pointaient le bout de leur nez…
La suite vous la connaissez, notre ami Henri Leproux devint une institution à lui tout seul permettant à la bande du Golf de voir le jour " C'est vrai que ça se réchauffe et le ciel du Golf est au beau fixe " écrira Long Chris dans son ouvrage " A la cour du roi " (éditions Filipacchi, 1986) . Les murs résonnèrent dès lors aux sons des premiers artistes de rock'n'roll français, dès la fin des années 50 Johnny Hallyday y fît ses premiers pas d'artiste suivit d'Eddy Mitchell etc….

Jusqu'en 1983 le Golf Drouot organisa des tremplins qui offrirent la possibilité à des milliers de musiciens de se mettre en valeur. La plupart des grands groupes français d'alors y naquirent. L'endroit devint également une curiosité pour de nombreuses stars internationales (de Gene Vincent aux Who en passant par les Rolling Stones et David Bowie etc…) qui toutes s'y engouffrèrent (ou plutôt montèrent les quarante douloureuses marches). Le rock'n'roll en France avait trouvé son antre….

Le présent :

2005, soit 22 ans après la fermeture du Golf Drouot, une équipe de passionnés s'est lancé le défit de faire revivre le lieu (à quelques mètres et deux étages près). Ceci dans l'optique d'offrir, principalement aux groupes de Blues et de Rock'n'roll, une nouvelle scène et aussi, dans la grande tradition, de permettre à de jeunes (ou moins jeunes) musiciens de participer à des tremplins et d'ainsi les faire connaître.
Le tout dans une ambiance chaleureuse et bon enfant permettant de profiter des spécialités italiennes du restaurant PEPATO faisant partie du complexe. Tout y est !!!

Les rencontres :

En ce début du mois de novembre 2005, je me décide enfin à me déplacer sur le lieu du crime rock'n'rollien afin de me rendre moi-même compte de la tournure des évènements. Un trio de pistoleros m'y attend, par chance ils ne dégagent que de la sympathie ; Patrick Pepato gérant émérite du lieu, Philippe Grancher (voir son interview sur ce même site) magnifique bluesman et grand ordonnateur des soirées blues et enfin le preux programmateur des soirées rock'n'roll et des tremplins, j'ai nommé Daniel Delannoy, aussi connu pour sa grande composition et son rôle de chanteur talentueux et sautillant au sein des légendaires Socquettes Blanches (voir interview sur ce même site).

Les entretiens :

Puisque le Rock'n'roll est enfant du blues, commençons par Philippe Grancher qui, s'il était dépourvu de toute guitare, ne s'en montra pas moins incisif.

Philippe, dans un premier temps, peux-tu me dire par quel biais tu as intégré le Club Drouot ?
Philippe : Tout à fait par hasard ! J'y suis venu cet été avant que le Club soit ouvert afin d'y proposer mes services en t ant que musicien, pour pouvoir m'y produire. Dès que j'ai vu le lieu j'ai trouvé celui-ci génial. Comme les bons endroits pour jouer du blues à Paris sont rares, j'ai proposé au patron, non égoïstement, d'ouvrir le lieu un soir par semaine exclusivement aux artistes de blues.

Ceci avec une formule inédite jusqu'alors, à savoir le " Blues after work ", c'est à dire du blues à partir de 19h30. Il m'a dit banco, donc je me suis collé à la tâche. Cela n'est pas facile pour un musicien d'en programmer d'autres, car il y a toujours le risque d'en vexer quelques uns si je ne les programme pas….
Quoi qu'il en soit, tous les jeudis soirs à partir de 19h30 il y a les meilleurs groupes de Blues qui se produisent ici et j'en suis très content.

Ce concept de Blues après le travail pouvait paraître risqué, on a toujours tendance à dire que le blues est une musique très nocturne. Alors la formule accroche t-elle les gens ?
Philippe : Oui et ceci pour deux raisons : premièrement car c'est ce qui se faisait avec succès à Londres dans les années 80 et deuxièmement parce que c'est très pratique pour les parisiens car ils peuvent venir dès leur sortie de bureau ce qui est plus facile pour eux si ils habitent la banlieue.

En n'écoutant que le premier set ils peuvent même " rattraper " le film du soir à la télévision. Ainsi plus de problème de métro et de peur des rentrées trop tardives. C'est donc une formule très valable pour les gens de banlieue qui représentent la moitié des travailleurs parisiens.

Ne serait-ce pas aussi alors une façon de se protéger des musiciens frustrés qui n'auraient pas été retenus pour une soirée ?
Philippe : (rires) Oui tu as raison ! Il faut dire que c'est très compliqué de programmer pour un musicien car tout le monde veut passer, mais je ne fais pas passer tout le monde….
Cependant je peux t'assurer que tous les bons groupes de France et de Navarre passeront !

Quels sont tes critères de sélection ?
Philippe : Il ne faut pas que les artistes fassent du blues-rock abusant de sons saturés etc…. Malheureusement je reçois trop de cd's de blues-rock trop hard, ce que j'essaye d'éviter car je trouve que ces groupes se ressemblent tous. Je cherche davantage à programmer un Blues plus classique….

Quelle a été la réaction des premiers bluesmen qui se sont produits dans cet endroit au départ dédié au Rock'n'roll ?
Philippe : Tout le monde est ravi, l'accueil est superbe, au bar Héléna est d'une beauté incroyable, on mange bien, les cachets sont très corrects. Tous les musiciens qui sont passés ici à ce jour sont contents, sans exception.

Du fait que je sois toujours là le jeudi soir, je suis devenu un membre de la famille, donc je suis à l'écoute des artistes qui viennent jouer. Tu sais très bien que dans certains endroits c'est souvent hardos car les mecs en ont rien à foutre. Ici c'est le contraire, nous respectons les musiciens donc ils sont contents.

Y-a t-il une opportunité pour les musiciens amateurs de venir jammer après les concerts ?
Philippe : Non, car pour les musiciens amateurs il y aura un tremplin qui aura lieu quatre fois par an. En ce qui concerne les " bœufs " du jeudi soir, ils sont très structurés et laissés au libre choix des artistes vedettes comme ce fût le cas pour une incroyable soirée réunissant il y a peu 3 harmonicistes ; Steve Verbeke, Benoit Blue Boy et Lezy Lester. Les mecs qui étaient là étaient complètement sur les rotules !

Tu es catalogué dans la rubrique Blues mais tout le monde connaît ta passion pour le Rock'n'roll, alors t'es t'il déjà arrivé de venir un vendredi ou un samedi soir rejoindre tes potes sur un bon vieux Rock'n'roll ?
Philippe : Et bien non, justement pas encore mais je crois que je vais finir par me programmer un soir où je ne jouerai que du Rock'n'roll. C'est vrai que c'est une musique que j'adore et que je pratique un peu dans mes shows. Je vais revoir un peu mes classiques et un de ces soirs je vais ne faire que ça. Cela doit être dans mes cordes (rires).

 

Au tour de Patrick Pepato le Big Boss du lieu et de Daniel Delannoy de répondre à mes questions…

Patrick, tu es le fondateur du Club Drouot, comment a germé l'idée d'ouvrir un endroit dédié au Rock'n'roll et à la musique en général à l'heure où de si nombreux clubs ferment ?
Patrick : Je crois que de plus en plus les gens recherchent de la musique jouée en live. De ce fait nous avons voulu créer ici un club qui devienne le temple de la musique live à Paris. Il y aura donc dans cet endroit que de la musique live, que ce soit nos deux enfants chéris, le Rock'n'roll et le Blues ou bien d'autres genres car nous allons nous ouvrir très rapidement à la chanson française et à des styles plus tropicaux.

Le fait de créer un Club à cet endroit précis t'était-il vraiment cher ou est ce que tu aurais pu créer un Club dans un endroit différent ?
Patrick : Nous aurions pu créer un Club dans un endroit différent mais il faut dire que ces murs ont une histoire. Il est évidemment, de ce fait, plus prestigieux et honorifique pour moi de pouvoir le créer dans ce lieu qui a une vraie histoire depuis 50 ans.

Cette histoire tout le monde la connaît car à cette époque il y avait dans le même immeuble le Golf Drouot. Loin de nous l'idée de recréer le Golf Drouot mais l'endroit est magique car il représente toute une histoire. Ceci parce que tous les pionniers du Rock français sont passés par là, habités à côté, que ce soit Johnny, Eddy ou d'autres.

Tu disais que tu souhaitais élargir la palette musicale du Club, comment vas tu t'y prendre et quels sont tes contacts ?
Patrick : Pour le moment je ne peux que te parler de Blues et de Rock'n'roll car tout est en gestation. Je pense que cela se dénouera au début de l'année 2006. Pour l'instant j'ai eu la chance de rencontrer par l'intermédiaire de Daniel, ici présent qui est le chanteur des Socquettes Blanches, un producteur nommé Jean-Claude Marionneau (voir interview sur ce même site).

Ce dernier monte actuellement un spectacle, avec lequel nous sommes partenaires, qui aura lieu au Palais des Sports de Paris en avril 2006. Ce spectacle reprendra l'ensemble des pionniers du rock de l'époque, ces artistes passent régulièrement ici, au Club Drouot, les vendredis et les samedis.

De plus nous avons repris l'idée du tremplin afin de promouvoir des groupes amateurs. Le premier prix et un passage au Palais des sports aux côtés des professionnels, le deuxième et la production d'un cd, le troisième prix la production d'un single et le quatrième une guitare Leduc.

C'est donc très attractif pour ces groupes qui peuvent se produire chez nous, soit le samedi dans le cadre des tremplins, soit le vendredi en ouverture des groupes pros qui eux jouent à partir de 22h30.

Puisque tu parles de Jean-Claude Marionneau, avez vous comme projet éventuel d'enregistrer des groupes en live ici même ?
Patrick : Je n'y suis pas opposé mais cela doit poser des problèmes techniques d'enregistrement pour le son. Ceci dit pourquoi ne pas envisager, en effet, des enregistrements ici voir des émissions de télévision. En tout cas nous y pensons.

Je vais en venir à la partie programmation avec Daniel. Est ce que tu pourrais m'expliquer dans un premier temps comment tu t'es retrouvé à accomplir cette délicate mission ?
Daniel : Ce doit être une vocation de base (rires). Plus sérieusement j'ai au départ favorisé la jonction entre Patrick Pepato et Jean-Claude Marionneau car j'ai, dès le départ, trouvé le lieu et le personnage de Patrick absolument magiques et je ne dis pas cela pour lui cirer les chaussures car c'est la vérité (rires) ! Il était le fédérateur et l'initiateur du projet à la base, je me suis mis au travail à ses côtés.

Côté programmation, le fond de boutique est le Rock des années 50 et 60. Cependant, il y a une chose importante à dire, c'est que nous, nous sommes d'une époque durant laquelle nous souffrions d'entendre Tino Rossi, Louis Mariano etc…. Nous étions en conflit perpétuel avec nos aînés qui ne voulaient rien savoir du Rock'n'roll. Aussi, aujourd'hui, j'ai davantage envie de programmer des groupes de Rock de 2005 pour ne pas devenir sectaire et ouvrir les esprits des gens. Je veux éviter que les jeunes subissent ce que notre génération a subi il y a 45 ans. Cela ne veux plus rien dire !

Le lieu se prête complètement à ça et si cette musique ne correspond pas toujours à nos goûts de base il faut avouer qu'il y a des trucs vraiment biens. C'est une autre branche du Rock'n'roll qui continue de pousser….

Y-a t'il un engouement de la part des jeunes groupes, les demandes sont-elles importantes pour passer lors des tremplins ?
Daniel : Oui, il y en a pas mal et je suis obligé malheureusement de refuser des choses car je ne peux pas tout prendre. Par exemple si un groupe est trop hardeux dans sa démarche, le lieu ne s'y prêtant pas, le plafond risque de se décoller, ce qui n'est pas le but.

Nous nous retrouvons ainsi avec des tremplins très ludiques où des jeunes de 23 ans viennent faire du Rockabilly avant que des gens de 60 ans viennent s'y produire dans le même style, c'est très marrant ! Il y a aussi des groupes qui se produisent en reprenant les Beatles, c'est monstrueux !
J'ai programmé un groupe qui passera prochainement, la " Beat generation " constitué de fous de Dylan, ça tourne vraiment bien !

Quel est le public du Club Drouot, est-il principalement constitué d' " anciens " fanas de Rock'n'roll ou est ce qu'une nouvelle génération vient s'intéresser aux pionniers comme Moustique qui a fait son retour sur scène ici ?
Daniel : D'un côté, il y a la vieille garde, les grognards, les irréductibles, ceux qui étaient là à la première heure et qui reviennent, prenant ainsi un bain de jouvence se disant : " C'est pas possible j'ai eu 16 ans ce soir ! ".
D'un autre côté, il y a les curieux de toutes les générations et enfin le fait de faire des tremplins nous ramène encore du monde, avec souvent des jeunes qui découvrent l'endroit. Je trouve cela formidable car il y a des têtes blondes, des têtes blanches, il y a de tout. C'est en partie à cela que sert la musique, réunir les gens !

Etiez vous l'un et l'autre des habitués du Golf Drouot à l'époque ?
Patrick : Daniel oui, moi non car malheureusement je ne vivais pas à Paris à ce moment là.
Daniel : Moi j'y venais quand j'avais 14-15 ans, puis j'y ai joué en 1966 avec mon groupe de l'époque. Je possède d'ailleurs une vieille photo toute fripée. Mais puisque je suis fripé maintenant, il n'y a pas de raison que la photo ne le soit pas même si je suis plus jeune dessus.
C'était vraiment un endroit mythique et tout le monde l'a dans le cœur. Comme l'a dit Patrick et j'insiste là dessus, notre but n'est pas de refaire l'histoire du Golf mais simplement de prolonger la légende de l'endroit, un peu comme une racine d'un arbre qui aurait poussé un peu plus loin.
Nous n'avons pas d'autre prétention que de le faire avec chaleur, humanité et amour.

L'avis d'un jeune artiste :
Après de si jolies paroles, il me semblait bon, en effet, de connaître les sensations d'un jeune artiste se produisant au Club à l'occasion d'un tremplin. A savoir Fabrice, chanteur et guitariste du groupe les Anges gardiens.

Fabrice, tu représentes avec les Anges Gardiens, la jeune garde du Rock français. Puis-je avoir ton avis sur le lieu et ce que cela représente pour toi et les musiciens de ta génération ?
Fabrice : Effectivement, jouer au Club Drouot c'est un peu inespéré. Il y a tellement de gens qui se sont produits entre ces murs. Des artistes mythiques….
Nous sommes, de ce fait, très contents de jouer ici d'autant plus que la salle est vraiment très bien. Le fait de participer à ce tremplin nous rend heureux et même si nous ne devions pas remporter de prix, le but pour nous est de faire notre musique ici. C'est cela qui nous intéresse vraiment !

La conclusion : Vous l'aurez compris au Club Drouot le mot musique rime avec passion et respect. L'équipe n'ayant pour autre but que de faire partager au public des moments de plaisir.
Ceci dans la grande tradition du Golf Drouot, sous le faux plafond du lieu, planent les ombres des plus grands.

Renseignements et tarifs : par téléphone au 01.53.34.63.04
Contact e-mail : club.drouot@wanadoo.fr
Website : www.club-drouot.com

Pour Henri Leproux.


Remerciements : Merci à toute l'équipe pour m'avoir permis de présenter une soirée dans ce lieu magique et plus particulièrement à Isabelle Rambaud (pour sa disponibilité, sa gentillesse et ses minutes brunes), à Patrick Pepato le maître des lieux, à l'extraordinaire Philippe Grancher (The TNT bluesman with an atomic guitar), à l'incomparable Daniel Delannoy (légendaire chevalier vert du Rock'n'roll dont l'humour n'a d'égal que la profondeur d'âme), à Annick….
Je ne pouvais conclure ces quelques lignes sans saluer amicalement Jean-Claude Marionneau !


David BAERST


 
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